Interpol demande à Pékin une "clarification" sur le sort de son président

L'organisation de coopération policière internationale Interpol a demandé samedi à la Chine "une clarification" sur la situation de son président Meng Hongwei, porté disparu depuis son départ pour son pays fin septembre.

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Meng Hongwei, président d'Interpol Crédit: AFP

Dans un communiqué, Jürgen Stock, secrétaire général de cette organisation basée à Lyon, en France, a dit attendre « une réponse officielle des autorités chinoises quant aux inquiétudes sur le sort du président » chinois d’Interpol, alors que Pékin a jusqu’ici gardé le silence sur la disparition de M. Meng, qui est également vice-ministre chinois de la Sécurité publique.

Meng Hongwei, 64 ans, n’a plus donné de ses nouvelles depuis le 25 septembre, selon son épouse, qui a fait part jeudi soir à la police française de la « disparition inquiétante » de son mari. Quelques jours plus tôt, selon des sources concordantes, M. Meng avait rejoint la Chine en avion depuis Stockholm.

Meng Hongwei fait l’objet d’une enquête en Chine et aurait été « emmené » par les autorités « dès son atterrissage » dans son pays la semaine dernière pour des motifs encore flous, a affirmé vendredi le quotidien de Hong Kong en langue anglaise South China Morning Post citant une source anonyme.

Le ministère chinois des Affaires étrangères n’a jusqu’alors pas répondu aux demandes de l’AFP. Une enquête pour disparition a été ouverte en France vendredi et Paris a fait part de son « interrogation » sur la situation de M. Meng, âgé de 64 ans, se disant « préoccupée » par des menaces reçues par son épouse. « Interrogées par le bureau de liaison d’Interpol à Pékin, les autorités chinoises n’ont pour l’heure pas apporté de précisions« , avait indiqué plus tôt samedi le ministère français de l’Intérieur. « Les échanges se poursuivent avec les autorités chinoises« .

Il s’agit de la dernière disparition en date d’un haut responsable en Chine où plusieurs dirigeants gouvernementaux, magnats et même une star se sont évanouis des semaines, voire des mois, durant. Des interrogations se multipliaient pour savoir si M. Meng, élu fin 2016 à la tête d’Interpol –organisation dont la conduite est menée au quotidien par l’Allemand Jürgen Stock–, aurait été victime de la campagne anticorruption lancée par le président Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir en 2012.

Selon des chiffres officiels, 1,5 million de responsables ont déjà été poursuivis dans le cadre de cette campagne soupçonnée de viser aussi des opposants. La Chine s’est dotée en mars d’un nouvel organe extra-judiciaire, la « Commission nationale de supervision » (CNS), pour élargir à toute la fonction publique la chasse aux corrompus. Les défenseurs des droits de l’homme se sont inquiétés de voir ainsi donner une façade légale à une répression qui s’est traduite par des détentions secrètes et des accusations de torture.

La CNS est autorisée à interroger des suspects pendant six mois. Les proches des personnes arrêtées doivent être averties dans les 24 heures sauf si cela « risque de nuire à l’enquête« . Les raisons d’une enquête visant M. Meng ne sont pas claires. Il a gravi les échelons de l’appareil sécuritaire du pays au temps où celui-ci était dirigé par un rival de M. Xi, Zhou Yongkang, qui purge actuellement une peine de prison à perpétuité.

M. Zhou, condamné en juin 2015 pour corruption, abus de pouvoir et divulgation de « secrets d’Etat », est le personnage le plus haut placé du régime chinois victime de la campagne anticorruption. Son fils et sa femme ont également été emprisonnés pour corruption en 2016 et les autorités ont ensuite continué à vouloir éradiquer son influence. M. Zhou avait nommé M. Meng vice-ministre de la Sécurité publique en 2004, un poste en charge de nombreux dossiers sensibles dont la lutte contre le terrorisme. M. Meng a ainsi dû répondre à plusieurs incidents au Xinjiang (ouest).

L’élection de M. Meng à la tête d’Interpol pour quatre ans avait provoqué les craintes de dissidents de voir Pékin utiliser l’organisation pour traquer ses opposants réfugiés à l’étranger. Interpol avait minimisé ces inquiétudes, soulignant que l’article 3 de ses statuts stipule que l’organisation « s’interdit absolument toute intervention à caractère politique, militaire, religieux ou racial« .

La Chine mène depuis 2014 une vaste traque internationale baptisée « Fox Hunt » (« Chasse aux renards ») visant des fugitifs soupçonnés d’avoir commis des malversations financières. Selon le site d’Interpol, 44 « notices rouges » sont actuellement diffusées à la demande de Pékin, la plupart liées à des meurtres, blessures volontaires et trafic de drogue.

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