L'antidumping marocain sur l'acier turc est "injustifié" selon l'OMC

Dans un rapport publié le 31 octobre, l'OMC conclut que les mesures antidumping du Maroc sur l'acier turc sont injustifiés et ne respectent pas les dispositions de l’Accord antidumping.

Par

Crédit : Yassine Toumi

Le Maroc perd une bataille dans l’affaire du dumping sur l’acier qui l’oppose à la Turquie. Le 12 janvier 2017, suite à l’échec de consultations entre Turcs et Marocains, une délégation turque avait demandé à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) la mise en place d’un groupe spécial sur le sujet auprès de l’Organe de règlement des différends de l’organisation.

Ce groupe, composé d’experts sélectionnés, constitue une sorte de tribunal chargé de rendre des décisions juridictionnelles pour régler les différends entre membres de l’OMC. Le 31 octobre, le groupe spécial a rendu ses conclusions. L’application des droits antidumping de 11% par le Maroc sur l’acier laminé à chaud en provenance de Turquie ne respecte pas les règles fixées par l’OMC, selon les conclusions du groupe spécial.

Le rapport reproche ainsi au Maroc de ne pas avoir respecté les dispositions de l’Accord Antidumping de l’OMC dans la conduite de son enquête qui a précédé l’instauration de barrières tarifaires. L’article 6.8 de cet accord dispose que : « dans les cas où une partie intéressée refusera de donner accès aux renseignements nécessaires ou ne les communiquera pas dans un délai raisonnable, ou entravera le déroulement de l’enquête de façon notable, des déterminations préliminaires et finales, positives ou négatives, pourront être établies sur la base des données de fait disponibles. »

En effet, le ministère délégué chargé du Commerce extérieur (MDCCE) s’est basée sur des données disponibles pour établir les marges de dumping, alors même que les producteurs ont fourni dans les délais les chiffres relatifs à leurs exportations. « Nous concluons que le recours du MDCCE aux données de fait disponibles en ce qui concerne la non-déclaration alléguée par les producteurs de la totalité de leurs ventes à l’exportation est incompatible avec l’article 6.8, » écrit le groupe de l’OMC.

Pour la même source, l’article 6.9 de l’Accord antidumping n’a pas, non plus, été respecté. « Avant d’établir une détermination finale, les autorités informeront toutes les parties intéressées des faits essentiels examinés qui constitueront le fondement de la décision d’appliquer ou non des mesures définitives. Cette divulgation devrait avoir lieu suffisamment tôt pour que les parties puissent défendre leurs intérêts, » dispose l’article.

Or, le MDCCE n’a pas informé les exportateurs d’acier turcs des éléments ayant conduit à l’établissement de la marge antidumping de 11%. « En conséquence, nous constatons que le MDCCE a agi d’une manière incompatible avec l’article 6.9 en ne divulguant pas les données sur les prix et les ajustements utilisées pour établir les marges de dumping des producteurs sur la base des données de fait disponibles, » conclut le rapport.

L’enquête antidumping de la MDCCE avait conclu que la branche de production nationale, constituée d’un seul producteur national, Maghreb Steel, avait subi un dommage ayant pris la forme d’un « retard important dans la création de la branche de production nationale ».

Le rapport du groupe spécial de l’OMC s’aligne, lui, sur la position adoptée par Ankara. La Turquie avait nié tout lien entre le retard de l’établissement de la branche de production nationale d’acier laminé à chaud et les importations turques. « Nous convenons donc avec la Turquie qu’il peut y avoir violation indépendante de l’article 3.1 lorsqu’un acte ou une omission erroné, tel qu’une constatation erronée selon laquelle la branche de production nationale en question est non établie, entache l’analyse globale du dommage, » constate le rapport.

Enfin, le rapport note également que les articles 3.1 et 3.4 de l’Accord Antidumping déterminant les critères pour juger de l’existence d’un dommage n’ont pas été respectés. « Le MDCCE a agi d’une manière incompatible avec l’article 3.1 et 3.4 de l’Accord antidumping en n’évaluant pas 5 des 15 facteurs relatifs au dommage énumérés à l’article 3.4, en particulier, le retour sur investissement; les effets négatifs, effectifs et potentiels, sur le flux de liquidités; la croissance; les salaires; et la capacité de se procurer des capitaux ou l’investissement, » pointe le rapport.

Des conclusions en défaveur du Maroc donc, qui vont l’obliger à reculer sur les droits antidumping appliqués sur l’acier turc. Sauf si le Royaume fait appel de la décision dans les 60 jours.

à lire aussi

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer