Un autre train a failli dérailler le 16 octobre, jour du funeste accident de Bouknadel. C’est ce qu’indique le rapport d’enquête sur le drame, consulté par nos confrères de Medias24. Le document détaille les faits de cette triste journée à travers divers témoignages et interrogatoires.
Selon le rapport, trois trains ont traversé la gare de Sidi Bouknadel en se dirigeant vers le nord le 16 octobre: le train n°153 reliant Casablanca à Tanger qui était à la gare à 09H00, le train n°111 qui assurait la liaison entre Marrakech et Fès, passé une demi-heure plus tard, et enfin le TNR9 reliant Kénitra à Casablanca qui a traversé la gare à 10h15.
L’enquête révèle également que les passages des deux premiers trains ont eu joué un rôle – indirect – dans le drame qui a coûté la vie à sept personnes et fait plus de 125 blessés. Plus précisément c’est un changement d’aiguillage, ayant entrainé un changement de voie, qui est à l’origine de cet accident selon le rapport.
Le tronçon emprunté par le TNR9 au niveau de Bouknadel se divise en trois voies. Deux voies de ces voies, dites traditionnelles, simplement nommées «voie 1» et « voie 2 », sont empruntées actuellement par l’ensemble des trains traversant le tronçon. Dans les deux gares de Salé puis à Bouknadel, les trois trains se dirigeant vers le nord empruntent la voie 1.
Or, « l’enquête montre que les services de sécurité et de circulations des trains ont décidé ce jour-là, un changement de voie de la n°1 vers la n°2», indique Medias24. L’origine de cette décision ? «Un problème technique au nord de Sidi Taïbi, sur la voie n°1», souligne le rapport, sans donner plus de précision. Les trains se dirigeant vers le nord du pays doivent changer de voie dans la localité de Sidi Taibi, située entre Bouknadel et Kénitra.
Ce changement de voie évite le déraillement du train n°153, reliant Casablanca à Tanger. Des secousses se font ressentir dans le véhicule comme en témoigne Tarik A. , un passager cité dans le rapport d’enquête : «Dans le même wagon, il y avait trois employés de l’ONCF. Vers 09H05, le train a connu une énorme secousse. J’ai perdu l’équilibre et mon laptop est tombé par terre».
La panique s’empare alors des passagers que des employés de l’ONCF ont dû rassurer, d’après le rapport d’enquête. Sur les réseaux sociaux, certains voyageurs affirment que le wagon s’est presque couché. Une frayeur qui poussera un employé de l’ONCF à alerter un supérieur auquel il déclare : «le train a failli dérailler» selon Tarik A. Cet employé demandera ensuite à ce que l’aiguillage au niveau de Sidi Taibi soit vérifié précise la même source.
Un bien pour un mal ?
Les procédures de sécurité s’enclenchent. «Les contacts se multiplient entre des responsables ONCF, l’employé témoin, le contrôleur et le binôme qui conduit le train. Des contrôles sont immédiatement effectués, le train est examiné sous toutes les coutures, ainsi que le système d’aiguillage et les rails», raconte Medias24. Ces vérifications avaient pour but de s’assurer que l’installation technique était en parfait état.
A titre de précaution, un responsable de l’ONCF demande à ce que le changement de voie se fasse non pas au niveau de Sidi Taïbi, mais à Bouknadel, lieu du drame. Un bien pour un mal ? Selon le rapport d’enquête, la signalisation a correctement fonctionné. Idem pour l’état technique des rails, du train et de l’aiguillage qui sont hors de cause.
Dans le rapport d’enquête, le chef de train n°153 reconnait ne pas avoir fait attention à la présence de signalétique annonçant le changement de voie. Ce n’est qu’à la dernière minute qu’il réalise que la vitesse est limitée à 100 km/h alors que le train roulait à une vitesse située entre 150 et 160 km/h. Confronté aux images vidéo des panneaux de signalisation, enregistrées par le train lui-même, il reconnait alors avoir eu «une absence».
Un conducteur déconcentré ou une signalisation défaillante ?
Le deuxième train, reliant Marrakech à Fès, traverse Boukandel sans encombre. Selon les versions des témoins, le conducteur et son chef de train voient bien les trois ou quatre panneaux de signalisation lumineuse qui indiquent à l’avance le changement de voie puis ordonnent de limiter la vitesse à 60 km/h. Ce voyage sans incident précède le drame.
Le TRN9 arrive vers 10h15. Son tandem de conduite est composé du chef du train mort dans l’accident, et du conducteur. Blessé, ce dernier sera interrogé cinq fois après par les enquêteurs, et fera l’objet d’une interdiction de quitter le territoire.
L’excès de vitesse est dès lors mis en cause. «Cela peut être une responsabilité du conducteur ou une responsabilité de la signalisation», analyse Medias24. Le chronotachygraphe (appareil qui enregistre la vitesse du train à tout instant) signale une vitesse supérieure à 157 km/h. Le rapport d’enquête avance que la signalisation lumineuse a correctement fonctionné et qu’elle limitait la vitesse à 60 km/h tout en annonçant un changement de voie. Une présumée responsabilité que nie farouchement le conducteur, renvoyant la balle à la signalisation qui, dit-il, ne fonctionnait pas.
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous
Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer