Coronavirus : enfants à la maison, les parents s’organisent

L’école fermée, de nombreux enfants et adolescents restent chez eux à partir de ce 16 mars. Comment les parents vivent-ils la fermeture des établissements scolaires ? Témoignages.

Par et

Éric Cabanis/AFP

Vendredi 13 mars, le ministère de l’Éducation nationale annonçait que les cours seraient suivis à distance dès ce lundi 16 mars. À 10 heures ce matin, le portail spécialisé du ministère de l’Éducation nationale lançait les cours à distance sur le site telmidtice.men.gov.ma. Témoignages de parents qui s’organisent, chacun à leur manière.

Pause scolaire

Hasna est la maman d’un adolescent de 14 ans et de Khadija, un an et demi. Elle a négocié avec ses quatre employeurs habituels, et prévoit de limiter son travail à un seul domicile où elle fera les tâches ménagères cette semaine, afin d’être disponible pour ses enfants.

Dimanche soir, elle s’inquiétait moins de l’épidémie en elle-même que de la scolarité de son aîné inscrit au lycée public Ibn Khaldoun, dans le quartier Gauthier à Casablanca. “Pour l’instant, il ne fait rien”, se désole Hasna, qui a interdit à son fils toute sortie, par mesure de précaution. Il joue, dessine, sort un peu, mais c’est limité… Il aura besoin de sortir pour changer d’air, observe-t-elle, d’autant plus que nous habitons dans un très petit studio.

Confinement à domicile

Hiba Chams, quatre ans et demi, souffre de maladies respiratoires. “J’évite de l’emmener à l’école lorsqu’elle est enrhumée depuis le premier jour ou je l’ai inscrite à la crèche, afin qu’elle ne contamine pas les autres enfants”, précise Amal, sa mère.

Pour elle, la décision de fermer les écoles est venue “au bon moment”. Son mari et elle avaient anticipé la situation, et convenu, il y a quelques semaines, qu’en cas d’annonce de cas au Maroc, ils n’emmèneraient plus leur fille à l’école.

“Que mes enfants réussissent leur année ou pas, ce n’est pas grave. Je veux juste qu’ils restent en bonne santé”

Touria

Depuis le premier communiqué du ministère de la Santé, Hiba Chams n’est partie que deux fois à l’école. “J’étais inquiète à chaque fois, alors il nous a semblé plus logique que notre fille reste à la maison”, une manière pour cette mère de s’assurer que sa fille respecte les règles d’hygiène.

Je m’occupe de la maison, ce que je considère comme un travail à part entière. Avec une enfant à domicile, ce n’est pas facile”, constate Amal, “mais je suis une personne très privilégiée. Il y a une semaine, ma mère et ma tante sont venues chez moi, j’ai donc envoyé ma fille avec elles lorsqu’elles sont reparties dans le Nord, à Larache. Je suis sereine parce qu’il n’y a pas encore de cas officiels dans cette région”.

“Certains parents ont empêché leurs enfants d’aller à l’école avant l’annonce de la fermeture des écoles parce qu’ils avaient peur”

Chaimae, institutrice

Touria est elle aussi femme au foyer, elle réside à Casablanca. Comme Amal, elle estime que la décision de suspendre les cours est une bonne initiative : “Actuellement, c’est le mode ‘survivor’ qui est activé. Que mes enfants réussissent leur année ou pas, ce n’est pas grave. Je veux juste qu’ils restent en bonne santé.

Pas d’école, ce n’est pas pour déplaire à ses deux fils, Mohamed, 14 ans, et Mehdi, 3 ans, mais cela attriste sa fille Sara de 12 ans. Les enfants le vivent comme des vacances, les écoles ne lui ont pas dit ce qui a été convenu pour la suite. “Je n’ai pas de quoi me plaindre. Du moment que mes enfants sont en bonne santé, qu’ils ont un toit sur leur tête et de quoi se nourrir, je suis sereine”, assure Touria.

Plus au sud

À Safi, où réside Chaimae, institutrice, certains parents ont pris très au sérieux cette pandémie. “Certains parents ont empêché leurs enfants d’aller à l’école avant l’annonce de la fermeture des écoles parce qu’ils avaient peur”, explique l’enseignante qui observe que “la majorité de ces parents sont des personnes actives et ayant atteint un niveau d’étude élevé”.

Ses propres parents ont interdit à ses petites sœurs de quitter la maison. “Dans les quartiers bourgeois, aucun enfant ne sort, mais dans les zones populaires de la ville, les enfants vont encore jouer dehors”, témoigne l’enseignante.

“Je ne pense pas que mes élèves suivront les cours, je préfère rattraper les cours une fois que la situation sera rétablie”

Chaimae, institutrice

À quelques kilomètres de son lieu de résidence, en revanche, dans le village où se situe l’école publique de Chaimae, “les parents ne prennent pas cette mesure au sérieux. Cette fermeture convient à beaucoup d’entre eux, car cela permet de faire travailler leurs enfants”. La majorité des familles qui y résident ont en effet de faibles revenus.

Certains professeurs ont déjà créé des groupes WhatsApp pour envoyer les leçons à distance. Pas Chaimae : “Je ne pense pas que mes élèves suivront les cours, je préfère rattraper les cours une fois que la situation sera rétablie. Heureusement, j’avais pris de l’avance dans le programme, à cause des grèves des enseignants auxquelles je participais.

D’autant plus que dans cette commune, il n’est pas facile de faire les cours à distance puisque la majorité des élèves n’ont pas d’ordinateur ni de smartphone. Chaimae préfère rester lucide : “Déjà qu’ils ne sont pas intéressés par les cours dans la salle de classe, alors ça m’étonnerait que cela les intéresse de suivre des cours à distance !

Ce n’est pas tant la suspension des cours qui inquiète ses élèves, mais surtout la situation d’ensemble, ils craignent pour leur santé. Samedi 14 mars, dernier jour de classe, des élèves apeurés sont venus la voir pour s’excuser. “Ils ont dit qu’ils étaient désolés s’ils m’avaient blessée, qu’ils avaient juste peur du virus.