Rabat: aux origines des tensions entre le PAM et le PJD

Depuis plusieurs mois les affrontements verbaux et physiques s'enchaînent entre les conseillers PAM et PJD siégeant au Conseil de la ville de Rabat. S'agit-il d'un différend politique mal géré ou le tumulte cache-t-il des affaires bien plus sérieuses?

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Les conseillers du PAM après le gel de leurs activités au sein du conseil de la ville de Rabat. Crédit Rachid Tniouni.

La scène est consternante. Vendredi 20 octobre, les conseillers de la ville de Rabat doivent voter le budget de la ville. Mais les élus du PAM sont remontés contre leurs homologues du PJD qui refusent de discuter un certain nombre de points soulevés par les élus du parti au tracteur, affirmant qu’ils ne sont pas à l’ordre du jour.

Les invectives s’enchaînent alors que des élus du parti d’Ilyas Elomari cherchent à accéder au pupitre du président du Conseil, Mohamed Sadiki. Les vidéos des échauffourées entre les deux camps, relayées par les représentants de la FGD, sont largement diffusées sur les réseaux sociaux. Les citoyens assistent alors à une énième scène de pagaille généralisée au Conseil de la ville de Rabat. Mais comment les élus des deux partis en sont-ils arrivés là?

La bataille de Youssoufia

Pour comprendre les affrontements entre les deux partis, il faut remonter au 4 septembre 2015. Ce jour-là, le PJD réalise un raz-de-marée aux élections communales et obtient la présidence de la quasi-totalité des communes que compte la capitale à l’exception de celle de Souissi, où Adil Atrassi (PAM) l’emporte.

Dans la circonscription de Youssoufia, c’est le secrétaire provincial du parti de la lampe, Abderrahim Laqraâ qui l’emporte en formant une alliance avec les partis de l’UC et du MP. Mais celle-ci est de courte de durée puisqu’au bout de trois mois, les formations du cheval et l’épi décident de joindre leurs forces à celle du tracteur privant ainsi le PJD d’une majorité dans cette circonscription.

Disposant de 25 sièges sur les 43 que compte Youssoufia, la nouvelle coalition UC-MP-PAM conduite par l’élu PAM Ibrahim Joumani demande l’organisation d’une session extraordinaire.  En ligne de mire, la révocation d’un certain nombre de présidents de commissions permanentes affiliés au PJD.

Abderrahim Laqraâ, qui refuse d’abdiquer, demande aux questeurs de préciser les raisons de cette destitution. Dans le même temps, Abdelouafi Laftit, alors wali de Rabat, poursuit Laqraâ pour avoir « outrepassé les prérogatives d’un président de circonscription qui se limitent à la convocation du conseil et à la présentation du programme de travail« . La plainte est toutefois rejetée par le tribunal administratif le 25 août 2016.

Selon des sources au sein du PJD, c’est justement la situation à Youssoufia qui est à l’origine du conflit avec les conseillers du PAM. Car sans majorité pour appliquer ses décisions, le président Abderrahim Laqraâ et ses conseillers se retrouvent cornaqués par le groupement PAM-UC-MP.

« Le PJD devrait se retirer de la présidence de cette circonscription s’il croit aux vertus de la démocratie« , estime pour sa part le conseiller communal PAM Hicham Akamhi. Pour lui, « l’antagonisme provient également du fait que le maire Saddiki n’a proposé aucun programme d’action communal et que son parti se trouve dans l’incapacité de gérer la ville« .

Notre interlocuteur reste convaincu que « des contraintes légales empêchent l’éviction de Laqrâa de la tête de Youssoufia« . Il en veut pour preuve l’article 70 de la loi réglementaire 113.14 en vertu duquel le tiers des membres d’un Conseil sont habilités, trois ans après la nomination du président, à présenter une motion de démission qui « ne peut être effective sans le ralliement d’au moins trois conseillers PJD à la motion formulée par l’opposition de Joumani« , regrette Hicham Akmahi.

Ces divergences n’ont pas empêché la commune de Youssoufia d’approuver son budget pour l’année en cours. « Ceci permettra à Laqraâ de travailler et d’exercer ses fonctions sans s’inquiéter de la majorité devenue pro PAM« , nous déclare Lahcen Amrani, adjoint au maire de Rabat pour qui le parti au tracteur s’est livré à des « pratiques de voyous » lors de la dernière session du Conseil de la ville.

Réunion à huis clos entre Benkirane et Joumani

Pour comprendre les scènes de violence du 20 octobre dernier, il faut également revenir trois jours plus tôt. Ce jour-là, le chef de file du PAM à Rabat, Ibrahim Joumani, rend visite au secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane. Au menu des discussions: les multiples échauffourées entre les deux partis et la circonscription de Youssoufia.

Contactée par Telquel Arabi, une source au sein du PJD nous confie que cette rencontre a été organisée à l’initiative d’Ibrahim Joumani. Ce dernier a tenté de convaincre Benkirane que Laqraâ, qui préside la commune de Youssoufia, doit se retirer de son poste afin de laisser place à la majorité formée par le PAM, l’UC et le MP. De son côté, le secrétaire général du PJD a demandé aux élus du PAM « de s’assagir et de laisser l’équipe du maire travailler sous de bons auspices« , nous indique la même source.

Ibrahim Joumani n’a pu être joint. Toutefois, un de ses proches nous affirme que « la réunion n’a pu accoucher d’un accord tacite et que Benkirane a simplement proposé une rencontre entre les conseillers communaux des deux bords en vue d’une réconciliation, ce que Joumani a refusé« . En attendant une solution au conflit entre les deux partis, le Conseil de la ville reste en proie à de nouvelles formes d’escalades tandis que la gestion des affaires communales semble reléguée au second rang.

Par Telquel Arabi. Editing: Jassim Ahdani

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