Pesticides dans le thé : Les nouvelles normes de l’ONSSA font craindre une pénurie pour l'Aid

De nouvelles normes plus restrictives sur la présence de pesticides dans le thé sont entrées en vigueur au 1er juillet. Une bonne nouvelle a priori pour les consommateurs. Sauf qu’en absence de concertation avec les importateurs, ces derniers se retrouvent coincés entre l’inflexibilité de l’ONSSA et la pression économique de leurs fournisseurs chinois. Conséquences : les prix pourraient flamber, voire les rayons se tarir. 

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Une norme de l'ONSSA qui est impossible à respecter pour les exportateurs chinois. Crédit: DR

Un an après une enquête de TelQuel démontrant que la quasi-totalité des thés commercialisés au Maroc contenaient des pesticides à des niveaux qui les rendraient inconsommables en Europe, le quotidien Al Akhbar publiait le 25 mars une note de l’ONSSA adressée aux importateurs.  Celle-ci les informait de l’entrée en vigueur au 1er juillet de nouvelles normes plus restrictives sur les limites maximales des résidus (LMR) de pesticides.

« Cette norme mettra du temps à se mettre en place. Il faudra plusieurs années avant que l’intégralité de la chaîne se conforme aux règles. On ne décide pas ça du jour au lendemain. L’ONSSA devra soit annuler, soit repousser l’entrée en vigueur de ces restrictions, » prédisait alors un professionnel du thé sous couvert d’anonymat. Et pourtant… elle est passée. La nouvelle norme est bien en vigueur depuis quelques jours.

Comme rapporté par TelQuel, le Maroc ne se basait jusque là que sur le Codex Alimentarius (référentiel générique de l’Organisation mondiale du commerce, ndlr) ainsi que sur les normes du pays d’importation, la Chine, laxistes comparées aux normes européennes. Or, cette mise en conformité imposée par l’ONSSA est, selon un industriel contacté par TelQuel, « encore plus drastique que les normes européennes ». Comment les importateurs ont-ils pu s’adapter aussi rapidement ?

Ombres chinoises

Effet domino oblige, la mise en œuvre des nouvelles normes de l’ONSSA se répercute jusque dans les cultures de feuilles de thé en Chine. En effet, 99 % du thé consommé au Maroc provient de Chine et le Maroc représente le premier marché d’exportation du thé chinois, captant chaque année 21 % des 365 000 tonnes de thé exportées par l’empire du Milieu.

Aussitôt informés de la nouvelle réglementation, les importateurs marocains, regroupés au sein de l’Association des professionnels du thé au Maroc (APTM), s’étaient rendus en Chine pour négocier avec leurs fournisseurs parfois exclusifs. « Il y a eu deux congrès. Le premier du 17 au 20 mars et le second du 21 au 24 mars en présence des plus gros industriels du secteur. Ils ont essayé de renégocier leurs importations, car ces dernières se font sur des récoltes des trois années antérieures, » nous confiait alors une source du secteur. Selon un autre interlocuteur, les négociations n’avaient pas commencé sous les meilleurs auspices. « Le marché marocain et ses 70 000 tonnes par an, les Chinois n’en ont que faire. Et c’est d’ailleurs le langage qu’ils nous tiennent : ”Si vous n’êtes pas satisfaits avec nos normes, allez les trouver ailleurs !” », nous explique-t-on.

Rupture de stock…

Les importateurs marocains sont-ils finalement parvenus à convaincre leurs fournisseurs chinois ? Alors que les nouvelles normes sont en vigueur depuis quelques jours, la situation reste encore floue. TelQuel a contacté de nombreux industriels du thé au Maroc. Un seul a bien voulu répondre à nos questions, sous couvert d’anonymat. « Aujourd’hui encore, nous sommes dans le flou. En attendant que ce soit plus clair, nous avons cessé d’importer du thé depuis le 1er juillet, car nous ne voulons pas être hors-la-loi. Nous ne savons toujours pas quel changement cette loi va impliquer, » explique-t-il.

Il poursuit : « Comme tous les industriels, nous avons des stocks, mais ils s’amenuisent de jour en jour. Or, nous arrivons à un pic de consommation qui sera atteint lors de l’Aïd El Kebir et qui mettra à mal nos réserves ».

Ce stock, comme l’indique notre interlocuteur, est négocié et commandé plusieurs saisons à l’avance. Qu’adviendra-t-il lorsqu’il sera épuisé ? La question reste entière. Comme un témoignage de ce malaise, l’Association des industriels de thé au Maroc, n’a pas donné suite aux sollicitations répétées de TelQuel.

… ou hausse des prix

C’est que la situation semble en effet inextricable : « La Chine ne pourra jamais produire ce dont a besoin le Maroc en respectant ces normes-là. Il faudra probablement 4 ou 5 ans pour pouvoir le faire. Ces normes sont encore plus restrictives que celles appliquées dans l’Union européenne. C’est comme si demandait à nos fournisseurs chinois de faire un produit bio pour plus de 30 millions de consommateurs du jour au lendemain, » explique un importateur marocain.

Pragmatiques, des fournisseurs chinois auraient tout de même fini par faire une offre. « Nos producteurs nous ont demandé des prix bien supérieurs à ce qui est appliqué aujourd’hui. Ce qu’ils nous demandent comme prix va au-delà de ce qui est pratiqué en Europe. Le prix du produit fini répondant aux nouvelles normes connaîtra forcément une hausse de prix substantielle et c’est le consommateur qui en subira le plus les conséquences, » explique notre source.

En soulevant la menace d’une hausse des prix et le risque d’une rupture de stock, les importateurs pourraient tenir là des arguments pour renégocier des normes avec l’ONSSA. Aussi bien l’APTM que l’ONSSA ont choisit de garder le silence laissant entendre que des négociations pourraient avoir lieu, ou bien que la situation pourrait tourner au blocage. 3adi oula mssouss ?