Le conseil de la concurrence, saisi le 10 décembre dernier dernier par Lahcen Daoudi pour statuer sur le plafonnement des marges des distributeurs, vient de rendre son avis. Présenté le 15 février devant la presse , l’avis du conseil de la concurrence rejette le plafonnement, et recommande à sa place une refonte globale du marché. Cette décision, prise lors d’une réunion du conseil tenue le 14 février qui a duré 3h30 selon nos confrères de Medias24.
Dans le résumé de son avis, le conseil de la concurrence rappelle ainsi qu’il n’agit pas en tant qu’autorité de réglementation, mais de régulation. Le conseil « n’a pas pour mission de définir le niveau optimal des prix et marges maximales à retenir sur le marché des carburants. Cette attribution relève de la seule responsabilité du Gouvernement, » peut-on lire dans le document. Cet avis porte sur d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles et non sur le plafonnement des marges des distributeurs qui, lui, sera examiné lors d’une prochaine session.
Concernant la demande présentée par le gouvernement d’un plafonnement des prix et des marges, le conseil estime que « la demande d’avis du Gouvernement ne remplit pas les conditions légales requises». Si toutefois le gouvernement opte de manière unilatérale pour cette décision, le conseil de la concurrence estime que ce choix « ne sera pas suffisant et judicieux d’un point de vue économique, concurrentiel et en termes de justice sociale». Les raisons évoquées par le conseil étant que « le plafonnement est, d’abord, une mesure conjoncturelle limitée dans le temps ». De plus, « agir uniquement sur les marges des distributeurs de gros et de détail ne va pas changer la réalité des prix». « Le plafonnement est également une mesure discriminatoire qui s’applique indistinctement à tous les opérateurs, quelles que soient leurs tailles et la structure de leurs coûts » note l’instance dirigée par Driss Guerraoui. Pour le président du Conseil de la concurrence, « le plafonnement donne un mauvais signal au marché, car les investisseurs ne seront pas rassurés et n’auront aucune visibilité dans le secteur» . Pour toutes ces raisons, le conseil rejette cette option.
Dans cet avis, le conseil de la concurrence s’attaque à la libéralisation du secteur qu’il estime « mal préparée » et ne tenant pas compte de plusieurs éléments de contexte national « qui auraient dû alerter le Gouvernement sur l’opportunité de son entrée en vigueur et les modalités de sa mise en œuvre ». Le Conseil rappelle ainsi que l’Exécutif «a pris le risque de libéraliser totalement des prix des carburants sachant au préalable que le marché allait être privé du seul raffineur national» , la Samir. Suite à la faillite du seul raffineur marocain qui « approvisionnait 64% des hydrocarbures et représentait 50% de la capacité national de stockage », le Maroc doit dorénavant « importer 93% de ses besoins en hydrocarbures» affirme Guerraoui.
« La décision a été prise dans un contexte de vide institutionnel marqué par l’absence du conseil de la concurrence» note l’instance. Selon elle, le gouvernement « a procédé à la libéralisation sans agir au préalable sur les composantes fondamentales de l’écosystème » que sont « l’existence de fortes barrières à l’entrée en amont et en aval du marché, l’existence d’un niveau de concentration élevé, et d’une structure monopolistique sur certains marchés et oligopolistique sur d’autres. » Le conseil remarque aussi que « le gouvernement a pris la décision sans mettre en place des mesures d’accompagnement pour protéger les consommateurs et les segments les plus vulnérables du marché ».
Le conseil recommande ainsi de développer la concurrence sur le segment amont du marché, renforcer les capacités nationales de stockage, stimuler la concurrence sur le marché de la distribution de détail et de soumettre le marché à un dispositif innovant de régulation sectorielle. Driss Guerraoui estime également qu’il faut « maintenir les activités de la Samir et ouvrir le secteur du raffinage aux opérateurs privés. »
Pour conclure, le conseil de la concurrence considère que le secteur des hydrocarbures a besoin « d’une refonte globale répondant aux dysfonctionnements de nature structurelle qui touchent toute sa chaîne de valeur. La protection du pouvoir d’achat des consommateurs, l’approvisionnement du marché, la compétitivité du secteur et son attractivité pour l’investissement dépendent de cette refonte ».