Un Mizrahi qui se respecte, qui respecte ses parents, son patrimoine, les espoirs de ses parents d’obtenir un jour l’égalité au sein de l’Etat d’Israël, qui croit que le fils qu’il a eu est égal aux autres et qui croit que son enfant doit pouvoir rêver de devenir un jour Premier ministre de l’Etat d’Israël – celui-là ne peut pas voter pour la famille Netanyahu”.
Cette déclaration a été faite le 16 mars dernier par Avi Gabbay, le chef du parti travailliste israélien, en réaction à un selfie de Netanyahu publié quelques jours auparavant. Sur cette photo, on voit le Premier ministre israélien accompagné des sept candidats du Likoud pour les élections législatives. Le hic : tous les candidats sont ashkénazes (originaires d’Europe centrale et orientale).
Avi Gabbay accuse le parti au pouvoir de “racisme” contre les juifs mizrahis, ces descendants d’immigrés du Moyen-Orient, d’Asie centrale ou des pays arabes. Si pour certains, la sortie du leader travailliste n’est qu’une énième tentative pour séduire l’électorat mizrahi (plus de la moitié de la population israélienne), la relation d’Avi Gabbay avec cette communauté est plus profonde. Descendant de parents marocains, Avi Gabbay est lui-même un Mizrahi.
Self-made man
Septième d’une fratrie de huit, Avi Gabbay voit le jour en 1967 à Baka, un quartier du sud de Jérusalem. Ses parents sont des juifs originaires de Casablanca. Moïse Gabbay, le père d’Avi, est technicien chez l’opérateur de télécommunications national israélien Bezeq, une compagnie que son fils dirigera quelques dizaines d’années plus tard.
Avi Gabbay grandit dans un ma’abarah à Jérusalem, ces camps de transit qui accueillent principalement les juifs des pays arabes. Enfant surdoué, il est très vite repéré et envoyé dans une prestigieuse école de Jérusalem. Après son service militaire au sein des services de renseignements israéliens, il obtient un MBA de l’Université hébraïque de Jérusalem. Il débute sa carrière au sein de la direction du budget du ministère des Finances, avant de rejoindre l’opérateur de télécommunications Bezeq. Il y gravira les échelons jusqu’à être nommé PDG en 2007. Devenu millionnaire, il quitte la compagnie en 2013.
Avi Gabbay se consacre alors à la politique, et devient l’un des fondateurs du parti de centre-droit Koulanou, aux côtés de Moshe Kahlon, un ancien ministre du Likoud. Obtenant 10 sièges de députés aux élections législatives de 2015, le nouveau parti participe à la coalition gouvernementale menée par le Likoud. Avi Gabbay deviendra ainsi ministre de la Protection de l’environnement sous le gouvernement Netanyahu, mais démissionnera une année plus tard en protestation contre la décision du Premier ministre de confier le maroquin de la Défense à l’ultranationaliste Avigdor Lieberman.
Suicide électoral ?
Six mois plus tard, Avi Gabbay quitte le parti qu’il a fondé pour rejoindre le parti travailliste et se porter candidat à la direction de la formation anciennement dirigée par Ehud Barak. En juillet 2017, il prend la tête du parti de gauche en battant au passage un autre Marocain, Amir Peretz.
A la tête d’un parti en perte de vitesse – le HaAvoda n’a pas remporté les élections législatives depuis 20 ans – Avi Gabbay multiplie les démarches pour attirer les électeurs mizrahis, une base électorale traditionnellement ancrée à droite. Avec cette stratégie, le leader travailliste veut aussi compenser “l’érosion de la base structurelle du parti travailliste, incluant l’élite ashkénaze qui dominait auparavant la société israélienne”.
“Les Israéliens d’origine marocaine penchent plus pour le Likoud( le parti de Benjamin Netanyahu, NDLR) parce qu’ils ont grandi dans un règlement de compte avec le Parti travailliste. Peut-être qu’il y aura une surprise lors des prochaines élections, parce qu’à la tête du Parti travailliste, il y a désormais un Marocain”, nous disait le président fondateur de l’Association d’Amitié Maroc-Israël Simon Skira, en mars dernier.
Avi Gabbay s’engage-t-il donc dans une bataille perdue d’avance ? Début de réponse le 9 avril, à l’issue d’un scrutin où le Likoud part largement favori. Le parti travailliste, lui, n’est crédité que d’une dizaine de sièges… sur 120.