« Le staff du FMI a recommandé d’aller de l’avant sans retard inutile ». Cette recommandation aux allures de décrets figure dans le dernier rapport du Fonds monétaire internationale concernant la situation de l’économie marocaine et plus particulièrement la réforme du régime de change du dirham.
Dans ce document, les experts de Bretton Woods appellent le Royaume à pousser plus loin cette réforme dans l’optique de « protéger les réserves, de rendre l’économie [marocaine] plus en mesure d’absorber les chocs extérieurs potentiels et de préserver la compétitivité ». Pour le staff du FMI, l’élargissement de la bande de fluctuation du dirham permettrait également « la diversification des exportations et le développement des PME, ce qui favorisera la création d’emplois et de revenus pour les pauvres et les classes moyennes ».
Le « non » du Maroc
Cette recommandation du FMI intervient quelques jours seulement après le bilan dressé par Bank Al Maghrib concernant la première phase de réforme du régime de change. « Les principaux objectifs assignés à cette première phase de la réforme ont été atteints et continuent d’évoluer de manière favorable, permettant aux opérateurs économiques de réaliser leurs opérations de commerce international dans des conditions adéquates », indiquait l’institution dirigée par Abdellatif Jouahri dans une réponse à L’Economiste qui semblait ouvrir la voie à un élargissement de la bande de flottement du dirham.
C’était toutefois sans compter sur la prudence des autorités financières marocaines. Dans le rapport du FMI, une lettre signée par le couple Benchaaboun-Jouahri et destinée à la présidente de l’institution, Christine Lagarde, révèle la position des décideurs marocains à ce sujet. Le ton y est coopératif, mais ferme : « Les autorités restent déterminées à poursuivre la transition du taux de change qui consisterait à élargir davantage la bande de fluctuation du dirham, lorsque les conditions le permettront et dans le contexte d’une stratégie de communication bien structurée ».
Le Maroc suivra son propre agenda
Comprenez: le Maroc poursuivra bien la réforme, mais en temps voulu, et selon son propre agenda politique. Malgré les signaux positifs envoyés par le comportement du dirham au cours de l’année 2018, la précaution reste donc la règle. Si le deuxième ajustement n’était pas maîtrisé, il faudrait en effet redouter une rapide dépréciation du dirham. Et l’inflation mécanique qui en résulterait aurait des conséquences directes sur le pouvoir d’achat des citoyens. En annonçant officiellement une deuxième phase d’élargissement, les autorités semblent vouloir éviter le phénomène de spéculation, comme ce fut le cas en janvier 2018.
A cette époque, l’annonce de la réforme du régime de change avait donné des sueurs froides à bon nombre d’observateurs. On craignait alors la dépréciation rapide du dirham. Or la monnaie nationale s’est maintenue, et même légèrement appréciée. On redoutait aussi la fuite des réserves de change. Or leur niveau s’est stabilisé entre 4,6 et 5,1 mois d’importations de biens et de services, selon les estimations du HCP et de BAM.
Pour rappel, le FMI a renouvelé en décembre sa ligne de précaution et de liquidités au Maroc à hauteur de 3 milliards de dollars. Cette réserve de fonds vise à protéger le Royaume d’éventuels chocs commerciaux extérieurs, comme l’envolée du prix des hydrocarbures.