Contre le réchauffement climatique, "les années à venir seront les plus déterminantes"

Le monde devra engager des transformations « rapides » et « sans précédent », s'il veut limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, soulignent les experts climat de l'ONU (Giec), mettant en garde contre des risques accrus au-delà de ce seuil.

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Une jeune participante à la Marche pour le climat, à Marrakech en novembre 2016, en marge de la COP22. Crédit: Yassine Toumi / TELQUEL

Dans un rapport de 400 pages, dont le « résumé à l’intention des décideurs politiques » a été publié le 8 octobre, les scientifiques exposent les nombreux impacts déjà à l’oeuvre, et notamment la menace d’emballement au-dela d’1,5°C de réchauffement (par rapport aux niveaux pré-industriels): vagues de chaleur, extinctions d’espèces, ou déstabilisation des calottes polaires, source de montée des océans sur le long terme.

« Chaque petit accès de réchauffement supplémentaire compte, d’autant que passer 1,5°C accroît le risque de changements profonds voire irréversibles, comme la perte de certains écosystèmes », explique Hans-Otto Pörtner, co-président de cette session du Giec qui a réuni chercheurs et représentants des Etats toute la semaine dernière en Corée du sud.

Si le mercure continue de grimper au rythme actuel, sous l’effet des émissions de gaz à effet de serre, il devrait atteindre +1,5°C entre 2030 et 2052, note le rapport, basé sur plus de 6.000 études. Et si les Etats s’en tiennent à leurs engagements de réduction d’émissions pris dans le cadre de l’accord de Paris en 2015, ce sera +3°C à la fin du siècle.

Alors que faire, tandis que 2017 a encore vu les émissions mondiales liées à l’énergie repartir à la hausse?

Pour le Giec, pour rester à 1,5°C, les émissions de CO2 devront chuter drastiquement dès avant 2030 (-45% d’ici 2030) et le monde atteindre une « neutralité carbone » en 2050 (autrement dit il faudra cesser de mettre dans l’atmosphère plus de CO2 qu’on ne peut en retirer).

Villes, industries, énergie, bâtiment… tous les secteurs sont appelés à s’atteler à de « profondes réductions d’émissions » : rester à 1,5°C demandera « une transition rapide » et d’une ampleur « sans précédent ».

Le Giec insiste sur l’énergie – charbon, gas, pétrole étant responsables des trois quarts des émissions. Et propose plusieurs scénarios chiffrés incluant différentes combinaisons d’actions.

« Le rapport donne aux décideurs politiques l’information qu’il leur faut pour prendre des décisions tout en considérant aussi les besoins des populations », explique la sud-africaine Debra Roberts, autre coprésidente de cette réunion. « Les années à venir seront les plus déterminantes de notre histoire », estime-t-elle.

Pour la climatologue Valérie Masson-Delmotte, également à Incheon, c’est « un constat lucide et difficile: la politique des petits pas ça ne suffit pas ».

« Il nous dit ‘si on n’agit pas maintenant, on va vers un monde où on sera en permanence en gestion de crises‘ », dit-elle. « Il y a des actions en cours dans le monde, mais il faudrait les accélérer. La vraie question de la faisabilité c’est celle-là: les gens sont-ils prêts à agir, et y aura-t-il assez de volonté politique collective? »

« Nous avons cherché à voir si les conditions nécessaires pour tenir 1,5°C étaient réunies », résume Jim Skea, de l’Imperial College de Londres. « Et oui, les lois de la physique et de la chimie le permettent, ainsi que les technologies, le changement des modes de vie et les investissements. La dernière chose, à laquelle les scientifiques ne peuvent répondre, c’est si c’est faisable politiquement et institutionnellement. Nous avons remis le message aux gouvernements, nous leur avons donné les preuves, à eux de voir ».

L’Alliance des petits Etats insulaires, à la pointe du combat pour inscrire l’objectif 1,5 dans l’accord de Paris, a appelé le 8 octobre « les nations civilisées à prendre leurs responsabilités en relevant leurs efforts pour réduire les émissions ».

« Le rapport montre que nous n’avons plus qu’une occasion, des plus minces, pour éviter des dommages impensables au système climatique qui nous fait vivre », a dit Amjad Abdulla, « convaincu que les historiens regarderont ces conclusions comme un moment clé dans l’histoire des hommes ».

« Y arriverons-nous à temps? Personne ne sait », dit Kaisa Kosonen, responsable climat pour Greenpeace. « Ce qui compte maintenant est que nous décidions d’essayer et que nous en fassions notre priorité. Seulement alors aurons-nous une chance de nous protéger des impacts que la science nous annonce. »

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