Réuni le 2 mai, le Conseil de gouvernement a nommé Aziz Abdelali en tant que directeur à la tête de la Société nationale de commercialisation des semences (SONACOS). Si l’information est globalement passée inaperçue, dans le monde de l’agriculture les rumeurs vont bon train sur le départ de l’ancien patron de la SONACOS, Karim Rharrit. Décrié par une partie de la profession, l’homme a-t-il été sanctionné par Aziz Akhannouch, son ministre de tutelle ? C’est en tout cas ce qu’affirment plusieurs sources. D’autant que l’entreprise publique, “principal levier du Plan Maroc Vert” selon la Cour des comptes, est loin de briller par ses résultats. « C’est un poste de la fonction publique. Aucun poste n’est éternel. Puis c’est une décision qui revient au ministre. Moi, je suis prêt à servir mon pays quel que soit l’endroit », nous répond Karim Rharrit, qui était en poste depuis près de 10 ans. Mais encore ?
Rapport accablant de la Cour des comptes
Inscrite sur la liste des entreprises publiques privatisables, la SONACOS est de plus en plus sous le feu des projecteurs. Et pour cause : son activité, qui comprend la production, l’importation, la commercialisation et la distribution des semences, est censée être le cœur battant du Plan Maroc Vert.
En août dernier, les magistrats de la Cour des comptes ont dépeint un tableau peu reluisant de la société. « Pour l’orge, bien que les superficies emblavées aient triplé, le taux d’utilisation des semences certifiées de l’orge ne dépasse pas 2 % contre 29 % prévu par le PMV à l’horizon 2020 », révèle le rapport de l’institution dirigée par Driss Jettou, qui s’étend sur six campagnes allant de 2010 à 2016. Autre constat, non moins accablant : « La SONACOS a inscrit dans sa stratégie la multiplication des semences des oléagineuses et la production locale des plants certifiés de pomme de terre en tant que mission de service public. Toutefois, il a été constaté, sur les six campagnes sous revue, que leurs productions ne sont pas encore entamées ».
Facturations indues
La Cour des comptes a aussi dévoilé au grand jour une taxe perçue sans raison par la SONACOS. « La SONACOS continue de facturer sans droit depuis 2014, en sus du prix d’achat des semences, une taxe de 2,5 DH/ha aux multiplicateurs, établie, depuis 1977, pour payer les frais de contrôle des semences et ce, malgré la mise en place de nouvelles décisions concernant le paiement des frais de contrôle à l’ONSSA. Le montant recouvré, concernant les campagnes 2014-2015 et 2015- 2016, est à hauteur de 271 642 DH », calculent les magistrats de la Cour des comptes, précisant que la société « s’est abstenue, depuis 2001, de verser au budget général de l’Etat le montant recouvré au titre de cette taxe qui est de l’ordre de 1 422 475,5 DH concernant les campagnes allant de 2001-2002 à 2015-2016 ». Pour autant, l’agriculture était la grande absente des Assises de la fiscalité les 3 et 4 mai à Skhirat.
Autre constat : l’entreprise publique a recouvré aussi 2 millions de dirhams qu’elle devait reverser à l’Association marocaine des multiplicateurs des semences (AMMS), violant ainsi un accord préalable. « Par ailleurs, la convention à la base du 11 août 2009, instituant cet engagement pour une durée de cinq ans, n’est plus en vigueur, et ce depuis août 2014. De ce fait, la SONACOS continue à recouvrer ces montants sans aucune base contractuelle », poursuit le rapport
Le ver est dans le fruit
8 %, c’est la baisse qu’avait enregistrée le chiffre d’affaires en 2015-2016. « La vente des semences des céréales d’automne, soutenue par une subvention de l’Etat, constitue la principale composante du chiffre d’affaires de la SONACOS, avec une part fluctuante entre 54% et 63% durant les six campagnes sous revue », explique le document.
Autre indicateur : « L’évolution de l’Excédent Brut d’Exploitation (EBE) a été marquée par deux importantes baisses de -39% en 2011-2012 par rapport à 2010-2011 et de -57% en 2014-2015 par rapport à 2013- 2014 ». Des résultats constamment en baisse malgré une subvention de 1,6 milliard de dirhams à l’utilisation des semences certifiées des céréales d’automne et une prime de stockage de 55,8 millions de dirhams entre 2009 et 2016.
Ce qui fait dire aux magistrats de la Cour : la société « en tant que société d’Etat, est censée rémunérer l’Etat-actionnaire. Cependant, la SONACOS, ne génère qu’un résultat net déficitaire qui était de -14 MDH et de -18 MDH au titre de 2014-2015 et 2015-2016. »