A l’issue de 13 jours de contestation, le ministre de l’Equipement et du Transport, Abdelkader Amara, a fini par convaincre les professionnels du transport routier de suspendre leur grève. C’est à l’issue d’un dernier round de négociations, tenu le 3 novembre au siège de la tutelle, qu’un protocole d’entente a été signé par les parties prenantes. Un accord qui marque ainsi la fin d’une crise qui a affecté les prix de vente sur les marchés ainsi que certains secteurs comme l’aviculture.
Contactés par TelQuel, les organes syndicaux ayant pris part à ce mouvement de contestation ont affiché leur satisfaction quant à son impact. « Notre grève a bien réussi. Pour la première fois au Maroc, les professionnels du transport routier de marchandises ont contraint le ministre du Transport à échanger sur les vrais problèmes du secteur et dans la seule optique de trouver des solutions définitives », se félicite Mustapha Chaoune, secrétaire général de l’Organisation des professionnels du transport.
Son de cloche similaire pour Abdelghani Berrada, secrétaire général de la Fédération générale des transporteurs sur route et port, qui estime que les parties prenantes doivent désormais « poursuivre le travail en cours afin de mieux structurer le secteur ».
Les dessous d’un accord
Suite à la dernière étape des négociations, Abdelkader Amara s’est engagé à constituer, au cours des deux prochaines semaines, une commission mixte chargée d’étudier les problèmes ainsi que les revendications de la profession. Cet organisme, qui sera présidé par un professionnel du secteur, est également responsable de l’élaboration d’une proposition «pratique» quant aux subventions publiques accordées aux transporteurs pour le gasoil qui sera soumise aux autres départements concernés.
L’accord scellé entre les syndicats et le ministre des Transports prévoit également la mise en place d’une commission technique ayant pour mission d’étudier les différents dossiers en suspens relatifs au renouvellement du parc de camions. Selon des sources concordantes, cette commission a tenu sa première réunion le 5 novembre pour traiter des dossiers bloqués depuis 2008, et ce, dans une durée ne dépassant pas les 15 jours.
Syndicats et tutelle ont également convenu d’exonérer les conducteurs actuellement actifs des frais de formation qui mènent à l’obtention de la carte professionnelle. « La carte professionnelle sera livrée gratuitement aux conducteurs ayant poursuivi les sessions de formation dont les frais sont totalement à la charge du ministère, et ce jusqu’à la fin de l’année 2018 », explique le secrétaire général de la Fédération générale des transports sur route et port.
A la rescousse des petits camions
Selon la même source, Amara s’est également engagé à revoir le seuil de tonnage en vigueur conformément aux conclusions d’une commission, qui sera elle aussi mise en place prochainement, et qui représente toutes les instances présentes. Elle sera placée sous la présidence de Khalid Cherkaoui, secrétaire général du département de l’Équipement, du Transport et de la Logistique. « En attendant, le sur-tonnage sera traité par les autorités compétentes avec flexibilité dans la limite de 30% ». Toutefois, « cette mesure ne peut figurer sur le PV de la réunion en raison de son caractère illégal », signale Khalid Cherkaoui.
La réévaluation du seuil de tonnage profitera surtout aux petits camions de moins de trois tonnes (-3T). En fait, cette catégorie de camionneurs travaille dans le secteur informel et est mal structurée étant donné qu’elle n’est pas affiliée au registre des transporteurs. En outre, elle ne dispose pas de couverture médicale et n’est pas protégée par les dispositions du nouveau Code de la route.
« Au cas où le centre national d’homologation accorde une augmentation de tonnage à la catégorie de -3T, elle sera systématiquement incluse au secteur formel, aura le droit de créer des sociétés, et sera, in fine, mieux structurée », explique Abdelghani Berrada. Avant d’ajouter : « Nous sommes pour l’approbation de l’augmentation du seuil de tonnage autorisé, à condition qu’elle ne mette pas en péril la sécurité routière ».
Un manque à gagner de 30 millions de dirhams par jour
Paralysé depuis le premier jour de la grève, le port de Casablanca a repris ses activités le samedi 3 novembre au soir. « Une fois la levée de grève annoncée, nous avons appelé toutes les parties prenantes (douane, opérateurs portuaires, polices, entreprises de transport) à mettre les bouchées doubles afin de décongestionner le port de Casablanca. En effet, le soir même, 900 camions ont chargé et quitté le port », souligne le secrétaire général de la Fédération générale des transporteurs sur route et port.
Pour le port, les pertes sont énormes et le sont aussi du côté des camionneurs. « Nous avons évalué le manque à gagner à 30 millions de dirhams par jour. Les pertes quotidiennes pour chaque camion hors leasing sont estimées à plus de 350 dirhams, et de 1350 dirhams pour les camions en crédit », rapporte Abdelghani Berrada.
Contacté par TelQuel, Jaafar Essabbane, directeur du marché de gros des fruits et légumes de Casablanca, a confirmé la reprise normale des activités du marché. « En principe, entre le 18 et le 25 octobre, le marché a connu une baisse d’activité à hauteur de 40% de tonnage et 32% en nombre de véhicules. Juste après la fin de la grève, les activités ont repris normalement ».
Les aviculteurs, quant à eux, prévoient une réunion pour la semaine prochaine. Il y sera question de quantifier les pertes du secteur : « Le bilan des dégâts semble des plus lourds et les pertes se font déjà ressentir. Mis à part la mort d’une grande partie du cheptel, la plupart des aviculteurs souffrent d’une perte en performance, en plus d’une perte de poids du restant des volailles de 15 à 20% », déplore vice-président de l’Association nationale des producteurs (APV).
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