Si le Maroc n’a pas (encore) enregistré de cas de coronavirus sur son territoire, les impacts de la pandémie qui touche actuellement la Chine, et par ricochet le monde entier, commencent à se faire sentir sur l’économie du royaume.
Les premiers touchés sont les commerçants importateurs de produits en provenance de l’Empire du Milieu, accessoirement quatrième partenaire commercial du Maroc. “En temps normal, les commerçants se déplacent régulièrement en Chine pour rencontrer leurs fournisseurs, s’enquérir des nouveaux produits, choisir leur marchandise et sceller les transactions. Aujourd’hui, ils n’osent plus y aller, d’abord de peur de contracter le virus, mais aussi pour ne pas avoir à être placés en quarantaine à leur retour de Chine”, explique Bachir Ahechmoud, président du conseil national du Syndicat national des commerçants et des professionnels (SNCP).
Résultat : les échanges se font par Internet et les délais de réponse des fournisseurs chinois s’allongent. Habituellement réactifs dans les 24 heures, les industriels chinois peuvent donner une réponse 15 voire 20 jours plus tard. Plus encore, “les commerçants hésitent également à passer des commandes, car ils ne veulent pas prendre le risque de voir leur marchandise placée en quarantaine à son arrivée dans les ports”, ajoute notre interlocuteur.
Thé chinois : vers une pénurie ?
L’une des marchandises les plus concernées est sans doute le thé chinois, dont le Maroc est le premier importateur mondial avec 77.562 tonnes importées en 2018. “Les stocks de thé actuellement disponibles sont difficilement quantifiables en raison de la contrebande dans les provinces du sud, où le thé est acheminé via la Mauritanie. Mais les confrères s’accordent à dire qu’ils sont en mesure de tenir jusqu’au mois de ramadan (dernière semaine d’avril, ndlr). Au-delà, si la situation n’évolue pas favorablement côté chinois, nous allons vivre une situation inédite de carence en thé”, s’inquiète Bachir Ahechmoud.
“La meilleure alternative est d’importer le thé indien qui coûte quasiment autant que le thé chinois”
Dans ce cas-là, les commerçants peuvent se tourner vers d’autres pays asiatiques tes que l’Inde ou le Vietnam pour s’approvisionner en thé. “Mais cela va forcément se répercuter sur la qualité et le prix du produit à la vente”, nuance-t-il. Abdelaziz, commercial dans une société d’import-export de produits alimentaires basée à Agadir, abonde dans le même sens.
Pour lui, “la meilleure alternative est d’importer le thé indien qui coûte quasiment autant que le thé chinois. La différence majeure reste la qualité et le goût, il n’est pas sûr que ça plaise aux Marocains qui sont particulièrement friands du thé vert Chunmee de gamme 41022 (la plus haute qualité de thé, ndlr)”.
Made in China, denrées rares
Outre le thé, les produits alimentaires les plus menacés sont le vermicelle de Chine, les lentilles et le maïs. “Les stocks pourraient dépanner entre deux mois et demi et trois mois”, affirme Abdelaziz, indiquant que dans les marchés de gros, les prix commencent à augmenter.
“Le textile, l’électroménager et l’électronique (accessoires et pièces de téléphones) sont les segments les plus impactés”
Par exemple, “le vermicelle de Chine, normalement vendu à 21 dirhams le kg, s’écoule à 28 dirhams le kg”. Si la situation n’évolue pas côté chinois, les prix risquent de grimper encore plus. “Entre le moment où le conteneur quitte la Chine et celui où il arrive au Maroc, il faut compter environ trois mois. Aujourd’hui, l’information dont nous disposons de la part de nos fournisseurs tend vers une suspension des exportations de quatre mois extensible”, surenchérit-il.
Hors produits alimentaires, “le textile, l’électroménager et l’électronique (accessoires et pièces de téléphones) sont les segments les plus impactés”, selon Bachir Ahechmoud, qui s’attend à une augmentation sensible des prix dans les prochaines semaines. “En absence de garantie d’approvisionnement, les commerçants préfèrent logiquement temporiser sur leur rythme de vente afin de ne pas se retrouver en rupture de stock. De plus, au cas où la situation n’évoluait pas en Chine, les prix continueraient logiquement à augmenter et ce serait le moment adéquat pour vendre”, conclut-il.