En 2017, la politique a été enterrée. Certes, elle ne se portait déjà pas très bien, les signes d’agonie auraient pu nous alerter. Mais nos classes dirigeantes se sont laissé glisser doucement mais sûrement vers un état général d’attente. Elles ne gouvernent pas, ne décident pas, n’orientent rien, n’encadrent personne. Elles attendent Godot, cette décision d’en haut. Pourquoi le Maroc n’at-il toujours pas de ministre de l’Education, ni de la Santé ? Un pays qui accuse autant de retard dans ces secteurs vitaux peut-il se permettre le luxe de l’oisiveté ? Celui qui est censé ré- pondre à ces questions, celui qui a un mandat électoral pour le faire, ne pipe mot. SaâdEddine El Othmani, malgré toute la bienveillance du monde, n’est pas un Chef de gouvernement tel que la Constitution actuelle le définit. Il ne remplit pas son rôle pleinement. Beaucoup pensent qu’il n’en a pas la capacité. Pour sûr, nous pouvons lui reprocher de ne pas en avoir la volonté. El Othmani coordonne, veille au grain, s’applique à exécuter, même si parfois il devance les instructions et se loupe. Mais ne livre aucune vision. Il cherche à “se faire valider” parce qu’il a une mission : celle de maintenir son parti aux affaires. Son dessein n’est pas de gouverner mais d’installer les islamistes dans l’appareil de l’Etat.
Quant au Palais, si une stratégie de politique interne est esquissée derrière ses remparts, elle est de plus en plus illisible. Le Maroc moderne, aux choix démocratiques assumés, est-il toujours d’actualité ? Quand le droit de manifester est théoriquement respecté mais que des charges très lourdes et disproportionnées pèsent sur ceux qui ont exercé ce droit, quelle direction emprunte donc le pays ? La classe politique dans sa totalité ignore le sens du vent. Aucun chef de parti, aucun membre d’aucun bureau politique n’est en mesure d’expliciter la direction prise par le pays. Les conseillers royaux s’abstiennent. Et les médias spéculent. Nous en ferions de même si nous émettions une hypothèse sur la volonté du souverain. Mais maintenant que les décisions d’en haut ne souffrent aucune contestation. Que les divergences de points de vue sur la gestion de la chose publique n’existent plus. Que personne ne peut ou ne veut faire preuve d’initiative. Que le sens de la responsabilité est réduit à la sanction. Quel est le plan pour demain ?
Beaucoup de visiteurs étrangers, de représentations diplomatiques au Maroc, sont enthousiastes au vu du potentiel du royaume. Nous avons de grands projets d’avenir, certains vont dans le sens de la consolidation démocratique, comme la régionalisation avancée. Le Maroc est capable d’élaborer des stratégies, de les appliquer, pas encore de les corriger, et l’espoir est permis. Mais tant que la perception extérieure restera loin du vécu intérieur, l’inquiétude demeurera. Il manque cruellement un sens à la pratique du pouvoir au Maroc, et donc à la politique. Au bénéfice de qui est-elle ?