Près de 900 établissements scolaires fermés, de nombreuses routes bloquées, une dizaine de familles portées disparues… le royaume connaît une vague de froid sans précédent depuis le week-end dernier. Les chutes de neige persistent et les plans d’urgences du gouvernement se multiplient. Alors que les populations situées dans les régions montagneuses du Grand et Moyen Atlas essayent, tant bien que mal, de lutter contre les épaisses couches de neige qui s’accumulent dans leurs douars et sur les routes qui y mènent, la mobilisation sur place s’organise.
Mercredi 7 février, le roi Mohammed VI a donné ses instructions, relayées dans un communiqué du ministère de l’Intérieur, à l’ensemble des secteurs gouvernementaux et les services concernés pour poursuivre la mobilisation et fournir plus d’effort afin de réduire l’impact négatif de la vague de froid. Le 6 janvier déjà, la Fondation Mohammed V pour la solidarité a lancé le programme d’interventions humanitaires dans le cadre de l’opération Grand froid-Hiver 2018 dans les zones enclavées. De son côté, le ministère de l’Intérieur, dans le cadre de son plan de lutte anti-froid, coordonne les actions enclenchées par les différents ministères. A ce jour, le ministère de l’Intérieur, de la Santé et de l’Education ainsi que le ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts sont mobilisés.
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Selon le ministère de l’Intérieur, plus de 49 000 familles dans 22 provinces ont bénéficié jusqu’à présent de l’opération de distribution de denrées alimentaires, de couvertures, d’équipements et d’aides. Les bénéficiaires sont concentrés dans les provinces qui connaissent une forte baisse des températures – , dîtes prioritaires, à savoir : Al Haouz, Al Hoceima, Beni Méllal, Azilal, Boulemane, Chefchaouen, Khénifra, Ifrane, Midelt, Taouriret, Taroudant, Taza, Tinghir, Sefrou et Chichaoua. Malgré cette mobilisation, des familles sont toujours isolées, coincées par la neige et paralysées par le froid.
Des routes difficiles à déblayer
Selon le ministère des Transports, de nombreuses routes ont été coupées à cause de la neige, aggravant l’isolement des villages en altitude. Selon le dernier bulletin de viabilité routière du ministère du Transport en date du 6 février, 38 routes sont toujours coupées, à savoir 3 routes nationales, 9 routes régionales et 26 routes provinciales.
Ahmed, qui habite dans un petit village situé à 70 km d’Azilal, raconte qu’ils sont bloqués depuis trois jours : « La route qui va jusqu’à Tabant, qui se trouve à 20 km, est bloquée. On a quelques provisions pour tenir mais on n’a plus de gaz. Le camion qui achemine le gaz jusqu’au village est resté bloqué là-bas. Et impossible de trouver une petite bonbonne de gaz dans les épiceries alentour !« . Ahmed et sa famille font donc à manger et se chauffent grâce au bois : « Mais c’est cher ! J’ai acheté 4 tonnes de bois à 1 dirham le kilo« .
Dans la commune de Chakran, située à 70km d’Al Hoceima, 400 familles sont bloquées par la neige, selon Ahmed Douiri, président de la commune : « La route, pour se rendre dans les communes enclavées de Chakran, Tafssat, Mahlat, Maroui, est impraticable. Même le chasse-neige ne peut pas y accéder. On ne peut rien faire à part attendre que la neige fonde… ». Avant d’ajouter : « La Fondation Mohammed V pour la solidarité est bien venue distribuer, il y a 15 jours, des couvertures, de la farine et du sucre mais le stock n’a tenu qu’une semaine et aujourd’hui les gens n’ont plus rien à manger« . Car à ce jour, aucune denrée alimentaires ou autre provision ne peut parvenir à ces familles. « Si on attend trop, les gens auront puisé dans toutes leurs réserves et ils n’auront plus rien ! « , conclut, inquiet, le président de la commune.
Dans la ville d’Azrou et ses environs où la neige monte parfois jusqu’à 2m50, l’agriculteur Nourredine Azouzi raconte que c’est la société civile qui s’occupe de déblayer la neige sur les routes : « La commune est débordée car elle n’est pas équipée face à de telles chutes de neige. Ils n’ont qu’un chasse-neige et ils l’utilisent uniquement pour les grands axes pas pour les petits routes qui mènent aux douars« . Pour Aziz Akkaoui, membre de la section AMDH de Khenifra, même les engins supplémentaires mis à disposition par le ministère de l’Intérieur – plus de 729 engins selon les données du ministère- ne sont pas suffisants : « Ça n’est toujours pas assez. Du coup, ils ne déblayent que les grandes artères, le reste est toujours encombré par la neige« .
A Ait Hani, dans la région de Tinghrir, un habitant a posté une vidéo sur Youtube qui montre son village après l’opération de déblaiement de la neige. « Regardez l’état des routes même après le travail qu’on a fait pour dégager la neige. Et encore, ici on est au centre, alors je vous laisse imaginer comment ça se passe dans les hauteurs…« , explique l’homme face caméra, entouré par les montagnes enneigées.
Des éleveurs sans troupeaux
Selon Khadija Haddane, présidente du Croissant rouge dans la commune d’Ighil M’goun, le problème s’étend à d’autres endroits de la province de Tinghrir comme le village de Tamtatoucht, situé dans la commune d’Ait Hani, où les gens sont eux aussi, bloqués depuis presque deux semaines : « Beaucoup d’éleveurs ont perdu leurs troupeaux, ce qui est très grave pour eux car c’est grâce à ça qu’ils gagnent leur vie !« . Même chose à Tisraouline, dans la commune d’Ait Yahya près d’Imilchil, dans la région de Midelt, où un homme a posté une photo de ses chèvres retrouvées mortes dans son écurie à cause du froid.
Les histoires de ce type semblent malheureusement être monnaie courante ces temps-ci. Aziz Akkaoui raconte, lui, qu’un éleveur qui vit dans un village situé à 35 km de Khenifra, l’a appelé aujourd’hui pour lui dire qu’il avait perdu 150 moutons, écrasés par l’écurie qui s’est effondrée sous le poids de la neige. « C’est une catastrophe pour cet homme. Il a perdu tout son capital financier !« , s’inquiète l’associatif.
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Un autre problème pour les éleveurs : l’acheminement de la nourriture pour leurs bêtes. C’est pourquoi, un programme d’appui à l’alimentation du bétail via une opération d’approvisionnement en orge subventionnée a été lancé par le ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts afin de faire face à la vague de froid qui a touché plusieurs provinces du Royaume. Ce dernier invite ainsi les éleveurs des provinces concernées par les problèmes d’approvisionnement en aliments de bétail ayant besoin d’acquérir l’orge subventionnée, à prendre contact avec les services régionaux du Département de l’Agriculture. Ce qui risque d’être compliqué dans les zones où le réseaux téléphonique et internet a été complètement coupé.
De nombreuses écoles fermées
A cause de ces intempéries et du blocage des routes, quelque 900 établissements scolaires, situés pour la plupart en milieu rural, a indiqué mercredi 7 février, le ministère de l’Éducation dans un communiqué. C’est le cas dans la vallée d’Ozighimt, situé dans la commune d’Ighil M’goun qui se trouve à 180 km de Tinghrir où des familles sont bloqués depuis deux semaines avec les premières neiges. « Les routes étant complètement bloquées, les professeurs vivant à Kelaat M’gouna n’arrivent pas à accéder à la vallée qui compte environ 5000 personnes. Du coup, il n’y a pas d’école là-bas« , explique Mohamed Haddane, directeur d’un lycée à Ighil M’goun, qui ajoute qu’aujourd’hui 40% des élèves n’ont pas pu se rendre à l’école. « Les chauffeurs de bus ne veulent pas pratiquer les routes enneigées et verglacées, c’est beaucoup trop dangereux« .
Sa femme, Khadija Haddane, les enfants de plusieurs douars situé dans la commune d’Ighil M’goun (Amassine, Amaskar, Imaghrane, Aqqa et Tichki) sont eux-aussi privés d’école depuis le 5 février. Le couple affirme qu’il est tout de même difficile d’avoir des informations régulièrement à cause de l’absence de réseau causé par la neige. « Parfois il y a des ouvertures réseaux et on arrive à échanger quelques rapides messages WhatsApp« , souligne tout de même Mohamed Haddane. Même chose dans la province de Khenifra, où les écoles de certains douars et hameaux ont fermés leurs portes depuis 3 jours, nous affirme Aziz Akkaoui. Dans le communiqué publié mercredi 7 février, le ministère de l’Education, a précisé que « les directions provinciales s’attelleront à reprogrammer les cours suspendus dans les établissements scolaires concernés et à programmer des cours de soutien scolaire selon le calendrier fixé ».
Une difficile aide sanitaire d’urgence
L’autre risque pour ces zones enclavées : ne pas pouvoir gérer les urgences sanitaires. « Malgré tout, la plupart des familles sont habituées à ça et sont organisées. Elles ont toujours un petit stock de provisions. Le plus inquiétant à ce jour pour nous ce sont les urgence médicales : si une femme accouche ou que quelqu’un se blesse comment seront-ils acheminés vers la plaine ? Et encore, ça c’est s’ils arrivent à nous joindre par téléphone !« , s’inquiète Khadija Haddane.
C’est pourquoi, le ministère de la Santé a annoncé mercredi 7 février que, dans le cadre de la mise en œuvre du « Programme Riâya 2017-2018 », 98 caravanes médicales ont été organisées au profit de plus de 230 000 personnes qui ont bénéficié de consultations gratuites, en plus de la distribution de médicaments aux populations des douars affectés par la vague de froid, a affirmé le secrétaire général chargé de la supervision du Centre de veille et de coordination (CVC) au sein du ministère de l’Intérieur, Hassan Rochdi. Il a également ajouté que 660 médecins, plus de 1 950 infirmiers et près de 43 hôpitaux et 183 centres médicaux du ministère de la Santé ont été mobilisés ainsi que des unités médicales mobiles et plus de 400 ambulances.
Dans un communiqué publié le 21 janvier, le ministère de l’Intérieur a indiqué, que depuis le 22 novembre, 50 000 personnes ont bénéficié de diverses consultations médicales, dispensées par les deux hôpitaux militaires installés à Anefgou, province de Midelt et Ouaouizaght, province d’Azilal et celui relevant du Ministère de la Santé à Lakbab, province de Khénifra.
Toujours sans nouvelles d’une dizaine de familles nomades
Dans la région Drâa-Tafilalet, une dizaine de familles nomades n’ont pu redescendre des montagnes après la massive chute de neige lundi. Coincés là-haut, leurs proche sont sans nouvelles d’eux depuis 4 jours. « Ici, l’infrastructure est très fragile rendant l’accès à plusieurs douars impossibles depuis pratiquement 3 jours« , nous raconte Said Ait Aziz, habitant de la commune de Sidi Yahya Ou’Youssef à Tikajouine dans la province de Midelt. « Mais ce sont surtout les bergers nomades qui souffrent le plus, ils sont restés bloqués avec leurs cheptels composés de moutons, chèvres et vaches en altitude ».
Selon lui, « les nomades bloqués s’abritent dans des tentes de fortune en attendant la levée des brouillards pour qu’ils puissent se frayer un chemin pour leurs bêtes. Nous avons perdu tout contact avec eux par téléphone« . En attendant, Said Ait Aziz explique que les gens de la commune vont dégager eux-même la neige de la route ascendante car ils connaissent bien l’emplacement où peuvent se trouver actuellement les bergers nomades. « D’ailleurs beaucoup d’entre eux ont des membres de leur familles là-haut« , ajoute l’homme.
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