Le fléau de la publicité mensongère dans les établissements supérieurs privés

Selon le ministère de l'Education, plusieurs établissements d'enseignement supérieur privés diffusent des publicités mensongères. Un risque pour les futurs étudiants de se retrouver avec des diplômes non conformes.

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Ouverture d’établissements sans autorisations du ministère, anticipation sur la reconnaissance de l’établissement par l’Etat, utilisations des dénominations d’établissements étrangers… Le 6 juin, le ministère de l’Education a publié un communiqué appelant les établissements d’enseignement supérieur privé à éviter toute campagne publicitaire mensongère.

Sont concernés : les établissements d’enseignement supérieur privé, les formations non autorisées par le ministère et les institutions privées prétendant être reconnues par l’État. Contacté par TelQuel.ma, Mohamed Tahiri, directeur de l’enseignement supérieur et du développement pédagogique au ministère de tutelle, affirme que « ce phénomène de publicités trompeuses existe depuis des années, mais qu’il a pris plus d’ampleurs, ces dernières années, ce qui a poussé le ministère à tirer le signal d’alarme sur ces pratiques déloyales ». Il ajoute : « Ces fausses informations sont susceptibles d’induire les étudiants et leurs familles en erreurs ». Qui sont ces établissements ? Comment procèdent-ils ? Sont-ils punis ? Interrogé, notre interlocuteur reste vague.

Jacques Knafo, président de la Fédération de l’enseignement supérieur privé et membre du Conseil supérieur de l’éducation de la formation et de la recherche scientifique, nous explique que cela fait plusieurs années déjà qu’il tente de sensibiliser le ministère à ce problème. « Les rares fois où l’on me répond, on me dit que le ministère n’a pas les moyens de contrôler toutes les écoles », s’agace le professionnel. Si ce dernier se félicite que le ministère ait « enfin réagit », il reste toutefois sceptique : « La loi autorise le gouvernement à sanctionner ces écoles. Tant qu’il ne le fera pas, ce sera l’anarchie ».

Mensonges ou malentendus ?

En matière de publicité mensongère, il existe plusieurs cas de figure. Il y a par exemple les écoles qui ouvrent sans autorisation de l’Etat. C’est notamment le cas d’une école qui enseigne le management à Casablanca et qui, en 2015, a ouvert ses inscriptions alors qu’elle n’avait pas encore reçu l’autorisation du ministère. « Ils n’ont eu l’autorisation qu’un an après son ouverture », nous explique Jacques Knafo.

Une source au sein de l’établissement, contacté par TelQuel.ma, explique qu’il s’agit en fait d’un malentendu : « Suite à notre dépôt de dossier, la CNACES – la Commission nationale qui octroie les autorisations -, a émis un avis favorable. On l’a pris pour argent comptant et on a tout de suite communiqué. Mais, par la suite, nous avons compris qu’il fallait attendre de recevoir le document officiel du ministère qui n’arrive que bien plus tard ». En effet, tant que le décret de reconnaissance n’a pas été publié au bulletin officiel, les écoles ne sont pas autorisées à ouvrir leur porte.

Selon Jacques Knafo et d’autres professionnels du secteur de l’enseignement privé, de nombreuses écoles jouent avec cette situation. « C’est le cas, plus récemment, d’une école d’ingénieur à Casablanca. L’établissement vient tout juste d’être reconnu, alors qu’ils communiquaient déjà sur leur reconnaissance étatique l’année dernière », continue le président de la Fédération de l’enseignement supérieur privé. Plusieurs écoles privées dont le dossier est actuellement « à l’étude » à la CNACES, procèdent de la même façon, indiquant dans leur campagne publicitaire que leurs diplômes seront « bientôt reconnus par l’Etat », alors qu’aucune confirmation n’a été officiellement donnée.

Contacté à plusieurs reprises, nous n’avons pas réussi à joindre les différentes écoles en question. Le responsable d’une école d’enseignement supérieur privée, qui a préféré rester anonyme, nous affirme qu’en effet « certains établissements profitent des mécanismes administratifs assez flous et de l’absence de sanction pour tricher parfois dans leurs campagnes publicitaires ».   

Etudiants trompés

La responsabilité revient-à elle à un ministère trop laxiste, ou à des établissements qui trichent sciemment ?  Un peu les deux explique Jacques Knafo : « Le ministère ne sanctionne pas, donc tout le monde s’adonne à ces pratiques ».

Une concurrence déloyale pour les établissements en règle avec la loi, que le président de l’une des écoles concernées tente de justifier ainsi : « Il y a beaucoup de concurrence dans notre secteur et les établissements privés essayent de faire valoir leur formation face à un secteur public puissant ».

Pour Jacques Knafo, comme pour le ministère de l’Education, le risque concerne avant tout l’étudiant : « Plusieurs fois, des étudiants se sont retrouvés à la fin de leur cursus avec des diplômes qui n’étaient en fin de compte pas accrédités par le ministère ». 

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