BAM : Au-delà des mesures économiques, l'annonce d'une perte de confiance

Dans son traditionnel point de presse trimestriel, le wali de Bank Al-Maghrib (BAM), Abdellatif Jouahri, a annoncé une baisse du taux de la réserve monétaire obligatoire. Mais au-delà des mesures économiques, le contexte actuel traduit une perte de confiance.

Par

Crédit : Tniouni/TelQuel

Le wali de Bank Al-Maghrib (BAM), Abdellatif Jouahri, a tenu son traditionnel point de presse trimestriel le 24 septembre. L’occasion d’annoncer que le Conseil de BAM a maintenu le taux directeur à 2,25% et de communiquer sur la diminution du taux des réserves obligatoires. Ce dernier passe de 4 % à 2 %. Cette décision de BAM intervient après l’observation d’une hausse de la masse monétaire en circulation, causant l’aggravation du déficit en liquidité des banques.

Soulager les liquidités bancaires

Cette baisse de taux aura pour but de limiter les stocks nécessaires que les banques commerciales devront garder auprès de la Banque centrale, et permettra ainsi une injection de 11 milliards de dirhams dans le système bancaire pour pallier ce déficit. « Les avances que nous faisons à 7 jours sur le marché monétaire se sont creusées et se creuseront davantage en 2020. Pour alléger la liquidité bancaire et pousser les banques à servir leur clientèle, nous avons décidé de cette diminution de deux points », annonçait le wali de BAM lors du point presse.

Contacté par TelQuel, l’économiste Yasser Tamsamani explique : « Le taux de réserves obligatoires est un outil de politique monétaire. Le faire passer de 4 % à 2 %, c’est injecter un peu plus de liquidités dans un marché qui en manque et annoncer les couleurs d’une politique monétaire très légèrement expansionniste. » Il poursuit : « Cette baisse se veut une solution, qui n’en est pas réellement une, à un triple problème structurel qui tire la dynamique des crédits vers le bas. »

L’économiste détaille : « Il y a un problème de manque de confiance ou, plus précisément, d’étroitesse des perspectives de croissance ; deuxièmement, une frilosité des banques et des réticences à accepter des marges inférieures et solvabiliser en conséquence une partie des demandeurs potentiels de crédits ; enfin, le recours aux banques commerciales pour financer l’endettement public. »

La baisse de ces liquidités bancaires cause également une diminution des dépôts bancaires, une conjoncture inquiétante soulignée par BAM lors de la conférence.

Baisse des dépôts, baisse de confiance

Cette décision vient également s’ajouter au constat du recul des dépôts bancaires. Ces derniers qui croissaient de près de 6 % en 2017, n’ont augmenté que de 3,5 % cette année, ce qui signifie que les gens tendent à sortir leur argent du système bancaire. Le poids de la monnaie fiduciaire dans la masse monétaire actuellement en circulation s’est d’ailleurs accru dans la dernière décennie. En 2010, ce poids était de 16,2 %. Il est estimé à 18,3 % aujourd’hui. Malgré les mises en place de solutions bancaires cashless et la stratégie nationale d’inclusion financière pour réduire la présence de cash, la circulation de ce dernier a augmenté.

Une situation qui préoccupe BAM et au sujet de  laquelle Abdellatif Jouahri constate : « Le rythme de l’évolution des dépôts a baissé pratiquement de moitié et en parallèle, on voit que le cash augmente. Sur les 5 à 10 dernières années, annuellement, la masse fiduciaire augmente de 10 milliards de dirhams. Ces deux dernières années, elle augmente de 17 à 18 milliards de dirhams par an. »

à lire aussi

Mais au-delà de ces décisions, la situation laisse transparaître une perte de confiance des agents économiques dans les instances nationales. Pour l’économiste Mehdi Fakir, « cette baisse des dépôts comptables est un baromètre de confiance dans l’économie. Elle joue un rôle dans l’assèchement des liquidités, mais cela veut aussi dire que les gens n’ont plus confiance en ce modèle de développement et dans le projet de société qui est mené ». Dans son point presse, le sujet a d’ailleurs été évoqué par Abdellatif Jouahri qui déplorait que « le problème est peut-être un problème de visibilité, de confiance ».