Ali Fassi Fihri, le spécialiste de l'énergie court-circuité par le Hirak

Il était le "monsieur énergie"  du royaume.  Celui qui a piloté la fusion entre l'ONE et l'ONEP et a permis à la toute nouvelle ONEE de sortir du déficit. Il a été limogé le 24 octobre par le roi Mohammed VI.

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Ali Fassi Fihri, DG de l'ONEE. Crédit: DR

A 62 ans, Ali Fassi Fihri doit faire ses cartons. Sa responsabilité a été engagée dans l’affaire de « Al Hoceima Manarat Al Moutawassit ». Le rapport de la cour des comptes remis à Mohammed VI par Driss Jettou reproche au patron de l’ONEE son incapacité à « sécuriser l’approvisionnement de la région en eau potable qui constitue une source de préoccupation des autorités locales, et de rattraper le retard accusé par l’office dans la réalisation de la station de dessalement ainsi que du projet d’adduction d’eau depuis le barrage de Bouhouda ».  La cour des comptes recommande  au ministère de l’équipement d’« accorder une attention particulière aux différents programmes relatifs à l’approvisionnement en eau, portés par le Secrétariat d’État, l’Agence du bassin hydraulique et l’Office National de l’électricité et de l’eau potable, au vu de la sensibilité de la problématique de l’eau dans la région ». Des reproches qui sonnent comme le glas de celui qui a consacré  les dernières années de sa carrière à remettre à flot les caisses de l’ONEE.

C’est en 1991 que Ali Fassi Fihri fait ses premiers pas dans le fonction publique en tant que directeur général du Centre de développement des énergies renouvelables (CDER- l’ancêtre de l’AMEE). Trois ans plus tard, il se voit confier la gestion de l’ONE suite à une crise énergétique marquée par d’importants délestages (coupures volontaires d’électricité). Il est  nommé, par le tout nouveau DG de l’Office Driss Benhima, directeur des « applications nouvelles et des programmes ». A ce titre il est chargé de « proposer au comité de direction  de l’ONE […] la réalisation de projets fondés sur toutes les techniques non classiques (éolien, cogénération…) », selon l’édition du 14 avril 1994 du quotidien L’Economiste.

Initiateur du BOT

C’est dans cette nouvelle fonction qu’Ali Fassi Fihri pilote l’intégration des énergies éolienne et hydraulique dans le mix énergétique du royaume. Il est notamment chargé du projet de Jorf Lasfar, pour lequel est utilisée la première fois la technique du Build Operate & Transfer (BOT), qui permet aux Etats de faire financer des infrastructures par des entreprises privées qui en assurent l’exploitation commerciale pour une durée limitée.

En 2008, alors qu’il préside aux destinées de l’Office nationale de l’eau potable depuis sept ans, Ali Fassi Fihri est rappelé au chevet de l’ONE pour prendre la relève de Younes Maamar, démis de ses fonctions de Directeur général. A la tête des deux offices, il est chargé d’assurer leur fusion. L’opération ne permet pas de résoudre la problématique du déficit structurel du géant qu’est devenu l’ONEE. Un problème structurel, car la production de plus en plus coûteuse d’électricité n’était pas compensée par une  facturation figée en raison de la volonté gouvernementale.

Un office enfin rentable

Alors qu’il est aux commandes de l’ONEE, Ali Fassi Fihri se voit confier plusieurs projets en parallèle. Il est notamment aux premières loges de la conception et de l’application de la stratégie énergétique marocaine.   « Il était en compagnie du souverain lorsque ce dernier lui a soufflé l’idée d’une centrale solaire. Ali Fassi Fihri devait travailler sur le projet alors confidentiel pour voir sa faisabilité. Le prélude du programme solaire marocain est né », nous confie un industriel marocain. La stratégie nationale pour les énergies renouvelables voit le jour en 2010.  Entre 2010 et 2014, il assure également la présidence de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) où il succède au général Hosni Benslimane. Un mandat marqué par un bilan sportif peu reluisant mais durant lequel le Maroc se voit confier l’organisation de deux Coupes du monde des clubs successives.

En 2013, après cinq années passées à la tête de l’Office, Ali Fassi Fihri tire la sonnette d’alarme. L’ONEE accuse un déficit de 2,3 milliards de dirhams qui pourrait atteindre les 7 milliards de dirhams en 2017 selon les estimations du responsable. La réaction de l’Exécutif est quasi-immédiate puisqu’en 2014 un contrat-programme prévoyant un réaménagement des prix de l’eau et de l’électricité, une aide étatique, des économies de gestion et d’exploitation et un programme d’investissement est signé avec l’Etat. Près de deux ans après la signature de cet accord, l’Office enregistre un bénéfice de 790 millions de dirhams annoncé quelques heures avant son limogeage.

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