Dématérialisation et traque aux fraudeurs: le directeur des impôts expose sa doctrine

Depuis sa nomination à la tête de la Direction générale des impôts en février 2015, Omar Faraj s’est attelé à moderniser l’institution. Dans un entretien accordé au mensuel Economies Entreprises, le patron de la DGI revient sur ses ambitions et les réformes entreprises par l'institution.

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Omar Faraj, directeur de la DGI. Crédit: TOUMI/TELQUEL

Dans une interview-fleuve et sans concession publiée dans l’édition d’octobre du magazine Economie Entreprises, Omar Faraj, patron de la Direction générale des impôts (DGI), se livre sans ambages sur les principaux domaines d’intervention de son administration. Lutte contre la fraude fiscale, dématérialisation des procédures bureaucratiques, rapports entretenus avec les grands groupes… L’homme rompu à la fonction publique s’épanche sur la réorganisation des impôts et sur les projets de l’institution. Extraits choisis.

La lutte contre la fraude fiscale par la modernisation des procédures

«Quelqu’un qui fraude est cyniquement dans son rôle: s’il y arrive, soit je suis complice, soit je suis incompétent», déclare Omar Faraj à Economie Entreprise. A elle seule, cette phrase résume les priorités du patron des impôts. La lutte contre la fraude fiscale, Omar Faraj en a fait l’un de ses principaux chevaux de bataille, l’assimilant à une «confrontation de type guérilla» et obligeant l’administration à «développer [son] agilité pour casser les parades que les fraudeurs inventent en permanence». 

Pour ce faire, «il a fallu construire le socle» par le biais de la digitalisation et de la télédéclaration. «Avant 2017, nous ne disposions pas de chiffres, nous décidions en fonction de données très approximatives», poursuit-il. En prenant pour exemple l’ampleur de la fraude fiscale chez les professions libérales, Omar Faraj explique par exemple que grâce à la dématérialisation, la DGI sait désormais «que 62% des médecins paient moins de 10.000 dirhams d’impôts sur le revenu». Il a ainsi annoncé que l’un des chantiers majeurs de son institution restait celui de la transparence.

Dans cet entretien, le patron de la DGI évoque également le contrôle fiscal des entreprises. «Dans un passé récent, nous ne contrôlions que 1.200 entreprises par an. Ce chiffre est passé à 10.000». La digitalisation du système y est pour beaucoup, dans la mesure où elle a permis de faire ressortir des cas de non-conformité. «Certaines entreprises fraîchement redressées estiment que la DGI devrait leur ‘lâcher la grappe’ pendant dix ans. Ma foi, c’est une logique étrange», souligne-t-il.

Concernant le cas des grands groupes, Omar Faraj indique que la DGI scrute 400 grandes entreprises en surveillant leurs déclarations. Une façon «d’anticiper sur les alertes et d’éviter d’aller au contrôle ou au contentieux».

Refonder les ressources humaines de la DGI

La digitalisation mise en oeuvre par Omar Faraj a également impacté le fonctionnement de l’administration qu’il dirige. «En enclenchant le processus de télédéclaration, j’ai choisi de nous mettre en difficulté […] C’est ainsi que nous avons rompu avec la ‘réunionnite aiguë’ qui engendre une inertie fatale», explique-t-il. Face aux lenteurs bureaucratiques, Omar Faraj prône un «passage à l’acte [pour] détricoter la complexité à mesure qu’on élargit à d’autres paliers d’action». Il ajoute que «les Marocains ont très vite pris le pli, démontrant qu’au fond c’est l’administration qui a un retard sur la société». 

Interrogé sur l’éviction, en mars dernier, de sept hauts responsables de la DGI, l’ancien directeur des domaines de l’État et des Douanes admet que «certains responsables n’étaient pas à la hauteur de leur mission, mais il y a eu de la mobilité et des promotions également».

Le haut fonctionnaire de 62 ans explique également que des cadres au sein de la DGI «étaient utilisés à contre-emploi». Il a ainsi fallu les rediriger vers «des postes plus conformes à leurs compétences», cela dans le cadre du virage digital entamé par son administration. Nul besoin donc, selon lui, d’augmenter le nombre de postes : «Si vous voulez que l’on augmente le nombre de fonctionnaires, soit ! Sachez juste que je ne les paie pas de ma poche, mais de la vôtre en tant que contribuables».

L’exemption d’impôt sur les sociétés de Renault au Maroc

Autre sujet évoqué : le pouvoir d’attractivité qu’exerce le Maroc sur les grandes entreprises. Interrogé sur l’exemption d’impôt sur les sociétés dont bénéficie Renault au Maroc, Omar Faraj avance : «Il y a ce qu’on appelle un principe de réalité. Le monde est ainsi fait, l’attractivité du Maroc en dépend». A ses yeux, le Royaume ne peut se permettre, dans le contexte actuel, de se priver d’investisseurs. «C’est facile de critiquer les choix de l’État, mais il faut savoir que les investisseurs ne se bousculent pas au portillon», lâche-t-il.

Pour Omar Faraj, si l’on ne donne rien, on n’obtient rien. C’est ainsi que les incitations fiscales ont permis «d’attirer des majors industrielles qui ont engendré plus de 100.000 emplois ». Selon lui, la vraie réforme fiscale a été engagée dans les années 1980 à l’initiative d’hommes d’État qui ont pris leurs responsabilités. Depuis, seules «des retouches circonstancielles« ont été opérées. Et au dirigeant de prévenir : «Le temps est venu d’enclencher une vraie réforme de la fiscalité : quels en seront les contours, c’est un dialogue national qui en fixera le cap».

L’intégralité de l’interview est à lire dans Economie Entreprises disponible en kiosque.

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