Une sortie peu commune dans le monde très politiquement correct et aseptisé de la finance marocaine. Le PDG de la banque marocaine BMCE-Bank of Africa a durement jugé la cession du groupe d’assurances de Moulay Hafid Elalamy à un investisseur Sud- Africain. “Les Marocains en général n’ont pas apprécié cette cession”, affirme ainsi le banquier.
Pour lui, Saham n’aurait pas dû être cédé à une compagnie dont le pays est, parmi les 54 que compte le continent, celui « qui est le plus associé aux actions du Polisario« . Othman Benjelloun a également assuré que BMCE-BOA ne collaborera pas avec Saham Assurances. “Peut-être que le gouvernement de l’Afrique du Sud reconnaitra la souveraineté du Maroc sur le Sahara. A ce moment là, on applaudira pour que Saham reste sud-africain. D’ici là, ils n’ont pas notre concours,” a-t-il déclaré.
Le milliardaire enfonce le clou : “Nous nous retrouvons avec des investisseurs (sud-africains, NDLR) propriétaires d’une entreprise marocaine qui se trouve sur notre territoire. Donc on ne cache pas qu’on n’apprécie pas cette action”.
Dans une position plus générale, Othman Benjelloun précise qu’ “une société bancaire, ou d’assurance, ou industrielle comme OCP ou autre, ce sont des sociétés qui appartiennent à tous les Marocains, nous n’avons pas le droit de les céder, de les vendre ou de les donner à des étrangers”.
Faut-il voir dans cette sortie du patron de BMCE-Bank of Africa un lien avec la colère royale qui s’est abattue sur Moulay Hafid Elalamy, il y a quelques mois ? Pour rappel, Médias 24 titrait le 30 novembre dernier, “Moulay Hafid Elalamy sévèrement tancé par le Roi Mohammed VI”. Le site revenait sur une séance de travail présidée la veille par le souverain. Que lui reprochait-il? Officiellement, le retard du Plan d’accélération industrielle de la région de Souss-Massa, lancé il y a dix mois. “A cet égard, le souverain a attiré l’attention sur le retard accusé par ce plan, qui n’a enregistré aucune avancée depuis son lancement, appelant le département concerné à redoubler d’efforts et à assumer ses responsabilités, en vue d’accélérer sa mise en œuvre dans les délais impartis”, fait savoir un communiqué du cabinet royal, somme toute ordinaire, diffusé le 29 novembre.
Ce que le communiqué du cabinet royal ne disait pas, c’est que Mohammed VI a aussi réprimandé le ministre, pêle-mêle, sur sa double nationalité et son comportement arrogant, lui enjoignant “de servir les intérêts du pays avant les siens, et non l’inverse”, révèle Médias 24. Un rappel à l’ordre d’autant plus inhabituel que la teneur de la réunion, à laquelle ont assisté quelques ministres et les conseillers royaux Fouad Ali El Himma et Omar Azziman, a vite fuité dans Médias 24 sur la foi d’un témoignage de “l’un des participants”. “Il est très rare qu’un échange avec le roi fuite ainsi. Il est évident que l’on a voulu dire que le roi a réprimandé Moulay Hafid Elalamy d’une manière particulièrement sévère, à la fois sur son business et son caractère”, explique une source proche du gouvernement. A l’époque nous nous interrogions sur ce qui a autant suscité l’ire de Mohammed VI pour le sermonner ainsi sur sa double nationalité – statut dont se prévalent plusieurs hauts responsables –, son attitude et son bilan. Othman Benjelloun vient peut-être d’en révéler la raison.