La société civile fait bloc contre un projet de parking qui menace le jardin de la Mendoubia

Depuis plusieurs jours, la société civile tangéroise s'organise pour préserver le parc de la Mendoubia, menacé par un projet de parking souterrain. L'avenir du site, qui pourrait abriter des vestiges archéologiques, est suspendu à une décision des autorités locales.

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Bulle de chlorophylle au coeur de la ville du Détroit, le parc de la Mendoubia est un lieu d’histoire et de rencontre, partie intégrante du patrimoine de Tanger. À l’abri de grands arbres centenaires, Tangérois et touristes viennent y profiter d’une parenthèse verte à l’ombre du soleil. Mais voilà que depuis fin février, grillages et pelleteuses ont pris possession des lieux. Ce jardin serait voué à être transformé en parking, ce qui suscite l’ire de quelques riverains et de la société civile de la ville du détroit.

بيان المرصد حول تسييج حدائق المندوبية========================يتابع المرصد بقلق كبير عملية التسييج الذي تعرفها حدائق…

Publiée par ‎مرصد حماية البيئة و المآثر التاريخية بطنجة OPEMH Tanger‎ sur Samedi 23 février 2019

Un matin on a vu que des ouvriers ont investi l’endroit”, raconte Abdelaziz Janati, président de l’Observatoire pour la protection de l’environnement et des monuments historiques (OPEMH), une instance fondée en 2012 et qui milite pour la sauvegarde de l’écosystème et du patrimoine de la ville. “Officiellement, la mairie dit qu’il n’y a pas encore de décision, poursuit notre interlocuteur. Mais au fond, on sait que c’est pour y construire un parking souterrain d’une société privée”.

Le nom de SOMAGEC Parking, société privée en charge des stationnements dans la ville de Tanger, est notamment évoqué. Celle-ci est sous le feu des critiques de nombreux Tangérois depuis qu’elle a hérité en 2015 de la gestion déléguée des parkings souterrains et horodateurs par la mairie, après avoir remporté un appel d’offres.

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Lieu de vie et d’histoire

Il  n’est pas envisageable d’initier un projet qui ne soit pas bénéfique à la population sur un tel site historique”, avance le président de l’OPEMH. “Des associations, mais aussi des instances de la ville et des partis politiques se sont joints au mouvement initié par l’Observatoire”. Selon Janati, de jeunes Tangérois ont également tenu à contribuer pour donner écho à la cause sur les réseaux sociaux.

Ce n’est pas la première fois à Tanger qu’on retire des sites d’intérêt commun au profit de sociétés”, pointe Omar Bouzidi, l’un des membres actifs du groupe “Jeunes pour stopper la destruction des jardins historiques de Tanger”, composé d’une dizaine de jeunes Tangérois. “Il s’agit de jeunes qui sont impliqués dans la société. Certains sont dans des associations et ils sont tous éveillés à la citoyenneté. Beaucoup d’entre nous ont grandi ici et sont attachés à la ville. Des sites anciens comme celui-ci font partie de l’histoire de Tanger”poursuit l’acteur associatif.

 

Situé non loin de la place historique du 9 avril 1947, le jardin de la Mendoubia est le poumon écologique de la ville du Détroit. Un superbe jardin où certains arbres “ont entre quatre et cinq cents ans”, explique le jeune militant qui parle également d’un endroit “populaire” nécessaire à la vie de la cité. “C’est un vrai lieu de vie où les Tangérois se reposent et discutent. Il faut que ce parc soit réhabilité et préservé”. Et pour cause, l’endroit abrite aussi la mémoire de Tanger.

C’est là, à l’époque où Tanger bénéficiait de son statut de zone internationale et des privilèges y afférents, que les Européens enterraient les leurs. Mais ses secrets pourraient bien dater d’autres siècles. “Il est fort probable que ce site abrite des monuments historiques de l’ancienne médina, qui se trouvent en dessous”, affirme Abdelaziz Janati. “On y avait trouvé une statue de la dame de Tanger qui est au musée national et qui a été exposée dans plusieurs musées. D’autres vestiges pourraient également se trouver dans cette zone”, insiste-t-il.

La balle est du côté des autorités

Pour la défense d’un tel patrimoine, la société civile s’organise. “Le dimanche 3 mars, nous avons organisé une journée de balade dans le parc afin de sensibiliser la population”, raconte Omar Bouzidi qui insiste sur le caractère “apolitique” de la mobilisation des citoyens. Pourtant, dans la cité du Détroit, des élus de nombreuses formations politiques se seraient ralliés à la cause civile, indique Abdelaziz Janati. Parmi eux : le PJD, l’Istiqlal, le PAM, le MP, le RNI ainsi que différentes organisations syndicales locales et nationales.

Au-delà de l’aspect culturel et militant, c’est sur un autre pan que pourrait se dérouler le combat, davantage juridique. “Une pétition a été lancée le 13 mars et sera ensuite soumise  à la mairie afin que cette question (la défense et la valorisation du jardin de la Mendoubia, NDLR) soit officiellement ajoutée à l’ordre du jour du Conseil communal”. Cette pétition a récolté à l’heure actuelle près de 300 signatures.

لقد وصلنا لعتبة 239 موقعة/موقعا على عريضتنا المطالبة بوقف الأشغتل في حدائق طنجة.هدفنا هو 400 توقيع بغية تقديم العريضة…

Publiée par ‎شباب لوقف إعدام حدائق طنجة‎ sur Mardi 12 mars 2019

Auparavant, à coups de communiqués, l’Observatoire a tenté de démêler le vrai du faux. Sans succès. Le militant tangérois de l’OPEMH, lui, regrette le peu d’information qui filtre quant à l’avenir du site : “J’ai rencontré le vice-maire dimanche dernier. Il m’a expliqué qu’il y avait bien l’idée de construire des parkings souterrains dans le cadre de Tanger métropole, mais ils disent qu’il n’y a encore rien de concret, pas de dossier technique. De l’autre côté, malgré ces paroles, il y a encore des grillages autour du terrain”.

Une source de la SOMAGEC Parking nous explique, elle aussi, attendre une réponse de la mairie de Tanger. “La SOMAGEC ne peut, pour l’heure, pas encore se prononcer sur un parking tant que l’autorité dirigeante ne se prononce pas elle-même, nous confie-t-elle. De là à geler le projet du controversé parking ? La balle semble être du côté de la mairie. “SOMAGEC est une entreprise de construction et on est face à un problème d’ordre public auquel  nous ne pouvons pas répondre, avance notre interlocuteur. Il y a bien un parking prévu à cet emplacement, mais aujourd’hui le projet est suspendu. La SOMAGEC ne peut pas construire un parking qui va à l’encontre de la volonté des Tangérois”.

Également sollicitée par TelQuel, la ville de Tanger n’a pas donné suite.

En attendant, la société civile compte poursuivre sa défense du patrimoine. Les jeunes en tête, qui indiquent qu’un nouvel évènement se tiendra ce dimanche 17 mars. “Nous comptons organiser une petite manifestation musicale où l’on va regrouper plusieurs chanteurs locaux pour animer l’endroit”, ajoute Omar Bouzidi. Et profiter de la valorisation d’un patrimoine commun, pour redonner un nouveau souffle à un poumon de la ville du détroit.