La planète climat entre volontarisme et catastrophisme

Le sommet mondial sur le climat de San Francisco s'est terminé le 14 septembre sur une incertitude: les dirigeants mondiaux seront-ils sensibles à la pression des villes et régions du globe, avant le prochain rendez-vous de négociations internationales en décembre?

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L'ancien maire de New York Michael R. Bloomberg en ouverture du Global Climate Action Summit de San Francisco, le 12 septembre. Crédit: AFP PHOTO / JOSH EDELSON

Les milliers de délégués – maires, gouverneurs, ONG, patrons – rassemblés pour la première fois en Californie ont oscillé toute la semaine entre voir le verre à moitié plein et le verre à moitié vide. La précédente édition de ce rendez-vous des acteurs non-étatiques des changements climatiques s’était déroulée en septembre 2017 à Agadir.

« Je vais vous dire la vérité », a dit le 14 septembre l’ancien chef de la diplomatie américaine, John Kerry. « Nous sommes très loin de l’objectif ».

« Le danger n’est pas que nous n’y arrivions pas, mais que nous y arrivions trop tard », a-t-il lancé aux délégués, énumérant la liste de catastrophes récentes, notamment les ouragans qui ont fait des centaines de milliards de dollars de dégâts l’an dernier alors qu’un autre pilonne en ce moment la côte atlantique du pays.

Les trois prochains mois sont décrits comme cruciaux par de nombreux participants pour relancer l’accord de Paris sur le climat de 2015. En décembre, 190 Etats signataires se retrouveront à Katowice, en Pologne, pour s’accorder sur les règles de mise en oeuvre du pacte.

« Les gouvernements nationaux arriveront en Pologne poussés par cette dynamique », veut croire Manuel Pulgar-Vidal, le monsieur climat de la grande ONG WWF.

Mais les préparatifs de ce rendez-vous apparemment technique sont dans l’impasse, risquant de laisser éclater au grand jour la faiblesse du pacte climatique.

La méthode adoptée en 2015 est inédite: aucune sanction n’est prévue pour les pays. Chaque Etat fixe ses objectifs de réduction des émissions – des objectifs pour l’instant largement insuffisants pour limiter à moins de 2°C la hausse de température du globe avant la fin du siècle, la Terre en étant déjà à +1°C.

C’est à ce titre que le prince Moulay Rachid avait annoncé en ouverture de la COP21, dans un discours pronnoncé au nom du roi Mohammed VI, que 52 % de la production énergétique du Maroc serait de source renouvelable à horizon 2030.

Impliquer les acteurs locaux

Maires, gouverneurs et autres dirigeants régionaux européens, asiatiques ou américains ont affirmé qu’ils pouvaient prendre le relais des Etats défaillants en accélérant le passage à l’électricité et aux véhicules propres. « Le problème se trouve dans les villes, et la solution sera dans les villes », a martelé le milliardaire américain Michael Bloomberg.

« C’est dans les villes que la plus grande bataille doit être menée », dit à l’AFP le maire de Quito, Mauricio Rodas, dont la ville est en train de construire son premier métro et prévoit de restreindre aux véhicules propres son centre historique.

Quito, comme Varsovie, Buenos Aires ou Le Cap, sont quelques-unes des villes qui ont rejoint New York, Londres, Paris, Tokyo et plusieurs Etats américains comme la Californie dans ce mouvement vers le « zéro carbone ».

Mais les cités ayant adopté les objectifs les plus ambitieux et rapides se trouvent principalement en Europe et en Amérique du Nord, dans des pays où les émissions sont sur la pente descendante depuis une décennie ou plus.

Les rejets de CO2 par la Chine, premier pollueur mondial de très loin, et le reste de l’Asie continuent à croître fortement. Au total, le monde continue à émettre toujours plus de CO2.

Descendre du train en marche

Le but des prochaines années est d’arrêter, enfin, cette croissance.

« Si nous ne parvenons pas à infléchir la courbe mondiale des émissions dans les deux ou trois prochaines années, il est extrêmement peu probable que nous parvenions à limiter la hausse de température à 2°C », dit Johan Rockström, grand climatologue suédois.

Regardez le charbon, dit-il: les humains en brûlent toujours plus chaque année.

« Nous sommes pile à la charnière. Allons-nous perdre une nouvelle décennie? Sachant que, scientifiquement, il n’y a aucune ambiguïté, nous n’avons pas les moyens de perdre encore dix ans », poursuit Johan Rockström.

Un dirigeant d’entreprise présent au sommet, Mats Pellbäck Sharp, directeur du développement durable d’Ericsson, exprime le sentiment ambiant. « Il est temps d’agir et d’arrêter de signer des déclarations ».

Rendez-vous du 3 au 14 décembre à Katowice.

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