Selon une source à la direction de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA), il est « fort probable » que l’intervention controversée du fqih Abderrahmane Essekach, sur les ondes de Chada FM, au sujet des relations extraconjugales soit discutée aujourd’hui lors de la session ordinaire du Conseil supérieur de la communication audiovisuelle (CSCA).
Vendredi 19 janvier, sur les ondes de la chaîne de radio privée Chada FM dans l’émission religieuse Din wa donya, le fqih avait affirmé qu’au cours de sa première relation sexuelle, une femme se voit inscrire le sperme de son mari dans son vagin et donc qu’en cas de rapport extraconjugal, ce « code » ne serait alors pas reconnu, et l’épouse contracterait inévitablement un cancer de l’utérus.
Toujours selon notre source, s’il y a une décision de sanction, « c’est la radio qui sera censurée pour avoir donné l’antenne à ce type de discours, et non le fqih lui-même. Cela peut donner lieu à un simple avertissement, à une amende ou encore à l’éviction de l’invité de l’émission concernée. Le Conseil peut également imposer à la chaîne de radio un droit de réponse aux parties qui se sont senties outrées – des associations, voire même des personnes – puisque depuis peu ces dernières peuvent déposer plainte directement sur notre nouveau portail en ligne ».
Récidive
Ce n’est pas la première fois que l’émission religieuse de Chada FM est épinglée pour ce type de discours. Déjà en juin 2016, la HACA avait prononcé une sanction spéciale contre la radio privée marocaine suite aux propos du même Abderrahmane Essekach.
Il avait notamment déclaré que « quand une femme jouit de nourriture, de vêtements, d’une maison et d’un mari, elle se doit de rester chez elle. Dans le cas contraire, elle devient une pècheresse devant Dieu« . « Ces phrases ne sont pas de mon invention, elles sont directement prises du saint Coran« , avait même insisté le fqih.
Selon la HACA, la chaîne avait enfreint les articles 3 et 8 de la loi 77-03 selon lesquels « la communication audiovisuelle marocaine est libre et l’exercice de cette liberté se doit d’être appliquée dans le respect et la dignité humaine (…) les opérateurs de la communication audiovisuelle se doivent de faire la promotion d’une culture d’égalité entre les sexes et combattre toute forme de discrimination, notamment celles qui dégradent l’image de la femme« .
Contacté par nos soins, le rédacteur en chef de la radio n’a pas voulu répondre à nos questions et nous a redirigés vers le PDG de l’antenne, Rachid Hayak. Ce dernier non plus n’a pas répondu à nos différentes sollicitations.
Quel contrôle ?
Une question se pose alors : qui contrôle ce type de discours? Une interrogation posée également par la sociologue Soumaya Naamane Guessous, vendredi même, dans un virulent post sur son compte Facebook : « A qui doit revenir le contrôle de ces émissions ? Au ministère des Habous, à la HACCA, au ministère de l’Éducation nationale, à celui de la Culture, de la Communication ? Peut-être aussi à celui de la Santé qui ne devrait pas tolérer que des ignares s’improvisent médecins et informent la population sur sa santé ? »
Contacté à plusieurs reprises, le ministère des Habbous n’a pas répondu à nos appels. Mustapha Ben Hamza, président du Conseil supérieur des oulémas d’Oujda, ne s’étonne pas vraiment d’un tel discours et se dédouane de toute responsabilité: « Ce problème ne dépend pas de nous. Vous savez, dans tous les domaines, il y a des charlatans. On ne peut pas contrôler tout le monde et passer notre temps à faire la chasse aux sorcières« . De son côté, le ministère de la Santé affirme ne pas vouloir réagir à une polémique qu’il qualifie de « stérile« .
Pourtant, un contre-discours étayé par des arguments scientifiques et religieux solides serait le bienvenu. En effet, d’après Soumaya Naamane Guessous, des discours comme celui du fqih, qui connaissent un vrai retentissement médiatique auprès de la population marocaine, représentent un potentiel danger pour la santé des citoyens.
« Il y a un lien entre ce délire et la santé : les femmes peuvent se dire que si elles ne reçoivent que le sperme du mari, elles n’ont pas à faire de dépistage du cancer du col de l’utérus puisqu’elles en sont protégées! Alors que l’État organise des campagnes pour sensibiliser la population féminine au risque de ce cancer et pour encourager le dépistage et la prévention« , relève la sociologue.
En 2013, plusieurs plaintes ont été déposées auprès de la HACA suite aux propos de Jamal Skalli lors de son passage dans l’émission Aandi douak diffusée sur MFM Radio TV. Intervenant en tant que « docteur, spécialiste des plantes« , il délivrait des traitements contre des pathologies lourdes comme l’hépatite, le cancer ou encore l’anémie.
La HACA avait prononcé une première mise en demeure en juin 2013 pour interdire la prescription de médicaments pendant l’émission. Elle avait ensuite adressé un avertissement à la chaîne en août 2014, estimant que les propos pouvaient être une « incitation implicite à des comportements préjudiciables à la santé des citoyens, notamment, l’incitation implicite d’arrêter le traitement médical suivi dans les établissements hospitaliers« .
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