Les applications scientifiques des satellites Mohammed VI A et B 

Le duo de satellites d'observation Mohammed VI « A & B » scrute la Terre à 700 kilomètres au dessus de nos têtes. Outre les applications sécuritaires, ces images  sont précieuses pour les scientifiques, notamment en matière d’environnement, d’agriculture, et d’urbanisme. Des spécialistes nous expliquent.

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Le satellite Mohammed VI-B installé sur la rampe de lancement, en Guyane française.

Depuis le lancement du satellite marocain d’observation Mohammed VI B qui a décollé de Kourou en Guyane dans la nuit du 20 novembre, pour rejoindre son frère jumeau Mohammed VI A en orbite à 700 kilomètres de la Terre, le tandem fournit plus de 500 images par jour en haute résolution de n’importe quel point de la terre. Si l’un des objectifs assignés à ce tandem est sécuritaire – sécurisation des frontières liée à la lutte contre les réseaux criminels (trafics illicites, terrorismes) et surveillance du littoral (reconnaissance de navires et pollutions) – cette imagerie spatiale constitue aussi pour les scientifiques une aubaine pour le développement de plusieurs secteurs, notamment l’environnement, l’agriculture et l’urbanisme.

Un plus pour la politique environnementale

« Le duo satellitaire marocain permettra un meilleur suivi des changements environnementaux et territoriaux », explique Abdelghani Boudhar, enseignant-chercheur et expert en télédétection spatiale appliquée à la surveillance de l’environnement. Il explique : « les images fournies par les deux satellites auront plusieurs applications opérationnelles dans divers secteurs, notamment la gestion des ressources naturelles et des catastrophes, la promotion de l’agriculture ainsi que l’optimisation de la consommation des ressources hydriques ».

Selon la même source, cette technique permettra également d’observer les systèmes météorologiques et leur évolution pour anticiper des phénomènes atmosphériques comme la canicule, les tempêtes et les inondations. « La résolution optimale des images envoyées en permanence par les deux satellites contribue à la détection des anomalies et à la mise en œuvre des mesures de précaution contre les phénomènes atmosphériques comme les inondations, les glissements de terrain, ainsi que les risques liés à la dégradation du sol, » explique-t-il.

Les données récoltées permettront par ailleurs d’optimiser l’utilisation des ressources hydriques du pays. « L’imagerie spatiale peut être utilisée pour établir la cartographie des cultures, estimer les besoins en eau par région, et évaluer la disponibilité des ressources en eau disponible, » souligne Abdelghani Boudhar.

Affermir l’agriculture

L’agriculture sera d’ailleurs l’un des secteurs-clés de l’économie marocaine à bénéficier de cet outil. « La télédétection constitue une réelle avancée pour le Maroc qui dispose désormais d’une imagerie de très haute qualité sur les vastes champs cultivés », explique Ballaghi Riad, enseignant-chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique.

En matière de politique publique, « la télédétection sera par exemple d’une grande utilité pour les gestionnaires et décideurs politiques qui auront une idée précise et détaillée sur les types de cultures cultivées par région, et sur la production agricole estimée. Elle servira également à la gestion de l’occupation des terres », explique notre source.

Par ailleurs, les universitaires et chercheurs, en disposant des images satellites instantanées, ils « seront mieux outillés pour concevoir des applications de gestion des terrains arables et de création des cartes de disponibilités des milieux de culture ». Ces applications permettront notamment de réaliser des économies d’eau, et de protéger l’environnement, révèle Abdelghani Boudhar.

Une aubaine pour l’urbanisme

L’évolution des espaces urbains constitue un autre défi. Pendant de nombreuses décennies, l’obtention de données portant sur l’étalement urbain reposait principalement sur des photographies aériennes. « Désormais, les satellites Mohammed VI A et B fourniront des images à très haute résolution spatiale avec une fréquence journalière qui seront d’un apport considérable en urbanisme et en aménagement du territoire », se félicite Mourad Bouziani, enseignant-chercheur à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II de Rabat en topographie et géomatique.

Dans le domaine de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, l’imagerie satellitaire a quatre applications majeures, nous explique Mourad Bouziani. Tout d’abord, la gouvernance du foncier bénéficiera des images de grande qualité qui seront à la base des projets d’immatriculation foncière ordinaire et d’immatriculation foncière d’ensemble. Ces images permettront également de produire des cartes topographiques et de mettre à jour la cartographie existante. Elles contribueront, en outre, à avoir une vision exhaustive de l’ensemble du territoire ce qui aidera dans l’étude du tissu urbain dans sa globalité et l’établissement des schémas urbains directeurs. Enfin, l’interprétation des images satellitaires, permettra notamment de détecter les évolutions des périmètres urbains : infrastructures, nouvelles habitations, de suivre l’évolution de l’urbanisme et de détecter à temps les constructions non autorisées et bidonvilles, détaille l’expert.