Hammad Kassal, la démission de trop ?

Le président de la commission des délais de paiement au sein de la CGEM Hammad Kassal a déposé sa démission le 20 juin dernier, sur fonds de conflit avec le président  Salaheddine Mezouar.

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Cher monsieur le président de la CGEM, je vous prie de bien trouver ci-joint ma lettre de démission du poste de président de la commission des délais de paiement et des instances de la CGEM. » Cette missive a été envoyée le 20 juin par Hammad Kassal à Salaheddine Mezouar. Pour toute réponse, ce dernier envoie le soir-même un SMS à Kassal : « On ne démissionne pas sur un coup de tête mon ami. On en parlera. Amitiés. »

« J’ai attendu qu’il me parle vendredi, il ne m’a pas parlé. J’ai attendu qu’il me parle samedi, qu’il me parle dimanche, qu’il me parle lundi. Mardi, j’ai décidé de partir », nous raconte le démissionnaire. Alors que cela fait un an que Salaheddine Mezouar a pris les rênes de la CGEM, les signes de fissures au sein de la confédération patronale se multiplient.

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Ce qui a causé le départ de Hammad Kassal, c’est le dossier épineux des délais de paiement. « L’Etat a fait un effort considérable dans ce dossier. Reste le problème interentreprises », nous dit l’ancien président de la commission délais de paiement. Pour le wali de Bank Al-Maghrib Abdellatif Jouahri, cette dette est une vraie bombe à retardement : elle se chiffre à 400 milliards de dirhams, soit près de 40% du PIB. « Aujourd’hui, les grandes entreprises bouffent les petites. J’avais fait appel à l’Etat pour qu’il intervienne en tant que régulateur pour nous aider à mettre en place un certain nombre de sanctions, parmi lesquelles l’interdiction d’accès aux commandes publiques pour les entreprises qui ne paient pas à temps, interdiction de recevoir des subventions de l’Etat, mettre en place les mêmes mesures que l’interdiction des chèques pour les effets de commerce », énumère Hammad Kassal. Mais rien ne sera fait en ce sens. Selon Kassal, « il y a eu du lobbying, il y a eu des gens qui nous appellent en nous disant qu’on ne peut pas aller trop vite, comme les grandes entreprises dans le BTP », révèle-t-il.

La “politisation” des patrons

La goutte qui a fait déborder le vase, c’est l’observatoire des délais de paiement. Lancé en juillet 2018, cet organisme qui a pour mission d’effectuer des analyses et des études des délais de paiement a tenu sa seconde réunion le 24 juin. Pour représenter l’organisation patronale au sein de l’observatoire, Salaheddine Mezouar a désigné non pas le président de la commission délais de paiement, mais un trio composé de Khalid Ayouch, PDG d’Inforisk, Abdelkader Boukhriss, expert comptable, et Salah Eddine Kadmiri, PDG de Schiele Maroc.

Hammad Kassal se dit aussi victime de censure de la part des dirigeants de la CGEM : « A chaque fois que je voulais faire des interventions, ils voulaient voir avant ce que j’allais dire. Pour la réunion sur le financement de l’entreprise avec le président du GPBM Othman Benjelloun et le wali de la BAM Abdellatif Jouahri, c’est moi qui devais faire l’intervention. Ils ont charcuté mon discours, ils se sont réunis pendant trois heures et n’ont fait aucune pression sur les banques ou les grandes entreprises », s’indigne notre interlocuteur.

« J’ai milité à la CGEM depuis 1995, je n’ai jamais utilisé la CGEM pour mes intérêts personnels. Or, aujourd’hui, la CGEM est devenu un grand cabinet de consulting, il n y’a plus d’industriels, ni d’entrepreneurs. En plus, il n’y a pas de visibilité. Le conseil d’administration compte 124 personnes, c’est pratiquement le parlement de la catalogne. Aujourd’hui, on n’avance plus. Une année après, on cherche à nommer des personnes. On a 32 ou 34 commissions aujourd’hui », nous dit Hammad Kassal qui avait annoncé sa candidature à la tête de la CGEM l’an dernier, avant de se rallier à Salaheddine Mezouar. Avant de continuer : « Que la CGEM soit à la deuxième chambre, ça a perturbé l’organisation. Les membres de la CGEM a la deuxième chambre commencent à faire compagne pour les prochaines élections, ils ne s’intéressent qu’au renouvellement de leur mandat. On a oublié qu’on ne fait pas de la politique au sein de la CGEM. »

« On a vraiment vidé la CGEM de son âme, qui est de défendre l’entreprise, d’être un contre-pouvoir au gouvernement avec des propositions sérieuses », conclut notre interlocuteur.