À la radio, un fquih soutient que le sexe hors mariage provoque des cancers de l’utérus

Soumaya Naamane Guessous, qui interroge depuis "plus de 30 ans, en sociologue et en profane, le Coran, les Hadiths, le fiqh et de respectables oulémas", n'a jamais entendu parler d'une telle théorie (capture d'écran Youtube)

Au cours d’une émission diffusée ce vendredi matin sur Chada FM, un fquih a affirmé que les femmes entretenant des rapports sexuels avec un homme autre que leur mari développeraient nécessairement des cancers de l’utérus.

Dans une lettre ouverte publiée sur sa page Facebook, Soumaya Naamane Guessous s’insurge contre la dangerosité de ces propos. La sociologue raconte qu’elle se branche régulièrement sur Chada FM, pour « s’informer sur les questions des auditeurs et sur leurs priorités », mais aussi écouter les fquihs, « qui ont une grande influence sur la plus grande partie de la population ». Or, ce vendredi matin, elle dit avoir été choquée par l’argumentaire d’un de ces intervenants.

Après une véhémente diatribe anti-occident et la recommandation de porter la burqa, le prédicateur aurait expliqué qu’au cours de sa première relation sexuelle, la femme se voit inscrire le sperme de son mari dans son vagin. En cas de rapport extra-conjugal, ce « code » ne serait alors pas reconnu, et l’épouse contracterait inévitablement un cancer de l’utérus ou de son col.

Des « scientifiques occidentaux » auraient fait la « découverte extraordinaire » suivante: la période de « idda » (abstinence après le veuvage, de 4 mois et dix jours, ndlr) supposément préconisée par l’islam, correspondrait parfaitement au temps nécessaire pour « effacer » le code du défunt et permettre à un nouveau de s’inscrire. « Ce que les scientifiques occidentaux viennent de découvrir, le Prophète le savait déjà il y a 14 siècles. Il savait que l’utérus avait besoin de ces 4 mois et 10 jours pour changer le code du sperme. Comment a-t-il fait pour en être informé, si ce n’est pas le miracle divin? », aurait conclu le fquih.

Selon Soumaya Naamane Guessous, auteur de plusieurs ouvrages sur la sexualité des femmes marocaines, « la idda a été instaurée dans le seul et unique objectif de donner à la veuve le temps de savoir si elle est enceinte ou non du défunt, afin que l’éventuel enfant à naître lui soit affilié et en être héritier ». « En cas de divorce, une idda de 3 mois est obligatoire pour les épouses encore en âge d’enfanter, afin que l’éventuel enfant à naître soit affilié à son père biologique », écrit-elle. Et la militante féministe de s’interroger sur la période de viduité recommandée en cas de divorce. « Si l’on suit sa logique (du fquih), toute femme qui se remarie après divorce est atteinte du cancer de l’utérus ou de son col », s’indigne-elle.

Celle qui est également professeure à l’Université Hassan II de Casablanca s’adresse à la Haute autorité de la communication audiovisuel (HACA), afin de comprendre comment de telles interventions peuvent être tolérées sur les ondes radiophoniques, surtout sur une fréquence aussi populaire. Elle interpelle également le ministère des Habous, afin que tous les religieux qui s’expriment publiquement aient été formés à l’Institut Mohammed VI de Rabat. Enfin, elle invite le ministre de la Santé à redoubler de vigilance: la diffusion de tels messages annihilerait les bénéfices de ses campagnes de prévention, les femmes n’entretenant des rapports qu’avec leur mari ne voyant plus l’intérêt de se faire dépister.

Samedi soir, nos tentatives de contacter Chada FM étaient demeurées vaines.

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