Ca y est, c’est la fin de l’année. Vivement l’année prochaine. Ça sera mieux. C’est ce qu’on se dit tous les ans. Ça ne sera sûrement pas mieux mais ça sera nouveau, c’est déjà ça. Cette année a été un peu folle. Comme toutes les autres sûrement. Mais celle-là, tu t’en souviens encore. Tu n’as pas encore dilué tes souvenirs. Il s’en est passé des choses, partout. Tu as l’impression que le monde va trop vite, que le monde devient fou aussi. Un milliardaire de soixantedix ans au teint orange et à la coiffure douteuse est devenu le maître du monde. Il a l’air de s’amuser à redessiner l’axe du mal à coups de tweets survitaminés et semble gérer le monde comme une partie de PlayStation. Le Royaume-Uni compte quitter l’Union européenne mais tu ne sais pas vraiment pourquoi et eux non plus visiblement. La France s’est mise en marche avec un gamin de moins de quarante ans.
Les Saoudiens ont mis plein de gens en prison sans vraiment donner d’explication. Ils ont aussi organisé des concerts et tout le monde trouve ça cool. Kim Jong-Un a sorti ses jouets nucléaires et menace de faire un domino géant sur la planète. Les Rohingyas meurent dans un silence assourdissant. La Catalogne veut devenir la Catalogne. Et les gros porcs qui pensent qu’on peut tripoter une paire de seins commencent à dé- couvrir que ce n’est pas légal. Daech a perdu du terrain mais le nombre de victimes d’attentats grandit tous les jours. L’esclavage a été réhabilité en Libye. C’est toujours la guerre au Yémen. Tu ne comprends toujours pas pourquoi. L’ouragan Irma a ravagé les Caraïbes. D’Ormesson et Johnny sont partis rejoindre Jean Rochefort. Tu as appris ce que coûtait Neymar et ça t’a donné le tournis. L’indéboulonnable Bouteflika semble toujours bien boulonné à sa chaise mais légèrement déboussolé. Bref, le monde continue de tourner même si tu ne comprends pas comment. Et toi d’ailleurs, qu’as-tu fait dans ton monde? Pas grand-chose… Tu as été à vingt-sept vernissages. Tu as fait quarante-neuf manucures. Tu as eu au moins une trentaine de gueules de bois. Tu as juré au moins une trentaine de fois de ne plus jamais recommencer. Et tu as recommencé, au moins dix fois. Tu as fait huit mariages et six enterrements. Ce n’est pas cinématographique, c’est mondain. Le temps a passé, tu l’as regardé filer. Mais pas grand-chose ne t’a marquée ou émue. Tu as exprimé ton indignation en statuts Facebook. De toute façon, ici, on ne s’indigne jamais vraiment. On commente beaucoup. On bougonne un peu. On critique. Et puis, on accepte. Grâce à Dieu, ça ne va pas trop mal. Ça ne va pas bien pour autant, mais ça ne semble émouvoir personne.
Il n’y a pas de ministre de l’Education nationale ni de la Santé. Ça semble normal. Personne ne sait pourquoi le Maroc est entré en guerre au Yémen. Et alors ? Des enfants meurent de froid dans les montagnes du plus beau pays du monde. Des gamins croupissent dans les geôles du pays pour avoir osé rêver le rendre plus beau, ce pays. Personne ne semble très ému. Soixante pour cent de la population vit dans le besoin. Plus de deux millions d’enfants ne vont pas à l’école et plus de quatrevingt pour cent des femmes en milieu rural sont analphabètes. Mais grâce à Dieu, tout va bien. En même temps, comment Le contredire? C’est pratique, finalement. Ça nous permet de rester tranquillement dans notre torpeur. De ne jamais être ni trop choqué, ni trop indigné. Ici, on a réussi à tout banaliser. Même le champagne.
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous
Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer