Le 30 janvier à Casablanca, les autorités sont déjà sur place pour quadriller le périmètre qui entoure le consulat des États-Unis. La colère des manifestants contre le “deal de la honte”, tout au long de la soirée sur le boulevard, résonne dans les locaux diplomatiques de ceux qu’ils appellent “ennemis de l’humanité”.
Le “deal du siècle”, plan présenté par le président américain Donald Trump le 28 janvier, défend une solution à deux États qui favorise considérablement le régime israélien.
Depuis, la communauté internationale est scindée entre indignés et approbateurs. Le Maroc, historiquement engagé en faveur de la cause palestinienne, a cette fois apprécié les “efforts constructifs de paix” de la part des Américains, position honnie par les militants pro-Palestiniens.
Entre chants militants et tirades sur la dignité, l’humanisme ou l’engagement radical, s’échappent des murmures étouffés de prières. Derrière les keffiehs (emblème de la cause palestinienne) qui enveloppent les lèvres gercées par le froid de janvier, se psalmodie une daâwa unique : “Allahouma onsour ikhwanana fi Al Quds wa fil kouli makane” (Ô, Allah, secours nos frères de Jérusalem et dans les autres endroits).
“Coup de poignard”
Adossés aux barrières de fer érigées par la police, des membres du comité organisateur enchaînent les déclarations. “Le premier message est adressé à l’État marocain”, réagit Mustapha Brahma, secrétaire général d’Annahj Dimocrati. C’est la première fois dans l’histoire qu’un ministre des Affaires étrangères prend une position aussi exécrable que celle de Nasser Bourita, celle de valoriser l’initiative américaine”, regrette ce militant de la gauche radicale pour qui le parti pris de la diplomatie marocaine est un “coup de poignard” asséné au dos de la cause palestinienne.
Asmaa El Ouadie, avocate et militante pour les droits humains, cramponnée à un pan de drapeau vert, blanc, noir et rouge, affirme que “chaque humain qui dispose d’un atome de dignité en son être condamne ce deal de la honte”. Dans la foulée, elle invoque la responsabilité des régimes arabes impliqués dans ce deal.
Une cause nationale…
Selon Mustapha Brahma, les Marocains ont érigé la cause palestinienne en cause nationale dès 1968. “Au cœur d’Al Qods, il existe un quartier marocain”, rappelle-t-il, symbole de la communion du peuple du croissant fertile et de celui du couchant lointain.
Hanane Idrissi, deuxième vice-présidente du Mouvement de l’unicité et de la réforme (MUR) est venue en famille à la manifestation. Loin de l’ambiance d’un pique-nique du dimanche, c’est coiffée d’un chèche palestinien en guise de voile qu’elle partage avec nous son attachement à la cause palestinienne.
Cet amour pour la terre où coulent le miel et le lait, elle l’a transmis à ses enfants, qui l’accompagnent ce soir. Eux aussi entonnent des chants militants. Eux aussi sentent cet amour pour la terre promise, même si leurs pieds ne l’ont jamais foulée.
… et religieuse
Essoufflée et larmoyante, Hanane Idrissi dit s’être libérée pour assister à la manifestation. Elle a d’ailleurs pieusement jeûné ce jeudi 30 janvier, du lever au coucher du soleil. “Je suis venue parce que je suis musulmane, comme tous les Marocains et comme notre roi”. Et le plan présenté par Donal Trump ? “Je maudis ce ‘Deal du siècle’, moi et tous mes frères musulmans.”
Organisée par un groupement d’associations solidaires de la cause palestinienne, cette manifestation a connu la participation du Comité local de solidarité avec le peuple palestinien, de la Ligue marocaine de plaidoyer pour les affaires de la nation, de l’Observatoire marocain contre la normalisation, de l’Initiative marocaine pour le soutien et Al Nosra, du Groupe national de travail pour la Palestine, de la Campagne marocaine pour le boycott académique et culturel d’Israël, et du mouvement Boycott désinvestissement et sanctions (BDS).
Le parti de la gauche radicale Annahj Dimocrati, l’organisation estudiantine à référentiel islamique Attajdid Toulabi, le MUR et Al Adl wal Ihsane ont également répondu présents.