Un revirement majeur affaiblit les accusations d’avortement

La défense du médecin accusé d’avoir pratiqué une interruption volontaire de grossesse sur Hajar Raissouni est parvenue à prouver le 23 septembre que l’inculpation pour avortement était contredite par des preuves scientifiques et médicales.

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Hajar Raissouni Crédit: Hajar Raissouni / facebook

Le 23 septembre, le tribunal de première instance de Rabat a été le théâtre d’un revirement majeur dans l’affaire Hajar Raissouni, du nom de la journaliste poursuivie pour « avortement » et « relations sexuelles hors mariage », aux côtés de son fiancé, de son gynécologue et de l’équipe de ce dernier — secrétaire et assistant.

Depuis le début du procès, la défense n’a cessé de plaider qu’aucune interruption volontaire de grossesse n’avait été pratiquée dans la clinique rbatie à proximité de laquelle les prévenus ont été arrêtés le 31 août. Alors que des procès-verbaux étaient brandis comme des aveux par les enquêteurs, la défense rétorquait que ces documents n’avaient pas été signés par les intéressés.

Passées ces considérations de procédure, le procès a pu se pencher sur le fond de l’affaire lors d’une audience marathon en début de semaine, à l’issue de laquelle le tribunal a décidé de remettre son délibéré au 30 septembre. Les magistrats pourront mettre ce temps à profit pour étudier une nouvelle pièce versée au dossier par l’avocate du médecin, qui vient réfuter les accusations d’avortement.

Une question d’hormones

La défense du docteur B. a en effet produit une interprétation du taux d’hormone béta-hCG dans le sang de Hajar Raissouni lors de l’examen médical qu’elle a subi par ordre du procureur à l’hôpital Ibn Sina de Rabat. « Ce taux n’est pas une contre-expertise. C’est ce qui est ressorti du dossier d’accusation lui-même. C’est simplement l’interprétation de ce taux qui a été versée au dossier », explique Me Myriam Moulay Rchid Sellami, avocate du médecin.

« Dans ses conclusions finales que Le Desk a pu consulter, le professeur en charge du service gynécologique obstétrique du CHU Ibn Sina atteste, après contre-examen, d’un “test de grossesse (hormone hCG) positif”, » rapportait en effet début septembre le média précité. « Tout le monde s’est attardé sur le résultat positif, mais personne n’a cherché à comprendre ce que signifiait ce taux. C’est pourtant un élément primordial », explique Me Moulay Rchid Sellami.

Selon 2m.ma, le taux d’hormone hCG retrouvé dans le sang de Hajar Raissouni quelques heures après son arrestation était de 13 585,9 mUl/ml. Selon le dossier médical versé par l’accusation toujours, Hajar Raissouni était enceinte de sept semaines au moment des faits. Or, de l’avis de documents de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), appuyés par un laboratoire d’analyses médicales spécialisé dans la fécondation in vitro que Me Moulay Rchid Sellami a produits au procès, le taux de 13 585,9 mUl/ml d’hormone hCG est anormalement bas à ce stade de grossesse présumée.

Preuve irréfutable

De l’avis des experts, le taux de hCG à huit semaines d’aménorrhée se situe en effet autour de 90 000 mUl/ml. « Cette hormone reste dans le sang d’une femme plus d’un mois, même après la fin d’une grossesse, qu’elle soit volontaire ou naturelle. Ceci pourrait éventuellement signaler une menace de fausse couche ou bien même une fausse couche en cours » reprend l’avocate. En définitive, « ce taux atteste que si Hajar Raissouni avait été enceinte, elle ne l’était en tout cas plus au moment de sa visite chez le médecin », conclut Me Moulay Rchid Sellami.

Les déclarations de Hajar Raissouni et de son médecin, qui n’ont cessé d’affirmer que la patiente avait consulté pour une « hémorragie », prennent alors tout leur sens. C’est d’ailleurs ce qu’affirme l’avocate : « Il y a avait une hémorragie, et le médecin a tout simplement aspiré un caillot de sang ». « Les juges ont été sensibles à cette démonstration et je suis très confiante sur l’issue du procès. Selon toute logique, par ricochet, les autres prévenus devraient également être innocentés du chef d’accusation d’avortement », déclare l’avocate du médecin, précisant que le choix avait été fait de garder cet élément imparable pour la fin du procès.

Reste que Hajar Raissouni est poursuivie pour d’autres chefs d’accusation, sur lesquels l’avocate du médecin s’abstient de tout commentaire. Pour « relations sexuelles hors mariage », la journaliste de 28 ans encourt d’un mois à un an de prison en vertu de l’article 490 du Code pénal. En préventive, elle aura déjà passé un mois en prison au moment du délibéré. En outre, en vertu de l’article 493, « la preuve de l’acte s’établit soit par procès-verbal de constat de flagrant délit dressé par un officier de police judiciaire, soit par l’aveu relaté dans des lettres ou documents émanés du prévenu ou par l’aveu judiciaire ». En d’autres termes, une fausse couche ne saurait constituer une preuve de relations sexuelles hors mariage. Ou quand les dispositions liberticides du Code pénal s’annulent par leur propre absurdité.