PMA : le projet de loi adopté mécontente les professionnels de la santé

Dans les tuyaux du ministère de la Santé depuis 2013, le projet de loi 47-14 relatif à l’assistance médicale à la procréation a été adopté à l'unanimité par la Chambre des représentants le 24 juillet. Mais il suscite toujours la gronde des spécialistes de la PMA.

Par

Les députés ont adopté in extremis, le dernier jour de la session parlementaire, le projet de loi 47-14 relatif à l’assistance médicale à la procréation qui traînait dans les tiroirs depuis 2013. Si la machine avait été relancée il y a plus d’un an par l’ancien ministre de la Santé, El Houssaine Louardi, l’examen parlementaire du texte avait été reporté par son départ du gouvernement en octobre dernier.

Pas de modification substantielle

S’il a été adopté par la Chambre des représentants à l’unanimité, les associations de spécialistes de la PMA, regroupées dans le Collectif citoyen pour le droit à la parenté, sont quant à elles unanimes pour le dénoncer. En dépit du lobbying actif mené par les professionnels, le texte n’a pas été substantiellement modifié par rapport à la version présentée par le gouvernement.

Le Collectif avait mené, dans les semaines précédant son examen en commission, plusieurs réunions avec des groupes de l’opposition, tels que l’Istiqlal, le Mouvement populaire et le PAM, qui s’étaient montrés plutôt réceptifs à leurs doléances.

Le député PAM Mohamed Touimi Benjelloun, lui-même pharmacien biologiste, nous avait alors confié être en ligne avec les revendications de ses confrères. Suite à l’adoption du projet de loi, il précise que 17 des 55 amendements présentés par son groupe ont été adoptés, mais qu’ils portent sur des points de détail et n’entraînent pas de modification majeure sur le fond.

Les professionnels du secteur redoutent toutefois que cette nouvelle législation complexifie grandement cette pratique et vienne « saborder l’avenir des 850.000 couples infertiles au Maroc. Nous rejetons totalement cette loi », estime un représentant du Collectif.

Les sanctions judiciaires ne passent pas

Au cœur des critiques des spécialistes : les dispositions pénales qui prévoient jusqu’à 20 ans de réclusion et 1 million de DH d’amende pour les médecins en cas de pratiques interdites, comme l’utilisation d’ovocytes ou de sperme non issu du couple marié, ou les recherches et expérimentations sur les embryons.

Ces sanctions judiciaires sont jugées « criminelles » par les associations, qui craignent que de nombreux médecins ne veuillent plus pratiquer la PMA pour éviter le risque pénal. “Nous avons comparé avec les dispositions prévues aux Emirats, en Arabie Saoudite et en Tunisie, et ces pays n’atteignent jamais ce degré de sanction”, estime le docteur Slimani.

Sur ce volet, le Président de la commission des secteurs sociaux, Mustapha Ibrahimi, confie qu’il  aurait « aimé plus de sanctions civiles, c’est-à-dire matérielles plutôt que privatives de liberté ». Il dit également avoir souhaité « éviter l’intervention de la police judiciaire pour tout le volet inspection, mais plutôt renforcer les prérogatives de l’Ordre des médecins. Mais on n’a pas toujours ce que l’on veut… », conclut-il.

Le Collectif citoyen pour le droit à la parenté dénonce aussi des aberrations sur le plan de la technicité : « par exemple, on a pratiquement autorisé la manipulation des embryons alors que c’est quelque chose de très délicat, et on a complexifié le diagnostic préimplantatoire », déplore l’un de ses membres.

La question du remboursement, pas réglée

La loi 47-14 ne règle en outre pas la question essentielle du remboursement des actes de PMA. Alors que de nombreux couples sont contraints de contracter des crédits pour payer les soins médicaux (une fécondation in vitro coûte en moyenne 25.000 dirhams et une insémination artificielle 6.000 dirhams, mais la facture totale dépasse souvent les 100.000 dirhams), cette question fait déjà l’objet de négociations entre le ministère et les organismes d’assurance maladie concernés, parmi lesquels l’ANAM, mais aussi la CNSS et la CNOPS.

Naoufal El Malhouf, directeur conventionnement et normalisation à l’ANAM, confiait à Telquel.ma que la première étape consiste à entamer les négociations concernant la révision de la tarification nationale de référence (TNR), ce qui est « un processus assez délicat ». Mais avant d’être définitivement adopté, le texte devra encore passer par la Chambre des conseillers.

Les spécialistes du secteur confient se préparer à des actions coordonnées entre les différentes associations et espèrent encore pouvoir faire entendre leur voix.

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer