La France, premier pollueur au plastique en Méditerranée

Dans un rapport publié le 7 juin de l’ONG pro environnementale WWF, la gestion des déchets plastiques des vingt-deux pays du pourtour méditerranéen a été passée en crible. Si tous doivent revoir leur management de la question des déchets, le haut du podium est occupé par la France.

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Un déchet plastique au large des côtes méditerranéennes françaises. Crédit: VALERY HACHE / AFP

Le navire WWF tire les feux de détresse. Son rapport intitulé « Stoppons le torrent de plastique : comment les pays méditerranéens peuvent sauver leur mer » constate le problème de gestion de déchets plastiques en Méditerranée. Il alarme aussi sur les conséquences écologiques et économiques de cette pollution ; et appelle à une convergence de lutte anti-déchets en s’adressant directement aux décideurs politiques méditerranéens.

La région méditerranéenne est la quatrième productrice mondiale de produits en plastiques. « Plus d’un demi million de tonnes de plastique s’enfonce chaque année dans la Méditerranée, soit l’équivalent de 33.800 bouteilles en plastique jetées dans la mer toutes les minutes. Si rien n’est fait, ce chiffre pourrait quadrupler d’ici 2050 », explique le rapport de WWF.

Le cas de la France

Avec ses 4,5 millions de tonnes en 2016, la France s’impose comme première productrice de déchets plastiques de la région. Elle reste cependant derrière l’Italie et la Turquie quant à la production d’objets en plastique, avec 1,4% des produits en plastique dans le monde fabriqués dans l’Hexagone. Piètre palmarès pour la première économie méditerranéenne : si 98% du total des déchets plastiques français sont collectés, seulement 22% sont recyclés. Les 2% restant se « perdent dans la nature », qui croule sous ses quelque 80.000 tonnes de déchets plastiques dont 11.200 tonnes s’enfoncent dans la mer. Pour les 76% de déchets plastiques récoltés et non recyclés, près de 2 millions de tonnes sont incinérées et 1,6 million de tonnes enfouies, polluant l’air et le sol.

Infogramme extrait du rapport de WWF. L’Egypte et la Turquie déversent le plus de déchets directement dans la mer Méditerranée.Crédit: WWF

Les activités côtières représentent le plus gros de la production de déchets plastiques français. Les débris à la surface de l’eau couvrent environ 1.000 kilomètres carrés dans la baie de Marseille, 578 kilomètres carrés dans celle de Nice et 112 kilomètres carrés le long des côtes corses. Il faudrait pourtant parvenir à « zéro fuite dans la nature », indique à l’AFP Isabelle Autissier, présidente de WWF France.

Si la vie sous-marine est gravement affectée par cette pollution aux conséquences parfois irrémédiables, les sociétés aussi sont touchées : ingérant les produits de la mer, elles finissent par consommer le plastique. Au niveau économique, en France les secteurs du tourisme, du commerce maritime et de la pêche sont les premières victimes de la pollution plastique. Au total par les effets de cette pollution, la France perdrait 73 millions d’euros par an, et la Méditerrannée 641 millions d’euros.

Le cas du Maroc

« La gestion des déchets reste un challenge pour le Maroc : jusqu’à 60% des débris en plastique sont mal gérés », décrit le rapport. La côte méditerranéenne marocaine est plus petite que celle de la plupart des autres pays de la région, et pourtant le Maroc se situe au-dessus des moyennes journalière régionales de quantité de flux de déchets sur ses côtes. L’interdiction, sur le papier, des sacs plastiques non-biodégradables dès 2015, est aujourd’hui difficile à contrôler dans l’ensemble des points de vente. Le Maroc ne dispose en effet que de 14 décharges en fonctionnement, dont la majorité à capacité réduite (<100 mille tonnes / an). C’est bien en-dessous des prévisions du Programme National des Déchets Ménagers (PNDM), dont l’objectif est de construire 80 nouvelles décharges d’ici 2020. WWF note aussi le développement de ramasseurs de déchets clandestins qui collecteraient jusqu’à 5% de la production de déchets plastiques, et dont 10% seraient des enfants.

Comme pour la France, le tourisme, le commerce maritime et la pêche souffrent de cette pollution. Le rapport estime à 23 millions d’euros la perte économique due aux effets de la pollution plastique pour le Maroc. « Les autorités municipales dispose de moyens très limités quant à la gestion des déchets, ce qui conduit la majorité des municipalités à externaliser le processus vers des entreprises privées, rémunérées par contrats. »

Expédition Blue Panda : prévenir pour guérir

WWF Mediterranean Marine Initiative a lancé le 29 mai dernier un voilier dans la région méditerranéenne, qui effectuera onze escales dont une à Tanger du 14 au 18 novembre. Son but : sensibiliser la population à la beauté et la fragilité de l’environnement marin méditerranéen, afin de contrer sa pollution. Partie de Toulon, l’expédition Blue Panda devrait durer six mois et passer par la France, l’Italie, la Grèce, la Turquie, la Tunisie et le Maroc. « Il est essentiel de réduire la consommation de plastiques, mais il faut aussi que les industriels proposent autre chose », explique à l’AFP la présidente de WWF France. « Il faut qu’on collecte les déchets à la source, sur terre, dans les rivières ». La navigatrice Isabelle Autissier ne croit cependant pas aux solutions promettant de ramasser les plastiques dans les océans où ils atterrissent : « On ne va pas peigner la mer ».