Annoncé en fuite, et prétendument interpellé par les services de sécurité algériens, l’ancien ministre de la Justice algérien, Tayeb Louh, a montré qu’il n’en était rien. L’ex-garde des Sceaux a fait une apparition remarquée ce samedi au siège du Front de libération nationale (FLN) où il était entouré de journalistes, sans dire un seul mot. Plus tôt dans l’après-midi, il s’était filmé à bord de son véhicule en train de sillonner les rues d’Alger, avant de diffuser la vidéo sur les réseaux sociaux. Une manière de démentir, par sa présence et en silence, les récentes rumeurs dont il a fait l’objet sur une supposée fuite vers le Maroc. Des rumeurs devenues virales de part et d’autre de la frontière.
Fuite et fin
C’est d’abord le journal Le Temps d’Algérie qui, dans son édition du vendredi 5 avril, annonce l’interpellation de l’ancien ministre de la Justice près de la frontière marocaine. Ce dernier aurait tenté de rallier clandestinement le Royaume en compagnie d’un colonel de l’armée et d’un ex-député, Mohamed Benhamou. Le quotidien francophone expliquait également qu’une importante somme a été retrouvée, émanant notamment de la vente d’une des villas de Tayeb Louh, pour une somme de “47 milliards de centimes de dinars”.
Selon la même source, les trois hommes se seraient réfugiés pendant plusieurs jours, à Msirda, un village près de la frontière, avant de tenter de payer des passeurs pour organiser leur fuite au Maroc. Rapidement mis au courant, les services de sécurité algériens auraient coupé court à la fuite, en organisant une embuscade contre les trois hommes au niveau de la frontière. “Des coups de feu” auraient même été tirés.
Querelles de pestiférés ?
Par sa présence en vidéo, Tayeb Louh montre qu’il n’en est rien. Il a été l’une des principales personnalités à faire les frais du large remaniement ministériel, annoncé par l’ancienne présidence le 31 mars. Occupant le maroquin de la Justice depuis 2013, Tayeb Louh a fait son entrée dans le gouvernement algérien en 2002 en tant que ministère du Travail. Il s’est attiré les foudres d’une partie de l’opinion algérienne qui lui reproche d’avoir rappelé à l’ordre, le 11 mars, les magistrats ayant soutenu les mouvements de rue, en leur demandant de “se conformer à l’obligation de réserve”.
Pilier de la présidence Bouteflika, il est considéré par beaucoup comme l’un des symboles de la corruption et de l’oppression du régime algérien. Il est notamment accusé d’avoir contribué à la falsification des scrutins. Dans un billet satirique, El Watan voit même un “mérite” à cette rumeur : “celle de faire sortir Louh de sa tanière pour démentir son arrestation”.
Reste que cette vraie-fausse affaire interroge en Algérie. Les questions pointent particulièrement sur l’origine de la rumeur. Le Temps d’Algérie est la propriété de l’ex-chef du patronat algérien, le très influent Ali Haddad. Cet homme d’affaires, très proche de la présidence Bouteflika, est actuellement détenu depuis son arrestation à un poste-frontière avec la Tunisie, dans la nuit du 30 au 31 mars, avec une importante somme d’argent en sa possession: 5.000 euros, 100 dollars et 410.000 dinars algériens (plus de 300.000 dirhams) .
Très décrié pour son soutien sans faille à Abdelaziz Bouteflika, Ali Haddad avait finalement démissionné de la présidence du patronat algérien le 28 mars dernier. Dirigeant du premier groupe privé algérien de travaux publics, ETRHB Haddad, Ali Haddad possède également, en plus de deux journaux et deux chaînes de télévision, le club de football de l’USM Alger. Il est classé par Forbes comme l’un des cinq hommes les plus riches d’Algérie et dirige, depuis 2014, le Forum des chefs d’entreprises. L’organisation avait fortement appuyé les appels en faveur d’un cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika.