Malgré les concessions de Macron, les Gilets jaunes restent mobilisés

Au cours d'une allocution télévisée le 10 décembre, le président français a dévoilé une série de mesures visant à apaiser la gronde des Gilets jaunes. Augmentation du Smic, hausse de la CSG annulée, lutte contre l'évasion fiscale... Des annonces insuffisantes pour les membres du mouvement revendicatif qui appellent à un "acte V" de mobilisation.

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AFP

Treize minutes pour tenter de répondre à la crise des Gilets jaunes. C’est le temps pris par Emmanuel Macron, le 10 décembre au soir, pour annoncer une série de mesures visant à calmer la colère du mouvement revendicatif des Gilets jaunes qui agite la France depuis plus de trois semaines. Une intervention télévisée aux airs de « mea culpa » qui a été suivie par plus de 21 millions de téléspectateurs.

Disant décréter « l’état d’urgence économique et social », et considérant que la France se trouvait dans un « moment historique », le chef d’État a estimé nécessaire de mettre en place les réformes suivantes : amélioration du pouvoir d’achat, augmentation du Smic, annulation de la hausse de la CSG, pas de retour de l’ISF… Au total, ces mesures coûteront « entre 8 et 10 milliards », a confirmé le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux.

Critiqué à droite comme à gauche, le discours du président Macron a été perçu comme « timide », « déconnecté de la réalité », « décevant », ou encore « ridicule », voire « inefficace ». Puisqu’à la suite de cette allocution de nombreux protestataires ont annoncé leur détermination à poursuivre les blocages et ont appelé à un « acte V » de la mobilisation ce week-end dans toute la France.

Dans l’après-midi du 11 décembre, le Premier ministre, Édouard Philippe, sera appeler à détailler les annonces présidentielles devant les députés. L’Élysée convoquera également, les 11 et 12 décembre, les représentants des banques et des grandes entreprises pour leur demander de « participer à l’effort collectif » face à la crise. La Commission européenne a indiqué pour sa part qu’elle étudierait attentivement l’impact budgétaire de ces mesures.

Augmentation de 100 euros des salaires au niveau du Smic

« Le salaire d’un travailleur au Smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019, sans qu’il en coûte un euro de plus pour l’employeur », a annoncé Emmanuel Macron. Mesure phare réclamée par les Gilets jaunes, cette augmentation de 100 euros du revenu d’un « smicard » passera par une hausse de la prime d’activité – versée par l’État – et un abaissement des cotisations sociales. En prenant en compte la première baisse des cotisations sociales engendrée en octobre dernier par l’Exécutif, laquelle avait déjà augmenté de 20 euros le salaire net du Smic, avec cette nouvelle réforme les « smicards » ne toucheront en réalité « que » 80 euros supplémentaires.

Emmanuel Macron a également demandé aux employeurs qui le peuvent de « verser une prime de fin d’année » qui ne sera pas fiscalisée et n’induira aucune charge. Pour la CGT, le président « n’a rien compris de la colère qui s’exprime ». L’UNSA, quant à elle, a regretté que rien ne soit prévu pour les fonctionnaires, souvent proches du Smic.

Pas de retour de l’ISF, lutte contre l’évasion fiscale

Dans son intervention, Macron a également écarté un retour sur la suppression de l’ISF (impôt sur la fortune), l’impôt qui taxait les ménages les plus fortunés et dont l’abolition, au début de son mandat, avait été vécue comme une injustice par les Gilets jaunes. Selon lui, la transformation de l’ISF pour inciter à des investissements productifs a permis de créer des emplois, « revenir en arrière nous affaiblirait », a assuré le président. Et d’ajouter dans ce sens : « Nous avons besoin que les grandes entreprises et les plus fortunés aident la Nation à réussir ».

Le président français a aussi informé qu’il « les réunirait » – les chefs d’entreprises – dans la semaine, sans toutefois indiquer de date. C’est aux mêmes dirigeants que Macron a demandé de « payer leurs impôts en France ». Se plaçant dans la lignée du combat européen pour la taxation des Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft), le chef d’État a déclaré que le gouvernement et le Parlement iront plus loin dans « pour mettre fin à l’évasion fiscale en France ».

Hausse de la CSG annulée pour les retraites de moins de 2.000 euros

Durant sa campagne, le candidat Macron avait annoncé qu’il demanderait un « effort » aux retraités afin de rebooster l’économie du pays en augmentant de 1,7% la CSG (Contribution sociale généralisée) et en baissant dans le même temps les cotisations sociales. Une mesure, votée dans le budget 2018, qui avait provoqué la gronde des retraités voyant leur pouvoir d’achat impacté. A noter que seuls les retraités gagnant moins de 1.200 euros environ étaient dispensés de cette hausse.

Considérant dans son discours télévisé que les retraités constituaient « une partie précieuse de la Nation », le président de République française a fait marche arrière en déclarant que « pour ceux qui touchent moins de 2.000 euros, nous annulerons en 2019 la hausse de la CSG qui a été subie », et d’avouer que la précédente augmentation réclamée aux retraités était « trop importante » et « pas juste ». L’exonération de la hausse de la GSG pour les retraites inférieures à 2.000 euros sera financée par l’État. Plus tôt dans la matinée, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, avait pourtant promis que le gouvernement ne changerait pas la donne à ce sujet.

Défiscalisation des heures supplémentaires 

Affichant une volonté de « renouer avec l’idée juste » que « le surcroît de travail accepté constitue un surcroît de revenus », Emmanuel Macron a annoncé que les heures supplémentaires seront versées « sans impôt ni charges » à compter du 1er janvier 2019. Une réforme de « désocialisation » des heures supplémentaires – c’est-à-dire la suppression des cotisations salariales sur ces heures – déjà évoquée par le candidat Macron, et qui n’est pas sans rappeler le célèbre « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy. Ce dernier avait, en effet, mis en place cette mesure sous son quinquennat, avant, qu’en 2012, François Hollande ne l’annule.