C’est sans surprise que Mohmed Ould Ghazouani a été élu président de la République islamique de Mauritanie le 22 juin. L’ancien général s’est déclaré vainqueur avant ses concurrents sur la base des résultats issus de 80% des bureaux de vote de ce pays d’un peu plus de quatre millions d’habitants. Si sa victoire a été confirmée par la Commission nationale électorale indépendante (CENI) plus tard dans la soirée du 22 juin, les représentants des quatre partis de l’opposition ont contesté les résultats qui donnent ce proche du désormais ex-président Ould Abdelaziz vainqueur avec 52% des suffrages.
“Le pouvoir a perdu la bataille électorale”, a affirmé le candidat et militant anti-esclavagiste Biram Ould Dah Ould Abeid lors d’une conférence de presse conjointe des quatre candidats de l’opposition, qui se sont engagés avant le vote à se soutenir en cas de second tour le 6 juillet. L’ancien Premier ministre Sidi Mohamed Ould Boubacar a dénoncé de “multiples irrégularités” qui selon lui “ôtent toute crédibilité” à cette élection.
“Nous rejetons les résultats de ce scrutin et nous considérons qu’ils n’expriment nullement la volonté du peuple mauritanien”, a-t-il dit, exigeant leur publication par la CENI “bureau par bureau”. Ould Abeid a également appelé les Mauritaniens à “résister dans les limites de la loi à ce énième coup d’Etat contre la volonté du peuple”. Les formations de l’opposition se sont également engagées à mener des manifestations “pacifiques” dès ce 24 juin. De son côté, l’ONU a félicité les Mauritaniens “pour la tenue d’une élection paisible” tout en appelant à la résolution de “tout litige éventuel” par la justice.
Homme de l’ombre
Mais qui est donc le nouveau locataire du palais présidentiel de Nouakchott? C’est dans l’ombre du président sortant, Mohamed Ould Abdelaziz, que Mohamed Cheikh Ghazouani a évolué. Les deux hommes se côtoient depuis les années 1980. Ils ont fréquenté tous les deux l’Académie militaire de Meknès. C’est ensemble qu’ils ont également mené, en 2009, le coup d’État contre Mohamed Ould Taya qui installa Ould Abdelaziz au pouvoir.
Sous la houlette de son alter ego, Cheikh Ghazouani servira tour à tour en tant que chef d’Etat-major de l’armée, puis ministre de la Défense. Il se murmure à Nouakchott que c’est lui qui a officieusement dirigé la Mauritanie lorsqu’Ould Abdelaziz était en convalescence à Paris après un accident en 2012. Lors du dernier meeting d’une campagne menée sous les thèmes de la continuité, de la solidarité et de la sécurité, Mohamed Ould Abdelaziz est personnellement venu encourager son désormais successeur en déclarant que tout autre choix constituerait “un retour en arrière”.
Des perspectives de développement
Ghazouani hérite d’un pays où de nombreuses réformes ont été initiées par son prédécesseur. On pense notamment aux nouvelles couleurs du drapeau mauritanien, ou encore aux conseils régionaux introduits suite à un référendum durant lequel 85,7% des votants ont approuvé la proposition de l’Etat. Durant le mandat d’Ould Abdelaziz, le voisin du Sud a également procédé à une véritable réforme de son économie symbolisée par le lancement à la fin de l’année 2017 de l’ouguiya, la nouvelle monnaie nationale. Un lancement qui s’est accompagné d’une augmentation du taux de bancarisation.
L’économie mauritanienne pourrait également bénéficier des perspectives qu’offre la découverte du gisement gazier de la Grande Tortue Ahmeyin (GTA) au large des côtes mauritaniennes. Situé à cheval sur les eaux territoriales mauritaniennes et sénégalaises, le site recèle un potentiel de 1.400 milliards de mètres cubes, un chiffre qui équivaut à sept fois la production annuelle actuelle de l’Afrique. Ce mégagisement, dont l’entrée en production est prévue à l’horizon 2021, pourrait contribuer au PIB mauritanien à hauteur d’un milliard de dollars par an en moyenne durant les 30 années d’exploitation.
Une somme qui ne prend pas en compte les retombées indirectes du gisement, et qui permettrait de doubler le budget de l’Etat. En 2018, l’économie mauritanienne a connu une croissance de 3,6% selon la Banque mondiale. Selon les prévisions de l’institution de Bretton Woods, ce chiffre pourrait atteindre les 6,2% durant la période 2019-2021.
Un rôle dans l’échiquier régional
Le futur président mauritanien, qui rentrera dans ses nouvelles fonctions au mois d’août prochain, hérite également d’un pays appelé à jouer un rôle de plus en plus important sur l’échiquier régional. La Mauritanie fait en effet partie, au même titre que le Maroc, l’Algérie et le Polisario, des quatre acteurs invités à participer aux deux éditions des tables rondes sur le Sahara qui se sont tenues en Suisse sous l’égide de l’ONU.
Avant la tenue de ces discussions, et après la première table ronde, la Mauritanie et le Maroc s’étaient rapprochés à la faveur de visites échangées de représentants des deux chefs d’Etat. La plus récente est celle de Nizar Baraka, secrétaire général de l’Istiqlal, qui s’était rendu au mois de mars dernier pour remettre un message royal au président Abdel Aziz.
Actuellement, le Maroc est le premier investisseur africain en Mauritanie où les entreprises marocaines opèrent notamment dans les secteurs des télécommunications, le secteur bancaire la distribution du gaz ou encore la transformation des produits de la pêche. Les échanges commerciaux entre les deux pays sont estimés à 203 millions de dollars, mais la balance commerciale penche très largement en faveur du Maroc (200 millions de dollars d’exportation marocaine vers la Mauritanie contre 3 millions de dollars d’exportation mauritanienne vers le Royaume).
Sur la scène continentale, Nouakchott avait appuyé le retour du Maroc au sein de l’Union africaine au mois de janvier 2017. Un an plus tard, la Mauritanie a, selon la diplomatie marocaine, soutenu la candidature du Royaume au Conseil paix et sécurité de l’organisation panafricaine. Plus récemment, la Mauritanie, qui reconnait la RASD, a soutenu la candidature marocaine à l’organisation du Mondial 2026.
Avec agences