Boycott des examens de médecine: Impuissant, Amzazi menace de redoublement

Le 10 juin, lors des examens de médecine, aucun étudiant n'a rendu sa copie selon la Commission nationale des étudiants en médecine (CNEM). Un boycott respecté à 100% et qui soulève de nouvelles questions dans leur bras de fer avec les ministères de la Santé et de l'Education.

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Les ministres de la Santé Anass Doukkali et de l'Education Saaid Amzazi, fin mai à Rabat. Crédit: Rachid Tniouni / TelQuel

Les différentes facultés de médecine du Royaume devaient accueillir à partir du 10 juin les examens de fin d’année. Mais après plusieurs semaines de tourmente et de négociations avortées avec les ministères de l’Education et de la Santé, la Commission nationale des étudiants en médecine (CNEM) a annoncé hier que le boycott qui menaçait les examens avait été suivi à 100%. En pharmacie, en médecine dentaire ou en médecine générale, les étudiants de la 1re à la 6e année ont décidé de ne pas se présenter devant leurs copies.

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Premièrement, le taux de boycotteurs n’est pas de 100%. Les étudiants étrangers et les médecins militaires ont passé leurs examens dans les meilleures conditions possibles”, nous affirme cependant Saaid Amzazi, ministre de l’Education.

Historique du blocage

Ce boycott s’inscrit dans la continuité du mouvement de contestation des étudiants, marqué par une grève entamée le 25 mars. Les deux ministères de tutelle affirment que sur les 16 revendications des étudiants, 14 ont obtenu une suite favorable. Restent donc deux point de discordes. Le premier concerne “la suppression de la 6e année d’études en médecine dentaire jusqu’à ce que les conditions de formation durant cette dernière année soient dévoilées”. La CNEM dénonce à ce niveau le manque de structures hospitalières pour la bonne formation des étudiants en 6e année en médecine dentaire.

De son côté, le ministre de l’Education déclare que “la revendication initiale était la suppression de la 6e année. Ensuite, ils ont réclamé un moratoire où ils demandaient que les conditions de l’encadrement et d’organisation puissent être assurées. Nous avons éclairci ce point en signant une convention avec l’ordre des médecins dentistes pour qu’ils puissent les accueillir au second semestre. Nous avons renforcé ces centres hospitaliers par un certain nombre de fauteuils pour pouvoir encadrer les étudiants dans les meilleures conditions”.

Deuxième point de discorde entre l’Exécutif et les étudiants grévistes : l’accès des étudiants des universités privées au concours du résidanat dans les structures publiques. Pour Hamza Karmane, membre de la CNEM-Rabat, “ce qui est étonnant sur ce point, c’est que le ministre disait au début que c’était une revendication anticonstitutionnelle et illégale. Mais dans le dernier communiqué, ils ont quand même cherché à trouver une solution au problème du résidanat. Ce qui démontre que ce n’est plus une revendication illégale”.

Saaid Amzazi rétorque : “Concernant le concours de résidanat ouvert aux étudiants du privé, la position du gouvernement est ferme et ne changera pas. Je tiens à souligner que les établissements privés ouvrent chaque année des concours de résidanat. Ils ont ouvert 100 postes, pris par les étudiants du public”. En effet, la première promotion des étudiants du privé (2015) n’est pas encore arrivée au stade du résidanat dont le concours se passe à l’issue de la 7e année. “Nous étions à 500 postes de résidents il y a 2 ans, nous serons à 1.400 en 2019. Vous imaginez ? Tous ces efforts-là, et on parle d’une privatisation du secteur de la santé ?”, fulmine le ministre.

Le dossier revendicatif des étudiants en médecine est composé de 16 points, nous avons répondu favorablement à 14 points à travers le projet d’accord, et nous nous sommes engagés à les exécuter”, poursuit Saaid Amzazi.

Mais les étudiants ne l’entendent pas tout à fait de cette oreille. Hamza Karmane, s’explique: “Il y a un jeu très malsain de la part des ministres concernant les chiffres. A la base, nos revendications ne tenaient pas sur des points. C’est le gouvernement qui les a listés comme tel. Il faut aussi rappeler que la majorité de ces points ne concernent pas de nouveaux acquis, mais d’anciennes promesses non tenues datant de 2015”.

Quid de l’avenir des étudiants concernés ?

Désormais, la question se pose concernant le futur proche de ces étudiants boycotteurs. Vont-ils redoubler ? Si oui, le système peut-il absorber un tel taux de redoublement ou cela va-t-il entraîner une réaction en chaîne sur les promotions à venir ? Un examen de rattrapage sera-t-il proposé ? Si, oui, les étudiants ont-ils l’intention de s’y rendre ?

Dans la semaine précédant le début des examens, le ministre de l’Education, qui balayait l’éventualité d’une année blanche, assurait que les boycotteurs seraient considérés comme redoublants. “L’examen aura bien lieu le 10 juin, ceux qui ne le passeront pas redoubleront”, nous déclarait-il

Si tous les étudiants marocains en pharmacie, médecine dentaire et médecine générale redoublent… Je ne crois pas que ce soit cela le sérieux et la gestion de crise attendue d’un ministre”commente Hamza Karmane.

Saaid Amzazi nous explique le déroulé des évènements à suivre : “nous allons appliquer le processus comme il se doit. A savoir continuer les examens jusqu’aux dates prévues lors de cette session et puis annoncer la session de rattrapage et appliquer les règles du redoublement pour ceux qui seront concernés”, rappelle fermement le ministre. Et Hamza Karmane, l’assure, le boycott devrait bel et bien être tenu jusqu’à la fin de cette session d’examen.

Pour le ministre, une minorité d’étudiants “menacerait” le reste des étudiants en instaurant un climat délétère. “Les professeurs sont venus pour surveiller et les étudiants ne sont pas venus. Ils sont sous l’emprise d’un groupe qui les menace, les agresse, les harcèle ! Nous estimons que ce n’est plus du ressors du pédagogique, mais bel et bien du politique”, martèle Saaid Amzazi.

Un professeur à l’hôpital universitaire Ibn Rochd de Casablanca, contacté par nos soins, contredit cette affirmation. “Nous soutenons nos étudiants, car je pense qu’il y a des éléments qui sont justifiés. Nous avons fait un communiqué à travers le Syndicat national des enseignants du supérieur (SNESUP), adressé aux ministères de tutelle, et dans lequel nous avons demandé le report des dates d’examen. Si aucune solution n’est trouvée dans les 3 semaines, je crains franchement que l’on se dirige vers une année blanche”, déplore notre source.

Interrogé sur l’absence de communiqué ou de réaction publique de son département depuis le boycott, Saaid Amzazi a cette réponse qui résume tout le casse-tête de la situation : “Mais que voulez-vous que l’on fasse ? Ils ne se sont pas présentés, que voulez-vous que l’on fasse ?”.