Tout ce qu'il faut savoir sur le pacte mondial qui sera signé à Marrakech

A quelques jours de la signature du pacte mondial des Nations unies pour des "migrations sûres, ordonnées et régulières" lors d’un sommet sous l'égide de l'ONU les 10 et 11 décembre à Marrakech, à l'international le texte suscite frictions et interrogations. Décryptage d'un document qui fera office de référence mondiale sur une thématique qui déchaîne les passions.

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Le PMM contient 23 objectifs que les pays signataires devront essayer d'atteindre au moins d'ici 2022. Crédit: AFP

Pour la première fois, la migration fera l’objet d’un pacte mondial. Ce document de 41 pages, qui sera signé à l’issue d’un sommet organisé à Marrakech les 10 et 11 décembre prochains, a fait l’objet de vives contestations émanant des pays non signataires comme la Hongrie, Israël ou encore les États-Unis. Décliné en 23 objectifs, le texte fera office de référence internationale dans le domaine de la migration ainsi que de sa gestion et ambitionne également de faciliter les flux migratoires. Les détails.

Des droits pour les migrants

Une des ambitions communes formulées dans le pacte mondial sur la migration (PMM) est de « sauver des vies et mettre les migrants à l’abri du danger » ainsi que de permettre leur inclusion afin de leur offrir l’occasion de devenir des « membres à part entière dans nos sociétés ».

Dans ce sens, les pays signataires du pacte onusien s’engageront à coopérer pleinement pour que les libertés fondamentales soient garanties aux réfugiés et aux migrants foulant le sol de leurs territoires. « La migration ne devrait jamais être un acte désespéré », déclare le document onusien. Si c’est le cas, les pays concernés devront se mettre d’accord pour « répondre aux besoins des migrants en situation de vulnérabilité et de résoudre les problèmes qui se posent ».

Les signataires du PMM devront également « créer des conditions qui permettent aux communautés et aux individus de vivre en sécurité et dans la dignité dans leur propre pays ». L’objectif 13 du pacte, lui, interdit les détentions arbitraires et n’autorise les arrestations qu’en dernier recours.

Papiers d’identité

Chaque individu a le droit d’avoir une identité légale. Les pays signataires du PMM s’engagent à délivrer aux citoyens « une preuve de nationalité et tous les papiers nécessaires » pour permettre aux autorités nationales et locales de s’assurer de « l’identité légale d’un migrant lors de son entrée dans le territoire, tout au long de son séjour et à son retour ».

Ils s’engagent également à prendre les mesures nécessaires pour procurer aux migrants « à toutes les étapes de leur migration, les papiers et actes d’état civil dont ils ont besoin », comme les actes de naissance, de mariage et de décès. Dans ce sens, les pays signataires de ce texte s’engagent à harmoniser les titres de voyages, conformément aux prescriptions de l’Organisation de l’aviation civile internationale, en « investissant dans la numérisation et en renforçant les dispositifs de partage des données biométriques ».

Pour tenir ces engagements, les pays du PMM entendent faciliter l’accès aux documents personnels, tels que les passeports et les visas ainsi que de renforcer les dispositions qui visent à réduire les cas d’apatridie, en enregistrant « les naissances des migrants » et en veillant à ce que les femmes et les hommes puissent transmettre leur nationalité à leurs enfants nés sur le territoire d’un autre pays.

Favoriser la mobilité des travailleurs

Le PMM a également pour objectif de faire en sorte que les filières de migrations régulières soient plus accessibles en vue de favoriser « la mobilité de la main-d’œuvre et le travail décent » et pour « répondre aux besoins des migrants qui se trouvent en situation de vulnérabilité ».

C’est dans cette optique que l’objectif 6 du PMM appelle la communauté internationale à favoriser des pratiques de recrutement justes et éthiques et à assurer les conditions d’un travail décent. Ainsi, une des mesures proposées est de promouvoir la signature et la ratification des instruments internationaux relatifs à la migration internationale de la main-d’œuvre, aux droits du travail, au travail décent et au travail forcé.

D’autre part, le document onusien préconise d’interdire « la confiscation ou la rétention non consensuelle des contrats de travail, des titres de voyage ou des papiers d’identité des migrants » pour empêcher la maltraitance, l’exploitation, le travail forcé et obligatoire.

Dans son 18e objectif, le pacte invite les pays ayant approuvé le document à faciliter la reconnaissance mutuelle des aptitudes, des qualifications et des compétences pour améliorer « l’employabilité des migrants sur le marché du travail formel dans les pays à destination et dans leur pays d’origine » et pour « garantir que la migration de main-d’œuvre conduise à [l’obtention] d’ emplois décents ».

Pour évaluer les progrès des pays signataires au niveau local, national et régional, les Nations unies mettront en place un système de suivi. Le Forum d’examen des migrations internationales sera ainsi la principale structure intergouvernementale permettant aux Etats signataires du PMM de débattre et de s’informer de leurs progrès respectifs. Cette rencontre aura lieu tous les quatre ans à partir de 2022.

Informer les migrants

Dans le troisième objectif, les Nations unies se fixent pour but de créer un site web centralisé sur lequel de potentiels migrants pourront consulter toutes les informations relatives à la migration régulière comme « les lois et politiques en matière d’immigration, les critères et formalités d’obtention, le coût et les modalités de conversion des visas, les critères d’obtention d’un permis de travail »  ou encore « le niveau de qualification professionnelle requis », indique le texte onusien .

Pour venir en aide aux migrants, les signataires du pacte s’engagent à installer, le long de certaines routes migratoires, des points d’information pour « orienter les migrants vers des services d’appui et de conseil adaptés aux enfants et sensibles à la problématique femmes-hommes ». Les migrants auront également la possibilité de « communiquer avec les représentants consulaires des pays d’origine ».

Une base de données pour la migration

La première ambition listée dans le PMM consiste à collecter et à utiliser des données précises et ventilées qui serviront à l’élaboration de politiques fondées sur la connaissance des faits. À travers cet engagement, les Etats partie prenante espèrent « étoffer la base de données factuelles sur les migrations internationales en améliorant, par des investissements adéquats, la collecte, l’analyse et la dissémination de données précises, fiables et comparables, ventilées par sexe, âge, statut migratoire et toute autre caractéristique applicable à un contexte national donné ». Ces données se feront tout « en défendant le droit à la vie privée » et en protégeant « les données personnelles ».

Le développement durable pris en compte

En signant le PMM, les pays qui y ont adhéré s’engagent à lutter contre les facteurs négatifs et les problèmes structurels qui poussent les personnes à quitter leur pays d’origine. Pour ce faire, ils devront créer les conditions politiques, économiques, sociales et environnementales pour permettre aux individus de vivre dans leur propre pays « sans violence, de manière productive et dans des conditions viables ». Les pays de l’ONU s’engageront également   exécuter « pleinement » le Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Un pacte non contraignant

Si 23 objectifs sont listés pour les pays signataires du PMM, le pacte est toutefois un texte « non contraignant ». Cela signifie donc que l’ONU ne peut pas forcer les États membres à appliquer certaines dispositions du texte afin de respecter la « souveraineté » de chacun d’entre eux.  Le texte se veut être un « cadre de coopération juridiquement non contraignant, qui repose sur les engagements convenus par les États membres dans la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants », indique le document onusien.