“Yes we coin !” Ghita El Kasri, Ghali El Kasri et Hassan Lahlou affichent fièrement sur leur tee-shirt le slogan évocateur de leur start-up, qui a tout pour devenir grande. A quelques jours du lancement de leur ICO (Initial Coin Offering — méthode de levée de fonds spécifique aux crypto-monnaies) prévue le 18 octobre, ils affichent, dans un café branché de la capitale économique qui les a vus naître, une mine réjouie et une énergie débordante. L’aboutissement de deux ans de travail acharné, mais aussi le début d’un rêve : rendre effective leur propre blockchain, qui veut marquer sa différence. “Pour construire un modèle vraiment efficient, on est partis de notre propre expérience clients, en listant tous les problèmes rencontrés sur les plateformes de bitcoins classiques : piratage, délais de transaction trop longs, coûts élevés… et on a trouvé des solutions pour les résoudre”, explique Ghali, 20 ans, autodidacte passionné, devenu un véritable expert en bitcoins
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Un rêve californien
C’est à Orlando que naît l’idée de “United Coin”. Hassan, jeune diplômé de l’University of Central Florida (UFC) en finance de marchés, fait un stage dans une institution financière américaine. Avec son manager Derek Jones, ils ont la même passion pour la blockchain et les monnaies cryptées, et décident de monter leur propre structure. Avec son amie d’enfance Ghita, qui fait ses études à l’ESSEC Paris, il échange sur ses projets, si bien que la jeune fille commence à être “titillée” par la blockchain. Elle part en échange universitaire à New York, et “c’est là que commencent à surgir des idées entrepreneuriales”, se souvient-elle. En apprentissage chez IBM puis en banque d’investissement à Paris, son intérêt pour les crypto-monnaies se précise. “On était complémentaires, lui dans la finance de marchés et moi dans la finance d’entreprise”, explique-t-elle. Ghita en parle ensuite à son frère, Ghali, qui code depuis son plus jeune âge et est alors en classe prépa maths-physique. C’est pour lui une révélation : “J’ai commencé à coder la blockchain, à rencontrer des experts, j’ai même créé une association de blockchain dans mon école”, se souvient le jeune homme de 20 ans. “Il ne voyait plus personne, il parlait, respirait, mangeait blockchain ! A tel point qu’en trois mois, il nous a largement dépassés sur le côté technique”, s’amuse sa sœur. En novembre 2017, Ghita et Ghali décident de rejoindre Hassan — qui a entre-temps travaillé en tant que trader dans la salle des marchés de BMCE Capital Market — et Derek sur leur projet “United Coin”.
Incubés au Mexique
En janvier, l’équipe part au Mexique, pour “pitcher pour Plug&Play Silicon Valley, le plus grand incubateur du monde”. Sur 850 start-ups, 16 sont sélectionnées. United Coin fait partie des lauréats. “En mars, on s’est tous installés au Mexique, entre Guadalajara et Mexico City, pour développer le projet pendant six mois”, raconte Hassan. Chacun s’active dans son domaine : Hassan à la finance et aux investissements, Ghali à la technologie et Ghita au développement commercial. “Il y a eu des coups d’accélérateur, et aussi des coups de frein liés à la nature imprévisible du business, aux changements de législations et aux évolutions technologiques”, explique Hassan.
Avec un ancien sénateur de Floride et les fondateurs de Great Florida Bank, le board qu’ils ont constitué est prestigieux
Ils réussissent à constituer un board prestigieux : un ancien sénateur de Floride qui prête main forte sur le côté juridique, les fondateurs de Great Florida Bank, le directeur de Plug&Play, en font partie. Et recrutent près de 25 personnes : développeurs, designers, ingénieurs, chargés de relations publiques… qui travaillent aux quatre coins du monde : États-Unis, Uruguay, Mexique, Bénin, Pakistan, Japon, France… et bien sûr, Maroc. D’ailleurs, l’appel du pays se fait sentir.
Back to Casa
“On voulait tous être ensemble, alors on s’est dit : pourquoi pas rentrer chez nous, à Casablanca ?” Le rappel de l’Office des changes en novembre 2017, de l’interdiction en vigueur au Maroc des transactions effectuées via les monnaies virtuelles, ne les effraie pas. “L’avantage de notre métier, c’est qu’on n’a pas besoin d’être basés quelque part pour opérer. Même si les Marocains peuvent investir en devises, le Maroc n’est pas une cible pour l’instant, les gens prêts à investir dans les ICO sont surtout aux USA, en Russie, en Norvège, en Inde…”, explique Hassan. “Toute personne qui détient des UNITs (le nom de leur crypto-monnaie) est actionnaire de la société, nous redistribuons 20% des dividendes mensuels. C’est à la fois une action et une monnaie, on bouscule l’ancien régime financier où chaque catégorie était bien scindée”, indique Ghali. Ils comptent élargir leur équipe de développeurs marocains (une centaine d’ici six mois), mais aussi des hackers pour les superviser. Les procédures de sécurité informatique, de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent sont l’un des plus gros postes budgétaires de United Coin. “Nous faisons appel à une société qui utilise une intelligence artificielle pour détecter les documents erronés, nous pouvons avoir une vérification d’un client en moins de 10 secondes”, précise Ghali. Si les levées de fonds ont été jusque-là privées, pour assurer le démarrage du projet, l’objectif avec l’ICO est de lever 2 millions de dollars d’ici environ un mois, qui vont notamment permettre de recruter et faire du développement stratégique et marketing.
“D’ici un an, on vise un million d’utilisateurs, et 5 millions à terme”, espère Ghita. United Coin compte aussi obtenir sa propre licence bancaire, qui lui permettra d’opérer un peu partout dans le monde. Pour l’heure, des licences de bourse digitale ont déjà été obtenues en Estonie et en Suisse. Mais c’est aussi le continent africain que l’équipe vise…
Objectif Afrique
“On cherche à avoir un réel impact social”, déclare Ghita. Leur objectif : participer à la digitalisation de l’Afrique et à l’inclusion financière des Africains. “Les pays africains ne sont pas encore très bancarisés, et les intermédiaires financiers de type Western Union coûtent cher. Notre technologie est ‘mum-friendly’, on cible par exemple les mamans, qui ne sont pas habituées à utiliser Internet, en apportant une technologie qui s’adapte à la culture africaine. Les transferts d’argent pourront se faire simplement via SMS, et toutes les personnes qui seront dans le système United Coin seront ‘vérifiées’ au niveau international et disposeront d’une identité bancaire”, poursuit la jeune entrepreneure. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, les trois amis, qui “se comprennent sans se parler”, travaillent d’arrache-pied et ont une routine quotidienne. “On se lève tôt, on fait du sport ensemble, on médite pendant 20 minutes puis on se réunit pour le ‘nine AM call’, qui est essentiel pour partager nos idées”, explique Ghita. The American way of life, en direct de Dar Beida !
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