Après l'augmentation de capital, les grandes ambitions d'Asma Invest

La société d'investissement maroco-saoudienne Asma Invest a porté en juillet dernier son capital de 800 millions à 2 milliards de dirhams. L'entreprise maroco-saoudienne veut investir dans de nouveaux secteurs comme l'éducation et la santé. Le point sur les ambitions avec son PDG Hicham Safir.

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Hicham Safir, PDG d'Asma Invest

Seconde vie pour Asma Invest. La société maroco-saoudienne d’investissement de développement vient d’opérer en juillet dernier une importante opération d’augmentation de capital. Détenue conjointement par les Etats marocain et saoudien, Asma Invest vient de porter son capital de 800 millions de dirhams à 2 milliards de dirhams. Avec cette nouvelle assise financière, l’entreprise créée en 1992 ambitionne de se lancer dans de nouveaux secteurs d’activités comme l’éducation ou la santé.

Nouvelle stratégie

« Lorsque j’ai été nommé PDG en 2015, mon rôle était de revoir le portefeuille d’investissement d’Asma Invest », nous dit Hicham Safir. « La volonté des actionnaires était d’accentuer notre position d’investisseur-opérateur, et ne plus rester que des investisseurs passifs », poursuit cet ancien directeur des investissements du fonds souverain Ithmar Capital. « Après analyse, on a constaté que les problèmes venaient des projets qu’on ne gérait pas directement. Dès qu’on est minoritaire, beaucoup de choses nous échappent », détaille-t-il. Son idée est de sortir de tous les investissements où l’entreprise est minoritaire, et de basculer le portefeuille d’investissement vers des activités où Asma Invest restera majoritaire.

Pour réaliser cela, le nouveau PDG propose aux deux pays de renforcer le capital d’Asma Invest. Alors que les relations entre les deux royaumes ne sont pas au beau fixe, cette augmentation de capital « est le signe que les deux pays veulent continuer à collaborer », nous dit Hicham Safir. Ainsi, lorsque le nouveau PDG présente sa nouvelle stratégie aux deux actionnaires, la proposition d’augmenter le capital est rapidement approuvée.

« La raison est que les administrateurs qui représentent le Maroc et l’Arabie Saoudite sont bien placés au sein des deux Etats », explique Hicham Safir. A l’époque de la prise de décision, les trois administrateurs saoudiens étaient le vice-ministre des Finances, le directeur du budget saoudien et le patron du fonds souverain saoudien. Le Maroc était quant à lui représenté par la directrice du trésor Fouzia Zaaboul, le directeur du budget Faouzi Lakjaa et un adjoint de la direction du trésor. La décision a été entérinée lors d’une assemblée générale en 2016.

Immobilier : J’y suis, j’y reste

« Notre stratégie de croissance se base sur une diversification, mais en exploitant notre expertise », explique Hicham Safir. Il donne comme exemple l’expertise dans l’immobilier : « Au lieu de se limiter au résidentiel, Asma Invest peut très bien construire un centre commercial, ou une clinique. L’entreprise peut aussi vendre cette expertise, le MOD (Maître d’Ouvrage Délégué) on peut le rendre profitable comme service », détaille-t-il. « On a réussi à se construire une vraie réputation dans l’immobilier, et aujourd’hui beaucoup de partenaires veulent utiliser notre savoir-faire », continue le PDG. Hicham Safir rappelle aussi qu’avec le projet Ryad Anfa, Asma Invest a été pionnière dans le nouveau pôle urbain Casa Anfa, et développe un second projet : Occitania.

Une autre entreprise à avoir investi dans ce pôle urbain est Bouygues Immobilier avec le projet Les Faubourgs d’Anfa. En juillet dernier, le groupe français a décidé de quitter le Maroc. Raison évoquée : « Le marché de l’immobilier est devenu restreint au Maroc. Comme il n’y a pas de visibilité, et que le marché reste tendu, Bouygues Immobilier a décidé de quitter le Maroc », nous expliquait Ali Bencheqroun, directeur général de Bymaro et directeur de Bouygues Bâtiment International pour l’Afrique et le Moyen-Orient.

Hicham Safir ne partage pas cette analyse. « Effectivement, ce n’est pas la grosse vague qu’on a connu début des années 2000. Mais ce n’est pas la crise non plus, il y a encore des opportunités », nous dit le PDG. Pour lui, il s’agit plus d’une autorégulation entre l’offre et la demande que d’une crise ou une stagnation. « Lorsque vous regardez les statistiques, c’est le même nombre d’unités vendus, et ça croît même un petit peu, les mises en chantier aussi, les ventes de terrain aussi. La machine ne s’est pas arrêtée, elle a changé de nature », analyse-t-il. Pour lui, il faut viser particulièrement la classe moyenne pour laquelle la demande n’est pas encore satisfaite. « Dans le projet Ryad Anfa, la moitié des logements était destinée à cette classe avec un prix fixe d’1,33 million de dirhams. Pour le prochain projet situé à côté du Club Alpin Français de Casablanca, 60% des appartements seront destinés à cette catégorie », annonce-t-il.

Accompagner le PMV

L’autre secteur à développer est l’agriculture, un secteur qui représente actuellement 25% du portefeuille d’Asma Invest. « Dans le cadre du plan Maroc Vert, nous avons loué des fermes appartenant à l’Etat via l’Agence pour le Développement Agricole (ADA). Nous faisons de la grenadine, de la figue, de l’olivier, des agrumes. L’idée est de grandir encore dans la production, mais surtout investir dans l’aval », explique Hicham Safir. Le PDG veut ainsi investir dans des unités de conditionnement et de transformation.

L’entreprise maroco-saoudienne est aussi en train de développer un agropole de 400 hectares dans les environs de Beni Mellal. « Cette zone est développée en terme d’agriculture, mais il y a un manque d’infrastructure pour l’aval », constate le PDG. Asma Invest a déjà deux zones industrielles à son actif, dont Sapino (Société D’Aménagement Du Parc Industriel De Nouaceur) dans les environs de Casablanca et Tanger Med Zones (TMZ) dans laquelle l’entreprise est actionnaires aux côtés de TMSA (actionnaire de référence), BMCE Bank, Attijariwafa Bank, CIMR et RMA.

Cependant, dans sa nouvelle stratégie Asma Invest ne veut pas accroitre ses investissements dans le tourisme. « Pour un institutionnel, il y’a pas d’incitation réel à être présent dans ce secteur », déplore notre interlocuteur.

Secteurs défensifs

Les deux nouveaux secteurs dans lesquelles l’entreprise maroco-saoudienne souhaite se lancer sont « les infrastructures soft » comme la santé et l’éducation. « Aujourd’hui, l’éducation et la santé représentent moins de 3 % de notre portefeuille, on voudrait la porter à 10 ou 15 % à moyen et long terme », nous explique Hicham Safir. « La plupart des cliniques sont concentrés dans l’axe Casablanca-Rabat. Nous voulons trouver des gens ayant l’expertise dans ce domaine, apporter le capital et s’installer dans des villes moyennes comme Fès, Meknès et Oujda », nous explique-t-il. « Nous ne serons pas nécessairement dans l’acte médical. On peut construire des laboratoires ou des centres d’IRM », continue-t-il. Dans la santé et l’éducation, Asma Invest veut profiter de son expertise dans l’immobilier pour construire des cliniques ou des écoles et les louer.

D’ailleurs, Hicham Safir est particulièrement intéressé par les OPCI. « On va développer ce créneau chez nous, mais en profitant de notre expertise financière, combiné à notre métier de base qui est l’immobilier », nous explique le PDG. « On est en train de monter le lego, et il y’a des choses qu’il faut ajouter, comme faire des recrutements », nous annonce Hicham Safir.

Pourquoi avoir choisi ces secteurs ? Pour le PDG, tout cela obéit à une logique : « Dans des pays émergents, il y a une forte croissance démographique et un retard dans l’infrastructure. Et donc l’immobilier, l’agriculture, l’éducation et la santé sont des secteurs défensifs dans lesquelles la croissance va rester stable. »