Nasser Zafzafi: "Tant que je risque la peine de mort, ajoutez autant de crimes que vous le souhaiterez"

Le procès des 54 détenus du Hirak à Casablanca se poursuivait ce mardi 17 avril, à la Chambre criminelle près la Cour d'appel.

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Nasser Zafzafi à Al Hoceima Crédit: Yassine Toumi/TELQUEL

Il ne se passe pas une audience sans que Hamid El Mahdaoui ne déverse à coups de hurlements plaintifs sa colère et son désarroi. Mardi, à l’ouverture du procès des 54 détenus du Hirak à Casablanca, le journaliste et directeur du site Badil.info, poursuivi pour « non-révélation d’attentat contre la sûreté de l’État« , se déchaînait contre le rejet par la Cour de sa demande d’exemption de présence aux audiences. Ses avocats tentent de le consoler, vainement, avant de le voir expulsé pour « entrave au déroulement de l’audience ».

Me Abderrahim Jamaï et ses confrères de la défense s’en remettent au juge Ali Torchi. « Ce n’est pas près de s’arrêter. Nous avons tous, dans cette salle, observé la dégradation de l’état de santé physique et mentale d’El Mahdaoui. Il faut trouver une solution pour éviter ce genre d’incidents qui ralentissent le cours normal du procès », s’inquiète le bâtonnier, priant au passage le magistrat de revenir sur sa décision.

Nasser Zafzafi non plus, ne peut s’empêcher d’exprimer son soutien au journaliste « victime d’une injustice criante », au moment de prendre la parole, à la barre de la salle 7 de la Cour d’appel de la capitale économique, pour son 4e jour d’audience. « Un simple geste d’humanisme », rétorque-t-il au juge qui l’avait recadré, lui rappelant qu’« il n’est pas avocat de la défense ».

 « Défense et gilet par-balles »

Interrogé sur la mention d’un gilet pare-balles dans une conversation téléphonique qu’il a eue avec des individus répondant aux noms de Redouane, Jamal Charifi et Abdessadak Boujibar, le meneur du Hirak reste placide. « Il s’agit d’un gilet porté par les athlètes lors de leur entraînement pour renforcer leur endurance », indique-t-il au juge, lui proposant de le « soumettre à une expertise technique« .

Il s’étale ensuite sur les menaces physiques dont il a fait l’objet. « J’ai été attaqué au sabre par un inconnu à Nador. Des individus armés m’ont intimidé dans une vidéo, sans parler des centaines d’appels, et de l’animateur Mimoun Dribi, qui a menacé de s’en prendre physiquement à moi, sur les ondes d’une radio. Tout ceci, au vu et au su du parquet qui n’a pas bougé le petit doigt », fulmine Zafzafi.

Le juge diffuse ensuite une vidéo de 35 minutes où le meneur du Hirak s’adresse aux sympathisants du mouvement, aux services de renseignements, aux « représentants mafieux de l’Etat profond« , ou encore au wali Mohamed El Yaakoubi.

Après près de 20 minutes de silence dans la salle, où l’interprète traduit les propos en rifain du leader du Hirak, une escarmouche éclate entre le représentant du parquet et la défense. Pour le procureur Hakim El Ouardi, il n’est « nul besoin de s’arrêter aussi longtemps, alors que des transcriptions traduites des vidéos et des écoutes téléphoniques sont mises à la disposition des avocats et de la cour« .

Dans le vacarme assourdissant, Me Abdelaziz Nouidi, avocat de la défense, accuse El Ouardi de vouloir « expédier le procès« . La voix cinglante Me Saïda Rouissi s’élève ensuite : « cherchez-vous à nous opprimer? ». Me Khadija Rougani se joint à elle: « je n’ai jamais été aussi persécutée que dans cette affaire« .

Qui est Brahim Bouazzati?

Ironique, Nasser Zafzafi rajoute son grain de sel. « Tant que je risque la peine de mort, ajoutez autant de crimes que vous le souhaiterez », dit-il à l’intention du procureur. « Peut-être que j’entrerai dans le livre Guinness des records« , poursuit-il, avant de citer le poète irakien Ahmed Matar. La salle fond dans les applaudissements du public et des accusés. La séance est suspendue.

A la reprise, Nasser Zafzafi est interrogé sur sa relation avec le dénommé Brahim Bouazzati, surnommé « Nourdine« . Il s’agit du même Bouazzati qui aurait affirmé à Hamid El Mahdaoui qu’il « comptait faire entrer des armes au Maroc« , et « avait financièrement soutenu le Hirak pour un montant de 160.000 euros« 

Pour Nasser Zafzafi, « il s’agit d’une personne fictive derrière laquelle se cachent les services de renseignements« . Ses avocats émettent eux aussi des doutes quant à l’existence réelle de cet individu.

Hakim El Ouardi en profite pour révéler que Bouazzati figure sur une liste de 13 personnes recherchées par la BNPJ sur le territoire national. « Lancer un mandat d’arrêt international relève de la compétence du juge d’instruction« , répond-il à Me Mohamed Aghnaj, qui avait cité une déclaration du ministre de l’Intérieur néerlandais. Dans cette déclaration relayée par le quotidien Al Massae, on apprend notamment qu' »aucun néerlandais d’origine marocaine n’est actuellement sous le coup d’un mandat d’arrêt« . Suite du procès ce jeudi 19 avril.

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