Ce 2 juillet, l’espagnol est la langue principale dans les couloirs du Hyatt Regency de Casablanca. Nous suivons une trentaine de représentants d’entreprises espagnoles qui rejoignent la salle de conférence où doit se tenir l’inauguration du forum d’investissement et d’affaires Maroc-Espagne. Au total, près de 300 personnes assistent à la conférence. Objectif du forum : mettre en évidence et contribuer au renforcement des relations commerciales entre les deux pays, avec un accent particulier mis sur l’investissement. L’événement est organisé par le ministère marocain de l’Industrie, le secrétariat d’État espagnol au Commerce, ainsi que les confédérations patronales des deux pays. Une volonté de coopération orientée purement business.
Ce forum s’inscrit ainsi dans la lignée de la précédente visite du roi d’Espagne au Maroc en février dernier. Josep Borrell, le ministre des affaires étrangères espagnol, avait affirmé à cette occasion que plusieurs axes de coopérations “notamment en matière d’industries innovantes porteuses de valeur ajoutée” pouvaient prendre forme.
“Il y a environ 1.000 entreprises espagnoles au Maroc. Cela pourrait être nettement supérieur, car l’Espagne est l’un des pays européens qui réalisent le plus d’investissements à l’étranger. Parfois, le pays investit en Asie, en Amérique latine, à 10.000 ou 15.000 kilomètres de Madrid… Il faudrait qu’il se souvienne aussi qu’il se trouve à 14 kilomètres du Maroc et qu’il est le bienvenu”, a relevé Mohamed Sajid, ministre marocain du Tourisme lors de son discours inaugural, sous les applaudissements de l’audience.
L’Espagne est le partenaire commercial numéro un du Maroc depuis 2012. Il est aussi le premier fournisseur et le premier client du Maroc sur les marchés internationaux. En 2018, les échanges entre les deux pays ont atteint près de 161 milliards de dirhams. Le volume commercial de ces échanges a été multiplié par deux au cours des six dernières années.
Le forum qui s’est ouvert ce mardi dans la capitale économique du Maroc a donné lieu à des séances plénières pour mieux cerner les obstacles à franchir pour faciliter la coopération entre les deux pays. Lors de la première séance, Lamia Merzouki, directrice adjointe de Casablanca Finance City (CFC), n’a pas manqué l’occasion de promouvoir le hub casablancais, présenté comme une porte d’entrée sur l’Afrique. “Concernant les atouts intrinsèques, je pense que la stabilité politique, macroéconomique, la qualité de nos infrastructures, la connectivité aérienne font de Casablanca le hub numéro 1 entre l’Europe et l’Afrique. Pour ce qui est de CFC, c’est de faire de Casablanca la capitale africaine des affaires”, explique-t-elle, dans un discours convenu.
Puis de sortir des sentiers battus : “Nous sommes un peu frustrés chez CFC de voir qu’il n’y a que deux entreprises espagnoles au sein de notre organisation. Nous avons plus d’entreprises japonaises qui sont enregistrées chez nous. C’est complètement illogique étant donné la distance qui nous sépare, alors que rejoindre CFC, c’est rejoindre une communauté influente et bénéficier de facilité business sans précédent. Je pense qu’il y a trop peu d’ambitions de la part des sociétés espagnoles”.
De son côté, Xavier Reille, directeur Maghreb de la Société financière internationale (SFI) du groupe Banque Mondiale, se réjouit des perspectives d’investissements pour les entreprises espagnoles au Maroc. “C’est maintenant qu’il faut libérer le Maroc et accompagner le secteur privé. Il y a un capital humain fort et des besoins d’investissements pour les infrastructures et la santé”, annonce-t-il.
L’Espagne enthousiaste, mais sur ses gardes
L’agence de presse espagnole EFE rapportait après l’inauguration du Forum que “des sources proches du secteur de l’investissement au Maroc ont reconnu qu’il existait d’autres problèmes qui n’avaient pas été discutés ouvertement dans le forum, tels que les retards de paiement (…) Ils peuvent constituer des obstacles à l’action des entreprises.”
En outre, les grands projets d’investissements espagnols n’ont pas été dirigés vers le Maroc lors des dernières années. La ministre espagnole de l’Industrie et du Commerce a ainsi rappelé lors du forum que “le volume total des échanges s’élevait à 15 milliards d’euros en 2018, mais les investissements sont loin de ces chiffres”.
La raison ? Une “préférence française” concernant les grands projets industriels du Maroc, selon des sources d’EFE. L’agence espagnole en veut pour preuve la ligne de train à grande vitesse Rabat-Tanger, ou encore les usines de montage automobiles de Renault et Peugeot. EFE souligne aussi le fait que “l’Espagne n’a pas démontré suffisamment de force financière pour financer ces grands chantiers, telles que les parcs solaires”. La ministre Maria Reyes Maroto a aussi reconnu que ces facteurs ont joué un rôle dans le ralentissement des investissements espagnols au Maroc.