Pourquoi les chauffeurs de poids légers ont-ils repris leur grève?

Les chauffeurs de poids légers observent depuis le 28 février une grève ouverte. La cause ? La volte-face du gouvernement au sujet de la tolérance de la surcharge. Les détails.

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Les transporteurs de poids légers sont en colère. Depuis le 28 février, les conducteurs de ces véhicules sont entrés en grève à Casablanca. Le mouvement de contestation s’étend actuellement aux villes avoisinantes. Mohamed Mahdi, président de l’Union syndicale des professionnels du Maroc (USPM), l’une des centrales représentant le secteur, on affirme que cette grève “reflète le ras-le-bol des professionnels du secteur concernant les engagements pris par le ministre lors de la réunion du 3 novembre dernier”.

Lors de cette rencontre, le ministre du Transport Abdelkader Amara s’était verbalement engagé à se montrer plus flexible quant au surtonnage de certains camions dans la limite de 30% de la charge utile. Un engagement provisoire en attendant les conclusions d’une commission technique rassemblant les différentes parties prenantes dont les experts du Centre national d’homologation et les représentants des concessionnaires.

Une surcharge qui pèse

Depuis cet accord, Abdelkader Amara et les représentants du secteur se sont réunis à plusieurs reprises. Mais les deux dernières rencontres en date, tenues le 14 février et le 1er mars, n’ont visiblement pas permis de mettre fin au litige opposant les deux parties. La preuve : les représentants des professionnels du transport routier de poids légers ont refusé de signer le procès-verbal de la dernière réunion, comme le rapporte un communiqué du ministère du Transport et de la Logistique diffusé le 1er mars.

Au cœur du problème, l’éternelle question  de la charge des véhicules. “Le ministre nous a menti. Quatre mois après d’application de la marge de tolérance de 30% sur la charge des véhicules, il est revenu unilatéralement sur cette décision mettant en péril les intérêts des milliers de professionnels, mais aussi ceux des citoyens”, accuse  Mohamed Mahdi.

Du côté du ministère, on affirme que la surcharge des camions est toujours tolérée. On précise néanmoins que la marge de tolérance de 30%, alors fixée par Abdelkader Amara dans un contexte de crise, a été annulée.

Dans son communiqué diffusé le 1er mars, le ministère précise également que des circulaires ministérielles émises en 2003, 2007 et 2010, permettant  à un certain nombre de transporteurs de bénéficier d’une surcharge de leurs camions à hauteur de 10% dans le cadre des contrôles réglementaires et techniques et tenant compte de la sécurité des usagers de la route, ont été réactivées.

Illégalité et “anarchie”

La commission technique, mise en place après l’accord passé entre les professionnels du transport routier et le ministère a remis au mois de février un rapport dans lequel elle s’oppose à la surcharge. Elle estime que cette mesure “constitue un danger pour la sécurité des citoyens”. En plus du “non” franc de ladite commission, les représentants des professionnels de la catégorie de poids lourd, dont les fédérations et syndicats de transport routier de marchandises affiliés à la CGEM, ont énormément critiqué le ministère pour cette décision. “Cette marge de tolérance est illégale. Qui plus est, elle renforce l’anarchie qui règne dans le secteur tout en portant préjudice à la sécurité des citoyens, aux infrastructures routières. Elle crée également une forme de concurrence déloyale”, dénonce Abdelghani Berrada, secrétaire général de la Fédération générale des transporteurs sur route et port.

Une position partagée par le ministère des Transports qui, dans son communiqué du 1er mars, indique que  “l’augmentation de la charge sans contrôles techniques, réglementaires et juridiques n’est pas une solution aux problèmes rencontrés par cette catégorie, comme le pensent certains professionnels, en plus du risque qu’elle représente pour la sécurité des usagers de la route”. Le département d’Abdelkader Amara a par ailleurs appelé les professionnels à émettre leurs “propositions pour résoudre cette problématique”.

Les poids lourds “rassurés”

Si les négociations avec les représentants des petits camionneurs sont dans l’impasse, leurs collègues poids lourds sont plutôt “soulagés”. Suite à une série de réunions entre les représentants de cette catégorie et la tutelle, ces derniers ont signé le 1er mars un procès-verbal transcrivant une entente de bonne intention.

Parmi les sept revendications qui composaient notre dossier initial de revendications, quatre sont en cours de réalisation, et les trois autres font l’objet de négociations sérieuses entre les différentes parties prenantes”, se réjouit Abdelghani Berrada.

Les dossiers relatifs à la carte professionnelle, le programme de renouvellement du parc, la mise en place d’une déclaration d’expédition précisant la relation entre le transporteur, le réceptionniste et le donneur d’ordre, la création d’une commission pour statuer sur la question du gasoil professionnel, ainsi que la réduction de la taxe à l’essieu ont abouti. “Cette fois-ci la volonté du ministère de réformer le secteur est manifeste, d’autant plus qu’il prendra en charge le financement de ces différents chantiers”, se réjouit notre interlocuteur.

Le contrat-programme, le sésame

Alors que les conducteurs de poids lourds ne cachent pas leur satisfecit tandis que ceux des poids légers peinent à dissimuler leur mécontentement, comment trouver une solution satisfaisant l’ensemble des transporteurs ? Le communiqué du ministère du Transport ouvre une piste, en invitant tous les professionnels du secteur à “assumer leurs responsabilités dans la réussite du dialogue, afin de l’incarner dans un contrat programme moderne pour le développement du secteur, où tous les transporteurs puissent exercer ce métier dans des conditions professionnelles et de concurrence loyale”.

Pour rappel, le département d’Abdelkader Amara avait diffusé un projet de contrat-programme auprès des différentes parties prenantes afin de recueillir leurs remarques. Selon une source au ministère, le département a reçu les remarques de 19 instances professionnelles sur les 51 concernées. “Le manque du sérieux de la part des autres instances est flagrant”, déplore notre interlocuteur. Le délai de soumission des propositions a d’ailleurs été prolongé jusqu’au mois d’avril pour permettre aux autres instances de faire parvenir leurs retours et entamer l’élaboration de la version finale du projet qui permettrait de résoudre un litige qui traine depuis presque six mois.

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