L’Iran n’aura plus jamais carte blanche pour dominer le Moyen-Orient« , a déclaré lundi 21 mai le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo en présentant la « nouvelle stratégie » des Etats-Unis après la décision fracassante annoncée le 8 mai par Donald Trump.
Le « non » américain à l’accord de 2015 par les grandes puissances (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) avec le régime de Téhéran pour l’empêcher de se doter de la bombe atomique a suscité la colère des Européens, qui avaient tenté, en vain, de négocier avec Washington des solutions pour le « durcir » et s’attaquer aux autres comportements iraniens jugés « déstabilisateurs » dans la région.
« Ce n’est que le début »
Cette décision induit le rétablissement total des sanctions américaines, avec un effet collatéral dénoncé par le Vieux Continent: les entreprises européennes devront abandonner leurs investissements iraniens si elles veulent garder l’accès au marché américain.
L’Union européenne attendait donc le discours de Mike Pompeo qui avait promis d’esquisser sa vision pour l’après.
Or le secrétaire d’Etat américain, connu pour sa ligne dure, ne leur a pas vraiment tendu la main. Il a réclamé le « soutien » des alliés des Etats-Unis à sa stratégie, et, tout en reconnaissant les difficultés des entreprises européennes, il a fermement prévenu: celles qui continueront de faire affaire en Iran dans des secteurs interdits par les sanctions américaines « seront tenues responsables« .
Dans son discours, critiquant le laxisme de l’accord de 2015 comme Donald Trump avant lui, l’ex-directeur de la CIA a assuré que les Etats-Unis allaient exercer une « pression financière sans précédent sur le régime iranien« , avec « les sanctions les plus fortes de l’Histoire« . Les récentes annonces ne sont « que le début« , a assuré Mike Pompeo qui a aussi promis de « traquer les agents iraniens et leurs supplétifs du Hezbollah à travers le monde pour les écraser« .
Les 12 travaux de Téhéran
Mike Pompeo a toutefois affiché une possible ouverture à l’égard du régime iranien, se disant prêt à négocier avec lui un « nouvel accord » beaucoup plus vaste et beaucoup plus stricte pour qu’il « change d’attitude ».
« En échange de changements majeurs en Iran, les Etats-Unis sont prêts » à lever, à terme, leurs sanctions. mais aussi à « rétablir l’ensemble des relations diplomatiques et commerciales avec l’Iran » et à « soutenir » l’économie iranienne. Cela n’interviendra qu’après des « évolutions concrètes, prouvées et sur la durée« .
Surtout, Mike Pompeo a dressé une liste de douze conditions draconiennes pour ce « nouvel accord« .
Sur le volet nucléaire, les demandes américaines vont bien au-delà de l’accord de 2015, que Washington n’entend pas « renégocier »: l’Iran doit cesser tout enrichissement d’uranium et fermer son réacteur à eau lourde; donner aux inspecteurs internationaux accès sans conditions à tous les sites du pays.
Téhéran, a-t-il poursuivi, doit aussi mettre fin à la prolifération de missiles balistiques et aux tirs ou au développement de missiles à capacité nucléaire.
Enfin, la République islamique doit se retirer de Syrie où elle soutient le régime de Bachar al-Assad, cesser de s’ingérer dans les conflits de la région (Yémen), de soutenir des groupes « terroristes » (Hezbollah libanais, Jihad islamique palestinien, talibans afghans et Al-Qaïda), de s’ingérer dans les affaires de ses voisins, comme en Irak ou au Liban, ou d’en menacer d’autres, comme Israël ou l’Arabie saoudite, a énuméré Mike Pompeo.
Ces douze conditions « peuvent sembler irréalistes« , mais ce sont des demandes « basiques« , a-t-il plaidé. « Au bout du compte, le peuple iranien devra faire un choix sur ses dirigeants », a-t-il lancé, dans une nouvelle allusion au désir de changement de régime qui anime une partie de l’administration américaine.
Cette « pression maximale« , qui rappelle la stratégie américaine pour la Corée du Nord, a été saluée par des analystes conservateurs comme Mark Dubowitz, du think tank Foundation for Defense of Democracies, qui y voit un « plan B clair: intensifier la crise politique et de liquidités du régime iranien pour le forcer à des changements fondamentaux », « avec la promesse d’un grand accord diplomatique » en ligne de mire.
Au contraire, pour Diplomacy Works, un groupe de pression qui défend l’accord de 2015, la menace de sanctions sans précédent « est d’emblée compromise » par le fait que les alliés européens ne sont pas près de s’y rallier. « C’est la même vision que les faucons ont défendu pendant des décennies et qui a échoué au Moyen-Orient« , ajoute-t-il.
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