C’est à un homme comme lui que l’on doit la mort certaine de la politique. Pour être plus juste, à ceux qui ont fait de lui un phénomène et l’ont gonflé. Certes , Ilyas El Omari est un homme attachant. Et, à l’heure où ceux qui l’encensaient avant les élections sont ceux qui s’acharnent contre lui aujourd’hui, nous ne voulons pas gonfler les rangs des aiguiseurs de couteaux quand la vache est à terre. Mais il y a des limites à l’indécence. Le voilà victorieux, descendant de l’avion du Onze national, enveloppé dans notre beau drapeau, avec les caméras de nos chaînes publiques braquées sur lui. Ces mêmes chaînes — il est utile de le rappeler — qui relèguent à l’oubli ceux qui ne sont pas en odeur de sainteté auprès du Palais. La presse a fait ses choux gras de l’arrivée d’El Omari, copain comme cochon avec le président de la Fédération, Fouzi Lekjaâ, après la victoire de notre sélection en Côte d’Ivoire. Un mélange des genres conduisant beaucoup à se demander légitimement à quel titre le patron du PAM a-t-il eu droit à un tel traitement ?
Tout cela, nous le savons, n’est que rhétorique. Nous pouvons énumérer beaucoup d’autres questions comme celle-là. Par exemple, comment se fait-il que celui qui a présenté « Al Hoceïma, Manarat Al Moutawassit » devant le roi, bénéficiant de facto d’un coup de projecteur incroyable pour lancer des programmes pour 6,5 milliards de dirhams, président d’une région agitée depuis un an, Rifain en chef attitré, soit épargné par les foudres du Palais ? Bien sûr, Ilyas El Omari est un élu, il ne peut être défait si l’on s’en tient à la Constitution. Mais à voir sa proximité avec certains responsables publics, des patrons, son apparition à la télévision publique, sa démission puis son retour au PAM… il ne fait pas mauvais d’être lui dans le Maroc d’aujourd’hui.
Si notre scène politique s’autorégulait et était régie par une règle de sélection naturelle, Ilyas El Omari aurait soit disparu soit se serait sérieusement mis au travail. Rappelons-le, il est quand même à la tête d’un parti d’opposition qui a plus d’une centaine de sièges au parlement. Plus que n’aurait jamais souhaité n’importe quel autre parti traditionnel, hors PJD. Au lieu de mener un travail de fond, se positionner sur des sujets majeurs pour l’avenir et le bien-être des populations, jouer un vrai rôle d’opposition, préparer sur le terrain l’échéance de 2021, le PAM hiberne. Partira, partira pas… est la seule question majeure qui traverse un parti qui, finalement, n’a été, sans grande surprise, qu’une machine électorale.
Au lieu de s’intéresser donc à la politique, à la chose publique, chacun questionne : Ilyas El Omari est-il toujours puissant ? Est-il en train de renaître de ses cendres ? Dans les salons feutrés, on rapporte une histoire — peut-être une légende — où l’homme fort du Rif aurait réveillé un ministre au beau milieu de la nuit pour lui demander de lui apporter des cigarettes. Ça se gausse et nous nous désolons devant cette scène politique vidée de son sens, entre l’incompétence doublée d’une idéologie liberticide des uns, et l’influence autoritaire, intimidante et gracieusement accordée des autres. Les idées des marionnettistes ne sont pas toutes bonnes et il serait temps, non pas de le reconnaître — ne rêvons pas —, mais d’abandonner les mauvaises.