« L’indemnisation n’était pas la réponse que l’on attendait, on essaie d’acheter notre silence« , a affirmé dimanche le président de l’Association des familles victimes, Quentin Guillemain, à l’origine de la première plainte, déposée mi-décembre, et qui sera reçu lundi par le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire.
Il attend notamment des réponses sur l’efficacité des contrôles de l’Etat, l’usine concernée ayant déjà été contaminée à la salmonelle en 2005, et sur le nombre de victimes. Auparavant, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Grivaux, a estimé qu' »indemniser c’est bien mais l’argent n’achète pas tout ». « L’enquête n’épargnera personne« , y compris l’Etat qui « prendra sa part de responsabilité« , notamment en raison de la présence de boîtes de lait infantile potentiellement contaminées dans des hôpitaux, a-t-il ajouté.
Sortant de son silence, Emmanuel Besnier a défendu pied à pied sa gestion de la crise, vertement critiquée ces derniers jours par le gouvernement et les consommateurs, à l’occasion d’un long entretien au Journal du Dimanche, le premier jamais accordé à la presse par ce patron de 47 ans à la discrétion légendaire. « Nous indemniserons toutes les familles qui ont subi un préjudice« , a-t-il assuré.
A l’issue d’une rencontre vendredi avec Bruno Le Maire, qui avait fustigé une « entreprise défaillante« , le groupe Lactalis a annoncé la reprise de tous les lots de lait infantile produits dans l’usine incriminée de Craon (ouest), élargissant encore les rappels successifs lancés depuis début décembre.
Emmanuel Besnier dit avoir lui-même proposé au gouvernement cette mesure qui s’étend à 83 pays, notamment la Chine ou l’Algérie.
« Il faut mesurer l’ampleur de cette opération : plus de 12 millions de boîtes sont concernées« , souligne-t-il, assurant que les distributeurs n’auront plus à trier les produits en fonction de la date de fabrication. « Ils savent qu’il faut tout retirer des rayons ».
Trente-sept bébés ont été atteints de salmonellose en France – dont 18 avaient été hospitalisés – après avoir consommé un lait ou un produit d’alimentation infantile Lactalis infecté, selon un nouveau bilan au 11 janvier. Ils vont tous « bien », selon l’agence sanitaire Santé publique France.
Un nourrisson a également contracté la salmonellose en Espagne et un autre cas reste à confirmer en Grèce. « Il n’y a plus de nouveau cas depuis le 8 décembre. Celui qui a été annoncé en Espagne remonte au mois d’octobre« , affirme le PDG du groupe laitier.
« Non seulement nous n’avons pas eu d’explications, mais les choses semblent encore moins claires: M. Besnier parle de 83 pays concernés alors que nous étions restés sur 66 pays. D’où sort-il ces chiffres ? Est-ce que les autorités étaient au courant ? Nous attendons des réponses », a déclaré Quentin Guillemain.
« Dans cette affaire, on ne sait pas trop si l’histoire commence en 2005 ou en 2017. L’institut Pasteur lui-même estime qu’il pourrait y avoir potentiellement des victimes entre 2005 et 2017 », a-t-il ajouté.
Interrogé sur les « centaines » de plaintes déposées par des parents dans toute la France, où une enquête préliminaire a été ouverte pour « blessures involontaires » et « mise en danger de la vie d’autrui », M. Besnier a promis de ne rien cacher et de collaborer avec la justice.
Lactalis s’est vu reprocher d’avoir manqué de transparence et tardé à réagir après la détection de salmonelle dans son usine de Craon, lors d’auto-contrôles réalisés en août et novembre. Cette contamination, qui concernait seulement l’environnement du site et non les produits, n’a été révélée au public que début décembre.
C’est ensuite le rappel des lots de lait infantile en trois étapes en décembre qui a semé la zizanie.
Le retrait s’est par ailleurs révélé incomplet, certains distributeurs ayant continué à vendre des produits potentiellement contaminés pendant encore plusieurs semaines.
« Notre métier, c’est de mettre des produits sains sur le marché. Si cela n’a pas été le cas, c’est notre responsabilité », reconnaît Emmanuel Besnier, ajoutant toutefois, qu’à son sens, « il n’y a pas eu de manquements de notre part sur les procédures ».
Né d’une petite entreprise familiale, Lactalis est devenu un géant mondial avec 246 sites de production dans 47 pays et 75.000 collaborateurs.
Comme son PDG, le groupe cultive le secret et ne publie jamais aucun chiffre financier, à l’exception de son chiffre d’affaires annuel de 17,3 milliards d’euros, réalisé à 58% en Europe, 21% en Amérique, 14% en Océanie, et 7% en Afrique.
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