Les administrations publiques, et les collectivités territoriales en particulier, doivent acquitter leur dû aux entreprises. Car tout retard de paiement peut entraîner des cas de faillites et, corrélativement, de nombreuses pertes d’emplois », avait martelé le roi Mohammed VI lors de son discours du 20 août dernier.
Trois mois après l’avertissement royal, le ministère de l’Économie et des Finances a mobilisé ses services pour mettre fin, sinon réduire, les retards de paiement impliquant les établissements et entreprises publiques (EEP). Dans ce sens, le ministre de l’Economie Mohamed Benchaaboun a publié, le 18 septembre, une circulaire adressée aux responsables des EEP et les mettant en garde contre le dépassement des délais de paiement.
Le texte les appelle notamment à revoir et faciliter les procédures relatives à la commande publique, à définir les responsabilités, et veiller au traitement des réclamations émanant des fournisseurs par le biais du portail électroniques « Ajal ». En vertu de cette circulaire, les EEP sont également tenus de mettre en place un système informatisé pour constater les évolutions des créances, mais également de publier des rapports concernant ces créances et leurs délais de paiement de manière ponctuelle.
Une plateforme pour les doléances
Dans la foulée de sa circulaire, le ministre de l’Economie a lancé, le 4 octobre, une plateforme électronique consacrée à la réception et au traitement des réclamations des fournisseurs concernant les délais de paiement de leurs prestations par les EEP. « Cette plateforme a été établie selon une approche participative impliquant les différentes parties prenantes notamment, la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et les EEP » souligne un communiqué du ministère de l’Économie et des Finances .
L’objectif de cette plateforme ? « Fluidifier les échanges et la communication entre les fournisseurs et les EEP, identifier les causes des retards de paiement, leur apporter les solutions adéquates et améliorer les délais de règlement des fournisseurs des EEP », explique la même source.
Selon l’hebdomadaire La Vie Eco, la plateforme de réclamation comptait 80 fournisseurs inscrits au 9 novembre. Parmi eux, 12 fournisseurs ont déposé 30 réclamations concernant 12 EEP représentant près de 57 millions de dirhams de créance. La majorité des réclamations émane du secteur des études et conseil (77%). Environ la moitié de ces réclamations, d’un montant total de 46,3 millions de dirhams, ont été traitées entre le 9 et 13 novembre tandis que 18 réclamations d’un montant total de 10,5 millions de dirhams sont en cours de traitement.
La CGEM mobilisée
Suite à la circulaire du ministère de l’Économie et des Finances, la CGEM s’est aussi mobilisée pour accompagner ce changement. « Nous avons constitué des groupes de travail, notamment un premier avec Khalid Safir, directeur général des collectivités locales (au ministère de l’Intérieur, ndlr), et un deuxième avec la DEPP (Direction des entreprises publiques et de la privatisation, ndlr) au ministère des Finances, afin de résoudre la problématique du non-respect des délais de paiement », déclare Hammad Kassal, président de la Commission Financement et délais de paiement de la CGEM.
La commission a également établi un état des lieux de la situation actuelle des créances. « Nous avons envoyé un canevas à l’ensemble des entreprises pour nous renseigner de leurs situations vis-à-vis des collectivités territoriales, des entreprises publiques et des entreprises privées », a souligné Hammad Kassal. Et d’ajouter que « ceci nous permettra de concevoir une stratégie à même de résoudre le problème de règlement des factures en suspens, et ce, en partenariat avec les autres parties prenantes ».
Outre le problème des factures en suspens, « les entreprises privées font face à la complexité des procédures administratives ». Par exemple, souligne Hammad Kassal, « le délai de paiement de 56 jours annoncé par la tutelle démarre à partir du moment où l’administration accepte et accuse la réception de la facture. Or, le dossier peut éventuellement trainer jusqu’à 6 mois au niveau des administrations publiques avant qu’il ne soit traité. Cette situation est encore plus compliquée, car elle échappe au contrôle de l’administration centrale ».
Sur ce volet, ajoute notre source, « il est indispensable d’opter pour la simplification globale et la digitalisation des procédures permettant de minimiser les délais de paiement, mais également, le contact entre l’ordonnateur, ou le comptable, et l’entreprise ».
Le « shaming » en dernier recours?
D’autres mesures sont actuellement menées pour assurer le respect des délais de paiement. Contacté par nos confrères de La Vie Eco, Abderrahmane Semmar, patron de la direction des entreprises publiques et de la privatisation (DEPP) au ministère des Finances, a évoqué la réduction du délai à 56 jours, soit moins que le délai légal (60 jours pour le public, à raison de 45 jours pour l’ordonnateur et 15 jours chez le comptable public).
Pour les créances en souffrance, les prestataires touchés ont le droit de saisir directement l’établissement concerné, lequel doit expliquer les raisons du blocage dans un délai maximal de 10 jours, et ce, à travers le ministère des Finances, rapporte la même source.
En outre, le Maroc serait prêt à mettre en place une « name and shame list », ou nommer et couvrir de honte. Il s’agit d’un moyen de dénoncer publiquement toute entreprise qui se serait mal comportée. « Nous donnons la priorité aux chantiers, mais nous allons sûrement nous acheminer vers la publication de cette liste efficace pour assainir les habitudes de paiement dans les milieux des affaires », annonce le directeur de la DEPP à la Vie éco.