Le satellite marocain d’observation Mohammed VI — B a décollé de Kourou en Guyane dans la nuit du 20 novembre, à bord d’un lanceur Vega d’Arianespace. En moins d’une heure, il avait rejoint en orbite son frère jumeau, le satellite Mohammed VI — A lancé en novembre dernier. Grâce à ce tandem à 694 km de la Terre, le Maroc est capable d’obtenir une image d’une résolution de 70 cm de n’importe quel point de la planète en moins de 24 heures.
Le Maroc avait signé en 2013 un accord à 500 millions d’euros avec la France pour l’achat et le lancement de ces deux satellites construits par Airbus Defence & Space et Thales Alenia Space. La durée de vie de ces deux satellites qui pèse un peu plus d’une tonne chacun est de 5 ans.
Selon Arianespace, ils serviront « aux activités cartographiques et cadastrales, à l’aménagement du territoire, au suivi des activités agricoles, à la prévention et à la gestion des catastrophes naturelles, au suivi des évolutions environnementales et de la désertification ainsi qu’à la surveillance des frontières et du littoral. » Mais ces images — réceptionnées par le Centre royal de télédétection spatiale (CRTS) placé dans le giron de la Gendarmerie royale — permettent aussi « de connaître et de traquer les moindres mouvements et déplacements des séparatistes du Polisario, et ce, chaque jour, chaque minute et chaque seconde, »a reconnu l’ambassadeur marocain à l’ONU Omar Hilale.
L’Espagne s’était montrée inquiète que le Maroc accède à une telle technologie. « Le Maroc est un pays ami, avec lequel nous maintenons une coopération intense et fructueuse, essentielle pour freiner l’immigration clandestine ou prévenir les attentats terroristes. Néanmoins, il n’est agréable pour personne, pas même un ami, que l’on fouille votre cuisine » , prévenait un stratège militaire espagnol cité par El Pais en octobre 2017. « En outre, il existe une série de litiges plus ou moins latents [Sebta et Melilia, la délimitation des eaux territoriales] qui nous invitent à ne pas baisser la garde. Notre dissuasion a toujours été basée sur l’avantage technologique, mais si cet avantage se rétrécit, la dissuasion peut être diluée, » ajoute-t-il.
L’Espagne bénéficie en effet du programme européen Helios, encore plus précis que Pleiades, à tel point qu’il n’est réservé qu’à un usage militaire. Néanmoins, l’Espagne n’est actionnaire qu’à 2,5 % du programme Helios, et ne dispose donc que de 2,5 % de son temps d’utilisation. Selon des sources militaires, citées par El Pais, lors de la crise de l’îlot Persil/Leila en juillet 2002 entre Rabat et Madrid, les images d’Hélios n’ont pu être obtenues en temps voulu en raison de « problèmes techniques« . Comprendre que les Européens n’ont pas laissé la main à l’Espagne pour prendre le contrôle du satellite.