Longtemps voulue et demandée par les familles d’enfants atteints de troubles du spectre de l’autisme (TSA), une formation universitaire certifiante dédiée à ce trouble verra le jour dès la rentrée 2019-2020 à la faculté de Médecine et de Pharmacie de Casablanca. « Ce n’est pas une première seulement au Maroc, mais aussi dans le monde arabe » nous explique Soumia Amrani, présidente du Collectif autisme Maroc.
L’association est à l’initiative de ce nouveau cursus, un projet auquel ont également participé le Centre national Mohammed VI des handicapés, les Fondations Orange France et Maroc ainsi que la Fondation Susa Belgique. À la rentrée prochaine, vingt professionnels rejoindront à nouveau les bancs de la fac pour former cette première promotion. Objectif : disposer du bagage nécessaire pour appréhender au mieux les besoins d’enfants autistes, et faciliter leur inclusion dans les écoles.
Développement d’une expertise nationale
Pour Soumia Amrani, l’ouverture de cette formation est plus que nécessaire. “Elle doit répondre au développement de l’expertise nationale sur les questions liées à l’autisme, explique la présidente du Collectif autisme Maroc, également mère d’une fille autiste. Ce qui veut dire de meilleurs services, des services de qualité, de prise en charge au niveau éducatif et au niveau de l’éducation.” Un large éventail qui devrait permettre au personnel formé d’acquérir, outre les connaissances fondamentales sur les caractéristiques du TSA, des compétences pour planifier les services aux personnes autistes ou encore planifier des interventions visant le développement de ces personnes
Les élèves qui intégreront la prochaine promotion sont des pédopsychiatres, des psychiatres, des psychologues, des orthophonistes et des psychomotriciens. Des personnes qui, en somme, disposent déjà d’une expertise et viennent compléter leur formation par de nouveaux acquis. À l’issue d’une formation de 290 heures réparties sur une année académique – 120 heures de modules, 80 de stages pratiques et le reste consacré à des travaux de synthèse et d’articles scientifiques -, les diplômés pourront alors exercer en milieu hospitalier, dans des cliniques, en cabinets privés ou dans des centres spécialisés.
Encadré aussi par la fondation belge Susa, “reconnue au niveau international par son expertise dans le domaine de l’autisme”, les élèves bénéficieront d’un cursus complet basé “sur les approches éducatives et comportementales”, ajoute notre interlocutrice. Des outils “reconnus mondialement et qui n’existent pas au Maroc”.
Une pierre de plus en faveur de l’inclusion d’enfants autiste ?
“Cette formation a trois objectifs principaux en termes d’apprentissage pour les professionnels” détaille Soumia Amrani. D’abord, la volonté d’acquérir “des compétences au niveau de l’évaluation des besoins éducatifs et thérapeutiques des personnes autistes”, ainsi que la mise en place de programme “adapté et individualisé à chaque personne autiste et à ses besoins”. Le dernier axe porte sur le travail en commun entre les différentes spécialités.
Et donc en termes de coordination des équipes éducatives : “Il faut comprendre que les personnes autistes sont comme n’importe qui et ont différents besoins qui sont multidimensionnels, expose la présidente du Collectif autisme Maroc. Il faut savoir y répondre et trouver le moyen pour que chaque réponse soit coordonnée entre les différentes spécialités professionnelles.”
Si le regard porté sur la question et sa prise en compte par les autorités évolue, la prise en charge de personnes autistes au Maroc souffre encore de nombreux obstacles. En absence de chiffres officiels, le tissu associatif se base sur les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui établit à une naissance sur 100 le nombre d’enfants touchés par les TSA. En l’absence d’étude au Maroc, les associations évoquent « 350 000 et 400 000 » enfants concernés.
De quoi voir ce nouveau diplôme universitaire comme une pierre de plus en faveur d’une inclusion d’enfants autistes dans les salles de classe et plus largement, de personnes autistes au sein de la société ? Aucun doute pour Soumia Amrani, qui en a fait un engagement. “À terme, ça va permettre d’intégrer des enfants, non pas dans les classes spécialisées, mais dans les classes ordinaires, au milieu d’autres enfants. Apprendre ensemble dans les mêmes espaces, de la même manière, mais avec des adaptations liées au besoin de l’autisme.”
En parallèle à la formation des professionnels, un programme de formation et d’orientation parental est prévu, et ce, en vue de porter soutien aux familles en situation précaire à Casablanca et Salé. Si la première formation débutera à la rentrée prochaine, une seconde promotion composée également de vingt élèves et d’une troisième, de dix étudiants est déjà prévue. “Ils seront sélectionnés parmi les quarante personnes issus des précédentes promotions ”, annonce Soumia Amrani.