Alsarah entre sur scène. Piercing, jupe crayon couleur or, chemisier à paillettes et coiffure afro, elle a le look branché des artistes de Brooklyn. Et pourtant, quand elle se met à chanter ce n’est pas sur le continent américain qu’elle nous emmène. De sa voix puissante, Alsarah nous tient par la main et nous fait voyager dans l’est-africain. Son chant, accompagné par sa choriste (qui est aussi sa soeur) et ses trois musiciens, s’inspire de la musique traditionnelle du Soudan, dont elle est originaire.
Dimanche 27 mai, dans le cadre des Nuits du ramadan organisées par l’Institut français de Casablanca, Al Sarah & the Nubatones nous ont offert un savant mélange musical : une touche pop typiquement New-Yorkaise, quelques influences arabes et beaucoup de musique traditionnelle de Nubie, une région du nord du Soudan. Avec elle, Brandon Terzic, joueur de Oud et de luth, Mawuena Kodjovi, bassiste-trompettiste, Rami El Aasser, percussionniste et Nahid, son incroyable choriste. Un mix explosif qui a fait se trémousser le public de l’Institut français.
Alsarah, la militante
Sur scène, la jeune femme commence à parler naturellement en arabe – comme ses textes – puis demande au public quelle langue il préfère. Sans même attendre la réponse, elle lance, soutenue par sa soeur à côté d’elle : « En arabe hein ? ».
Alsarah est une militante. Et ça ne vient pas de nul part. Alsarah est née en 1982 à Khartoum au Soudan de deux parents militants des droits humains. Pour éviter d’être tués comme dissidents pendant le coup d’état de 1989, mené par le futur président Omar al-Bashir, sa famille fuit le pays. Elle a alors huit ans. Ils s’installent au Yémen. Puis avec la guerre civile de 1994, ils doivent fuir à nouveau. Ils vont à Boston aux États-Unis et réclament l’asile politique.
C’est aux Etats-Unis que démarre sa carrière d’artiste. Elle étudie l’ethnomusicologie à l’Université Wesleyenne, où elle écrit sa thèse consacrée au zār, « un rituel où, à travers l’encens et la musique, on arrive à la transe ». Elle obtient son diplôme en 2004 et commence à chanter professionnellement (toujours en arabe). Puis en 2010, elle créé Alsarah & the Nubatones. « Alsarah & the Nubatones est né après de nombreuses conversations nocturnes entre Alsarah, Rami El Aasser au sujet de la musique nubienne du retour », explique l’artiste sur son site.
La même année, elle publie une vidéo musicale appelée Vote!, avec le rappeur américain Oddisee, pour appeler les ressortissants soudanais à s’exprimer lors des élections générales soudanaises. Le groupe sort son premier enregistrement Sakoura EP en 2014. Puis l’album Sift la même année. La route vers le succès est ouverte. Ils sortent leur second album, Manara, en 2016 dont l’un de leurs titres les plus connus, Ya Watan. « Une sublime méditation engagée sur l’humanité », selon le site français les Inrocks.
Depuis, le groupe est en tournée un peu partout dans le monde. Entre temps, Alsarah travaille aussi avec le collectif soudanais Refugee club productions qui est à l’origine notamment du documentaire « Beats of the Antonov », qui a remporté le prix du public au festival international du film de Toronto en 2014.
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