Salut à vous les amis. Zakaria Boualem espère que vous êtes moins congelés que lui, parce qu’il souffre beaucoup le pauvre. Il va sans plus attendre vous narrer une petite aventure qui lui est arrivée cette semaine, en espérant qu’elle puisse vous divertir, et aussi vous apporter un éclairage sur l’avancée des travaux de construction du Maroc moderne, car tel est l’objectif ambitieux de cette page. Le Guercifi s’est rendu dans un magasin de vêtements, une enseigne connue, internationale, qui propose plusieurs étages de textile en tout genre. Même si l’histoire est légère, on va s’abstenir de donner le nom du magasin en vertu du principe national qui dit que “on ne sait jamais”. Le shopping n’est pas une activité Le shopping n’est pas une activité facile pour le Guercifi. Non qu’il soit particulièrement difficile, mais il lui semble que tout ce qui est moderne, aujourd’hui, le couvre de ridicule.
Les pantalons à la mode lui donnent l’air d’un homme assis, et dans les chemises en vogue, il se sent comme une mortadelle. Il a du mal à situer à quel moment il a été abandonné par les stylistes, mais il est convaincu que sa silhouette ne sied pas à ce que propose le marché aujourd’hui. Il achète donc à vive allure une veste, sans même l’essayer, et rentre chez lui ventre à terre. Mais voilà, à peine a-t-il enfilé sa nouvelle acquisition qu’il comprend qu’il a l’air d’un clown. N’écoutant que son courage, il retourne au magasin, qui lui avait bien certifié qu’il pouvait changer d’article, et porte son dévolu sur un nouveau modèle, à la coupe un peu plus ample. Le voilà donc à la caisse, demandant un échange. Le caissier lui explique alors que vu la différence de prix, il a droit à un avoir de 200 dirhams. le Boualem ne veut pas d’un avoir, il veut ses deux cents dirhams. Mais ce n’est pas possible : comme il a payé par carte, on ne peut pas lui rendre d’espèces. Un des blocages classiques chez nous, qu’on connaît bien mais qu’on est incapable d’expliquer.
Jusqu’ici, tout va bien, ou plutôt normalement mal. Et nous allons basculer, puisque le caissier tente d’expliquer la politique de l’entreprise qu’il représente de la manière suivante :
- On est obligé de faire ça, donner des avoirs, sinon il y a des abus, tu comprends…
- Des abus comment ? Des femmes, par exemple…
- Quoi des femmes ? Pourquoi tu me parles de femmes ? J’ai changé un article avec un autre moins cher, il faut me rendre mon argent, c’est comme ça dans le monde entier.
- Oui, mais nous, avec les Marocaines, il faut prendre des précautions.
- Qu’est-ce qu’elles ont, les Marocaines ?
- On a vu par exemple des femmes se pointer avec un homme et lui faire acheter 8000 dirhams de vêtements, et le lendemain revenir pour rapporter la marchandise.
- Et alors ?
- Ben c’est une arnaque, elles tentent d’arnaquer le type.
- Et qu’est-ce que ça peut te foutre ?
- On ne peut pas laisser faire ça.
Il est fort probable que la véritable raison n’ait rien à voir avec cette extravagante justification, et pourtant le caissier la trouve acceptable. C’est parce qu’en bon Marocain, il défend la morale publique, ou plutôt l’idée qu’il s’en fait. Il estime qu’il faut protéger l’homme de la femme et de ses fourberies, et il estime aussi que le Boualem va se sentir solidaire de cette attitude. Ce faisant, il est convaincu qu’il fait barrage au vice. Notez bien que, dans tous les cas, le bonhomme “arnaqué” a bien claqué 8000 dirhams, et que si le remboursement avait eu lieu, ils seraient allés dans la poche de la dame au lieu de grossir le chiffre d’affaires du magasin. Mais dans le premier cas, c’est scandaleux, alors que dans le second, c’est acceptable. C’est formidable. Sans plus de négociations, Zakaria Boualem a acheté des chaussettes chaudes avec ses deux cents dirhams en se demandant comment on en est arrivés à produire des raisonnements aussi tordus. C’est tout pour la semaine, et merci.