Lorsque vous consultez un article sur Telquel.ma, votre mobile, tablette ou ordinateur reçoit un certain nombre de données, que l’on appelle paquets. Ces paquets, qui contiennent du texte, des images, etc. transitent entre les serveurs de Telquel.ma et votre appareil, via des infrastructures fournies par les opérateurs d’accès à Internet. C’est l’accès à ces infrastructures que vous payez en souscrivant à un forfait ADSL, 3G ou 4G.
Une fois que vous vous acquittez du tarif d’un forfait Internet, votre opérateur n’a − en principe − plus le droit d’examiner la nature, la source, ou la destination des données qui transitent. Ce principe, vieux comme la Toile, entend assurer la non-discrimination entre les différents utilisateurs d’Internet. Pour télécharger un fichier de 1 Go à une vitesse de 1 Mo/sec, vous payez le même prix qu’une multinationale type Google ou Facebook.
En 2015 et sous la présidence de Barack Obama, la FCC (Commission fédérale des communications, le régulateur américain des télécommunications) avait approuvé le principe de neutralité du Net, élevant ce dernier au rang de service public. Son président de l’époque, le démocrate Tom Wheeler, estimait que cette mesure devait « préserver le rôle d’Internet comme espace de liberté d’expression et de démocratie ». Mais l’élection de Donald Trump pourrait changer cette donne.
En janvier dernier, le président américain a nommé Ajit Pai, « un républicain qui exécute un agenda de dérégulation agressif » selon le New York Times, à la tête de cette agence fédérale. Pai a présenté fin novembre un « plan de restauration de la liberté sur Internet et d’élimination des régulations oppressives ». Un plan qui devrait plus profiter aux fournisseurs d’accès à internet, plutôt que ses utilisateurs. Cette proposition sera soumise au vote des 5 commissaires de la FCC le 14 décembre.
Le 12 juillet dernier, Mashable, le site d’information américain spécialisé dans les médias sociaux a lancé une pétition sur la plateforme Change.org, dans laquelle il revendique la protection du principe de « Net neutrality ». À ce jour, la pétition qui espère recueillir 1 million de signatures a rassemblé 939.564 personnes.
La bande passante comme argument
En première ligne sur le front de défense du plan d’Ajit Pai, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Ceux-ci se plaignent du fait que les petits comme les gros utilisateurs profitent de la bande passante au même prix. Lorsque vous regardez une vidéo en très haute définition sur YouTube, vous engorgez la bande passante et ralentissez le débit d’un internaute qui souhaite publier un simple statut sur Facebook.
« Cette action [la proposition d’Ajit Pai] fera du haut débit aux États unis un régime de régulation qui promeut l’investissement privé et l’innovation« , a déclaré Joan Marsh, vice-président de l’opérateur américain AT&T.
La fin de la neutralité du Net ouvrirait la porte aux opérateurs télécoms pour proposer des « forfaits spéciaux » ou des suppléments permettant de consommer certains types de contenus. Concrètement, pour profiter en illimité du streaming ou des réseaux sociaux sur Internet, votre opérateur vous obligera à payer un supplément en plus de votre forfait « normal ».
[#CoursCultureNumerique] – Par exemple au Portugal, sans la #NetNeutrality, les fournisseurs d’accès Internet ont commencé à diviser le réseau en paquets – @LpTicArc pic.twitter.com/ivPbuA7gTY
— Hugo ‘KaeSor’ C (@HugoJ_) 3 décembre 2017
« Avec la liberté tarifaire, la tentation deviendrait forte pour les FAI de ralentir artificiellement le débit de la voie lente pour accroître la demande pour la voie rapide« , prédit dans Slate François Meunier, professeur associé de finance à l’ENSAE ParisTech. « Les FAI [fournisseurs d’accès Internet] offriraient deux types de contrats, l’un pour les prestataires de contenus gourmands en bande passante, l’autre aux petits utilisateurs« , ajoute-t-il.
Pour Ahmed Khaouja, experts des réseaux télécoms et ex-directeur des opérations et de la concurrence à l’ANRT, « toute la difficulté est de penser à un modèle économique qui profite en même temps aux FAI et aux géants du web, car les recettes des géants de l’Internet proviennent essentiellement de la publicité ».
Un débat toujours embryonnaire au Maroc
Au Maroc, le débat autour de la neutralité du Net n’est pas encore à l’ordre du jour. « La société civile marocaine n’est pas suffisamment initiée pour engager un réel débat autour de ce principe fondamental », explique Marouane Harmach, spécialiste des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
« En revanche, la question de la neutralité du Net a été soulevée, pas intrinsèquement, lorsque la VoIP a été interdite et lorsque certains internautes ont remarqué le bridage de certains services tels que le torrent et le P2P », concède-t-il.
« Au Maroc, la loi sur la liberté des prix et de la concurrence garantit aux entreprises de pratiquer les tarifs qu’ils souhaitent sur les produits et les services qu’ils offrent. La loi 24-96 relative aux télécoms garantit la même chose« , assure Ahmed Khaouja. Le Maroc va-t-il suivre les États-Unis dans sa démarche si ceux-ci viennent à mettre fin à la neutralité d’Internet? À suivre…
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